propagande
propagande, diffusion d'une idée ou d'une doctrine, destinée à modifier les opinions, les sentiments, les attitudes de la personne ou du groupe auxquels on s'adresse. Elle s'apparente à l’éducation mais, tandis que celle-ci s’attache à la vérité, celle-là ne la respecte pas toujours. La propagande n'est pas obligatoirement mauvaise (la propagande anti-alcoolique sert une bonne cause), mais elle est souvent utilisée à des fins contestables. Lorsqu’elle est avouée et qu'elle s'adresse à des adultes avertis, il est possible de lui résister en soumettant les arguments présentés à la critique objective ; aussi se fait-elle souvent insidieuse et s’adresse-t-elle aux enfants : les nazis utilisaient les livres de calcul pour transmettre les idées essentielles de leur doctrine. La propagande, qui vise à former certaines attitudes et à imposer des stéréotypes sociaux, est de nature totalitaire. Elle tend à conditionner l'individu en créant chez lui des mécanismes automatiques afin de contrôler et de manipuler son comportement social (voter pour tel parti, s'engager dans l'armée...). Elle a pour but de modifier nos jugements et nos perceptions en transformant notre système de référence, auquel toutes choses sont rapportées. Elle n'est pas toute-puissante et elle a besoin d’être diffusée sur un terrain propice pour atteindre pleinement son but mais, dans un régime totalitaire, contrôlant les médias, son pouvoir est absolu.
PROPAGANDE, n. f. (de propager, qui a aussi donné « propagation »).
1° Sens religieux (originel): institution et ensemble d’actions destinées à la propagation de la foi chrétienne. La propagande, historiquement, est d’abord une volonté et une méthode au service du prosélytisme (désir de convertir). Propagande catholique, protestante.
2° Sens courant : ensemble des actions militantes exercées sur l’opinion publique pour faire pénétrer en elle des idées politiques ou sociales, pour obtenir le soutien ou l’engagement du plus grand nombre de personnes possibles au service d’une cause, d’une idée, d’un homme. La propagande caractérise les régimes totalitaires. La publicité est l ’une des formes de la propagande.
La littérature d’idées, les ouvrages littéraires, les essais divers peuvent être considérés comme de la propagande au sens large (ils veulent influer sur les conceptions, les convictions ou les conduites des lecteurs). Voir le mot Engagement. Mais la propagande concerne surtout les journaux et revues, l’ensemble des campagnes de presse, l’action par médias interposés et la publicité. Le mot est péjoratif pour deux raisons: 1° D’une part, la propagande est souvent massive, intolérable en ce qu’elle veut forcer la liberté ou l’esprit critique des gens (aspect quantitatif); 2° D’autre part, la propagande pervertit souvent la communication : elle fait du texte ou de l’expression le moyen d’agir sur les autres, et non pas de servir la vérité ou la justice (aspect qualitatif). Il faudrait pouvoir distinguer le discours qui propose (des idées, des engagements) du discours qui force la liberté ou mystifie l’esprit (dans un but intéressé, partisan). La limite n’est pas toujours évidente.
