REGNIER Mathurin
REGNIER Mathurin 1574-1613
Fils d'un bourgeois de Chartres, il est, par sa mère, neveu de Philippe Desportes. Il fait, entre 1593 et 1605 de fréquents séjours à la cour pontificale, à Rome, avant de se fixer à Paris où il devient le chef de file du mouvement anti-Malherbe. Humaniste, il s'affirme disciple convaincu de Montaigne pour ce qui est de défendre sa liberté d'humeur et d'allure, et l’ardeur et le talent qu'il y apporte font de lui l'un des poètes satiriques les plus redoutés du temps. Au reste, il a beaucoup lu les Latins (Horace et Juvénal) et, s'il n'hésite pas, ainsi l'époque le veut, devant la calomnie et la diffamation, il n'en sera pas moins, par son ardeur, sa verve et la finesse de son regard sur ses semblables, un modèle pour Boileau, et Molière lui-même.
RÉGNIER Mathurin. Poète satirique français. Né à Chartres le 21 décembre 1573, mort à Rouen le 22 octobre 1613. Sa vie est assez mal connue et encombrée d’anecdotes légendaires: Il était neveu par sa mère du poète Desportes. Son père, notable de Chartres, tenait un jeu de paume appelé, paraît-il, le « tripot Régnier », et il se peut que Mathurin Régnier s’y soit habitué fort jeune à d’inquiétantes fréquentations. Ce coureur de tavernes est en tout cas un latiniste cultivé, nourri d’Horace et de Juvénal, qui a lu Rabelais, Marot, Montaigne, les poètes de la Pléiade. En 1587, à quatorze ans, « vif de courage et tout chaud d’espérance », comme il dit lui-même, il entre au service du cardinal François de Joyeuse, chargé des affaires du roi auprès du Saint-Siège, mais n’occupe qu’un emploi subalterne. Abandonnant sa charge, il rentre en France, rencontre Philippe de Béthune, ambassadeur d’Henri IV, avec lequel il repart outre-monts. En 1606 meurt son oncle, Philippe Desportes, dont Régnier manque l’estimable héritage mais qu’il remplace bientôt comme chanoine de Chartres, charge immédiatement échangée par lui contre d’autres bénéfices grâce auxquels Régnier mène joyeuse vie à Paris en compagnie de « libertins » comme Motin, le marquis de Cœuvres, Philippe Hurault de Chiverny, évêque de Chartres. En 1608 paraissent son Discours au Roi et dix premières Satires , rééditées un an plus tard, avec l’adjonction du Souper ridicule et du Mauvais Gîte. De 1608 également datent les Poésies diverses . Régnier va pouvoir mener désormais la vie dont il rêvait, car il s’impose comme le poète officiel de la cour, soit en composant des Elégies amoureuses pour Henri IV (1608), soit en célébrant en 1610 l’entrée solennelle de Marie de Médicis à Paris, soit en écrivant pour le jeune Louis XIII l'Hymne sur la Nativité de Notre Seigneur. Mais il meurt en 1613, et la même année ses amis font paraître une réédition de ses œuvres, avec des Satires, des Élégies et des Epîtres nouvelles. D’Italie, Mathurin Régnier avait au moins rapporté des lectures : Berni, Caporali, les burlesques italiens dont on retrouve l’influence dans son œuvre. Il commence à écrire en cette fin du XVIe siècle qui voit une vive réaction contre le lyrisme élégiaque, contre la poésie noble, un retour à Rabelais, la recherche d’une inspiration plus réaliste. Ce n’est pas toutefois dans les livres, mais autour de lui, dans la vie quotidienne de la petite société de Paris sous le règne d’Henri IV que notre poète va chercher son inspiration. Aussi est-il d’abord pour nous le peintre de son temps : son œuvre abonde en détails sur la rue, le costume, les mœurs, sur tout un pittoresque extérieur. La comédie du Grand Siècle puisera d’ailleurs abondamment chez Régnier, que Musset a justement qualifié « de l’immortel Molière, immortel devancier ». Sa philosophie est sans doute assez courte : indépendant, amoureux passionné de la vie, Régnier approuve surtout le conseil de Montaigne de « suivre la nature ». Ce joyeux drille n’en a pas moins écrit quelques poignantes Poésies spirituelles (1600-1612); il a montré aussi qu’il aurait pu être un poète de l’amour élégiaque et mélancolique (La Plainte). Il suit son humeur : pour lui (bien qu’il révère les maîtres de la Pléiade — mais il est plus près de Marot que de Ronsard), la poésie n’est qu’inspiration, le travail est à peu près inutile et la nonchalance une des grandes ressources de l’artiste. Il faut toutefois prendre garde que Régnier donne un tour outré et paradoxal aux conseils poétiques éparpillés dans son œuvre, pour le seul plaisir de taire enrager les doctes de la nouvelle école, Malherbe surtout, coupable de n’avoir pas aimé Les Psaumes de son oncle Desportes, et qu’il déteste. Ainsi Mathurin Régnier assurera-t-il que le vrai poète n’a qu’à « laisser aller sa plume où la verve l’emporte »; comme sans y songer, il se crée une langue sans règle, accueillant les truculences, les inventions spontanées du bas peuple, assez dédaigneuses de la syntaxe. Régnier, par l’intermédiaire des poètes burlesques italiens, se rattache à la satire du Moyen Age; son tempérament fait de lui un proche parent de Villon et des auteurs de fabliaux ; sa simplicité, sa confiance dans la « bonne loi naturelle » opèrent, après l’extrême effort d’intellectualité et d’érudition de la Renaissance, un retour à la vieille veine gauloise. A travers tout le XVIIe siècle on retrouvera Régnier, soit dans le burlesque d’un Scarron, soit dans le réalisme d’un Saint-Amand. Mais, d’une manière plus décisive encore, dans l’acidité de Boileau et le rire de Molière.
♦ « Egal aux anciens par le génie, mais ignorant, peu net, négligé, inégal. » Malherbe.♦ «... c'est le poète français qui, du consentement de tout le monde, a le mieux connu avant Molière les mœurs et les caractères des hommes. » Boileau. ♦ « Il faut regretter que se soit perdue la naïveté de son style. » Fénelon. ♦ « Le Montaigne de notre poésie. » Sainte-Beuve.