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Séduire est-ce tromper ? (Les pouvoirs de la parole - Les séductions de la parole)

(Cours de spécialité d’humanités, littérature et philosophie)
Séduire est-ce tromper ?
Problématique : La séduction est-elle une manière de tromper, de faire illusion, en montrant une apparence désirable ? La séduction n'est-elle pas naturelle, n'est-elle pas l'attrait que provoque une personne ou une chose sur notre désir ?
THESE : La séduction est l'effet naturel qu'exerce un bel objet sur notre sensibilité. C'est parce que l'on est séduit que l'on désire. La séduction n'est pas une aliénation, elle est «ce qui se passe» quand quelque chose nous plaît.

ANTITHESE : Séduire, c'est détourner du droit chemin, c'est user d'artifices pour susciter le désir des autres et exercer un pouvoir sur eux. Le séducteur n'est pas honnête, il ment, il joue un rôle pour dominer ses victimes.

SYNTHESE : øøø

1a) La séduction, c'est le désir. Quand une personne nous plaît, il est naturel que nous cherchions à la séduire. La séduction n'est donc pas forcément une attitude trompeuse, elle est un effort pour plaire à la personne qui nous a plu, pour établir une réciprocité du désir. L'objectif de la séduction, ce n'est pas d'avoir un pouvoir sur l'autre, c'est d'échanger du plaisir.

« Ordinairement, c'est à l'occasion de la présence de l'Autre que le monde se découvre comme monde du désir. » Jean-Paul Sartre, L'Être et le néant

2a) Séduire, c'est corrompre. Le mot séduction vient du latin « seducere », qui veut dire séparer et, par extension, détourner du droit chemin. Séduire quelqu'un, au sens de la morale chrétienne, c'est le tenter, provoquer son désir pour des choses immorales, le détourner de la vertu et de la religion. En particulier, tout ce qui procure un plaisir suspect, du théâtre à la sexualité, est vu comme un instrument de séduction et de corruption de l'âme.

3a) øøø

1b) Ce qui est bon peut séduire. Sans la séduction, il n'y aurait pas de désir, l'on serait insensible à toute beauté, à tout plaisir. La séduction n'est d'ailleurs pas seulement de nature érotique. Non seulement je peux être séduit par tout ce qui est beau -une œuvre d'art, un paysage - mais le bon aussi peut me sembler désirable. Je peux ainsi être attiré par des qualités morales, par un raisonnement juste, par un objet utile.

2b) La séduction est artifice. « Le visage humain est avant tout l'instrument qui sert à séduire », dit Bachelard. La séduction repose sur l'apparence. Elle est donc un leurre, une illusion créée pour attirer quelqu'un, pour susciter son désir et donc exercer un pouvoir sur lui. Les séducteurs ont recours à l'apparence pour tromper leurs victimes: don Juan use d'un langage enjôleur et faux, Carmen prend des poses suggestives et fait croire qu'elle est éprise.

3b) øøø

1c) La séduction n'est pas une aliénation. Freud dit qu'à l'origine des névroses, il y a souvent une séduction inavouée subie pendant l'enfance. Refouler son désir, en effet, c'est refuser d'aimer par peur de perdre le contrôle de son moi, d'être assujetti à la personne aimée. C'est pour cela que la séduction est souvent perçue comme une aliénation: le désir peut s'opposer à notre volonté, à nos principes. Mais le désir est par essence libre. Ce sont donc nos principes, imposés, qui nous leurrent.

2c) La séduction ment. La séduction sexuelle repose donc sur l'apparence. Mais la séduction est utilisée dans d'autres domaines, notamment le commerce. La publicité, en effet, n'est qu'un moyen de séduire le consommateur. De là ces «pubs» qui montrent des fumeurs beaux et bronzés, alors que les fumeurs véritables sont plutôt pâles et ont le souffle court.

3c) øøø

TRANSITION :

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CONCLUSION :

La séduction est l'effet naturel du désir. Elle ne repose pas sur des apparences mensongères mais sur l'échange du plaisir.

La séduction est un leurre. Le séducteur se montre différent de ce qu'il est réellement pour susciter le désir et contrôler ceux qu'il séduit

La séduction suscite souvent méfiance et rejet. On ne parle pas ici de la séduction superficielle que vantent les magazines féminins, et qui n'est qu'un jeu narcissique sans conséquence, mais de celle qui fait naître les vrais désirs et qui trouble l'âme. Contrairement aux apparences, en effet, la norme, aujourd'hui, c'est le refus de la séduction, le refus d'être détourné des principes, du chemin, du moi que nous nous sommes fixés. Comme le fait observer l'éthologue Boris Cyrulnik, nous choisissons nos partenaires en fonction de nos intérêts plus que de notre désir, nous avons tendance à ramener le désir à l'intérêt. Ce type de désir est finalement de courte durée et cède vite la place, dans une relation, au « mariage de raison ». Peu de gens, en fin de compte, cèdent au désir entendu comme attirance spontanée, libre et involontaire pour une autre personne, parce que succomber oblige que l'on renonce à contrôler, à posséder, pour établir un partage et une invention quotidienne de la relation, dans l'amour et le plaisir.

 

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