PROPAGANDE La Grande Guerre a représenté le premier conflit dit « total », où guerre politique, guerre économique et guerre idéologique devinrent tout aussi décisives que les opérations sur le terrain des armes. Susciter l’adhésion des citoyens à la cause nationale fut dès lors une tâche prioritaire. Non seulement de plus en plus de secteurs de l’économie nationale furent appelés à contribuer à l’effort de guerre, mais les populations civiles commencèrent à être de plus en plus directement affectées dans leur vie quotidienne par cette nouvelle forme d’affrontement. La propagande y acquit ses premiers galons comme technique de gestion de l’opinion de masse, mais également comme moyen de pression sur les responsables de gouvernements étrangers. Un échantillon : deux photos sur le bureau d’un officier de renseignement ; la première représente des cadavres de soldats qui sont transportés à l’arrière des lignes pour y être enterrés ; la seconde, des dépouilles de chevaux morts que l’on convoie vers une usine pour en tirer de l’huile et du savon. L’officier substitue les légendes : « Cadavres de soldats en partance pour une fabrique de savon » et les expédie à la presse. L'officier qui, au printemps 1917 à Londres, dans les locaux du Department of Information, truque ainsi deux photos saisies sur un prisonnier allemand est le général Charteris. Son objectif : persuader la Chine de rejoindre le camp des Alliés. Les experts en propagande et contre-propagande de l’époque raconteront après la guerre que la profanation de cadavres par l’armée allemande aurait heurté profondément les Chinois et leur culte des morts. Au point que cette dépêche aurait pesé de tout son poids dans leur décision de sortir de la neutralité. Les handicaps allemands. Dans ce qui devait être l’un des derniers bulletins de la 18e armée de l’Allemagne du Kaiser, on lisait : « L’ennemi nous a mis en déroute sur le front de la propagande des tracts. Nous avons pris conscience du fait que, dans cette lutte à la vie à la mort, il était nécessaire d’utiliser les propres méthodes de notre ennemi. Mais nous en avons été incapables… » À cette faiblesse du front de la propagande, trois explications. D’abord et avant tout, le dispositif allemand s’adressa à la raison, s’efforçant de justifier l’attitude de ses compatriotes. La propagande britannique, elle, s’adressa aux affects, cherchant à indigner et à révolter. La seconde raison de cette faiblesse tient au caractère massif du recours à la propagande de la part des forces de l’Entente. Cette propagande s’intensifia à partir d’août 1917, choisissant comme objectif prioritaire de provoquer le plus de désertions possible dans les rangs ennemis. Enfin, dernier handicap de l’Allemagne, les dissensions entre le pouvoir civil et l’État-Major reléguèrent au second plan la création d’organismes de coordination des opérations de propagande. Une logique prévalut : celle des militaires. Ces derniers ne comprirent, en général, que très tardivement le changement de nature en cours d’expérimentation et qui affectait la définition même de la guerre, son caractère de « guerre totale ». Les Alliés réussirent donc là où leurs ennemis avaient échoué. Pour mener à bien une stratégie de persuasion, chacune des grandes puissances de l’Entente mit sur pied sa propre structure, la coordination interalliée n’intervenant que peu avant l’armistice, et pas toujours de façon très satisfaisante. Les États-Unis créèrent un Committee on Public Information relevant directement de la Présidence et réunissant les secrétaires à la Marine et à la Guerre, le secrétaire titulaire du département d’État et un journaliste, George Creel. Cet organisme, connu sous le nom de « comité Creel », s’efforça de mobiliser l’univers des médias pour « vendre la guerre au public américain » et vaincre ainsi la réticence des pacifistes. L’industrie cinématographique fut mise à contribution : elle se mit à produire des films de propagande, mettant surtout à profit l’affaiblissement de la production des pays européens. Le premier conflit mondial donna ainsi lieu à de nombreuses réflexions sur les rapports de force culturels internationaux. Vers la communication de masse. La période de paix ramena les interrogations morales sur la fin et les moyens de la propagande, au fur et à mesure de la publication des révélations d’anciens propagandistes repentis. Quelques voix isolées essayèrent bien de secouer la surestimation dont jouissait la propagande dans les facteurs qui avaient précipité la chute de l’Empire allemand. Mais, pour ou contre, l’écrasante majorité ne contesta pas l’efficacité de la guerre des tracts et des communiqués. Le débat contribua, au contraire, à renouveler l’idée de la puissance magique des techniques modernes de persuasion. L’idée que les moyens de communication de masse pouvaient avoir un pouvoir démesuré sur le façonnement des esprits commença à se frayer un chemin. C’est dans ce contexte que vit le jour le premier ouvrage de recherche sur la communication de masse, Propaganda Technique in the World War, de l’Américain Harold D. Lasswell (1927), inventeur de la fameuse formule censée donner les clés sociologiques de la communication de masse, dite des 5 W ou des 5 Q : « Who says What in Which channel to Whom with What effect ? » (« Qui dit Quoi à Qui par Quel canal et avec Quel effet ? »).