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VI LE MONDIALISTE Louis Napoléon a voulu mettre la politique étrangère de la France au service de l'idée qu'il se faisait de l'organisation et de l'évolution du monde.

Publié le 08/12/2021

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VI
LE MONDIALISTE
Louis Napoléon a voulu mettre la politique étrangère de la France au service de l'idée qu'il se faisait de
l'organisation et de l'évolution du monde. Attitude originale et même radicalement nouvelle qu'on va beaucoup
lui reprocher et dont il paiera le prix; elle marque une rupture avec une conception égocentrique des affaires
internationales inspirée par le seul intérêt national. Jamais, même sous la Révolution, la France ne s'était
reconnue une vocation à ce point messianique. Et Louis Napoléon est probablement le premier chef d'État à
mériter le titre de mondialiste. Il le revendique, d'ailleurs, implicitement quand il s'écrie: « Celui-là fut un homme
de génie qui reconnut que l'équilibre européen n'est plus comme autrefois sur les Alpes, les Pyrénées, sur la
Vistule ou sur le Pont-Euxin, mais qu'il embrasse le monde entier «.
De fait, le rayonnement de la France dans le monde ne remonte ni à la Révolution, ni au premier Empire. Seuls,
alors, l'aventure égyptienne mise à part, quelques pays d'Europe vibrèrent à la propagation de nos idées... ou
sous les bottes de nos soldats.
Il ne remonte pas davantage à leurs successeurs falots, sous le règne desquels notre pays vécut comme
tétanisé et replié sur lui-même. La France, en réalité, n'a une politique mondiale que depuis le second Empire.
Elle le doit à Louis Napoléon.
***
Si l'on trouve le compliment exagéré, on peut se reporter aux
très vives critiques qu'a suscitées cette nouvelle politique étrangère. Elles corroborent l'analyse puisqu'elles en
admettent les prémisses.
Par exemple, Paul Guériot, pourtant l'un des historiens les plus compréhensifs à l'égard de Louis Napoléon,
résume ainsi sans aucune indulgence l'ensemble de sa diplomatie:
« [...] Napoléon III, écrit-il, fut victime de son imagination et dupe d'erreurs généreuses. Il ne pouvait se
résoudre à admettre que, dans le maniement de la politique étrangère, le devoir d'un chef d'État consiste
souvent à se maintenir, à se raidir dans l'égoïsme national. Il voulut se faire le champion des peuples opprimés,
intervenir comme redresseur de torts, jouer en Europe et même au-delà le rôle d'arbitre-providence. La Turquie
est menacée par l'Empire russe; il interviendra en faveur de la Turquie par la guerre de Crimée. L'Italie souffre
sous la domination de l'Autriche; il n'hésite pas à soutenir l'Italie. Le Mexique est déchiré de luttes intestines,
menacé d'absorption par les États-Unis; Napoléon III conçoit le dessein de pacifier le Mexique, de le régénérer
par la création d'un grand Empire latin qui contiendra l'avidité anglo-saxonne. «
Dans l'exposé des faits, cette présentation des choses est tout à fait acceptable; elle l'est beaucoup moins dans
le commentaire, qui s'appuie sur une conception de la politique extérieure avec laquelle Louis Napoléon est
précisément en rupture déclarée.
a politique étrangère procède de trois sources d'inspiration au demeurant si étroitement complémentaires qu'il
st souvent difficile de faire la part des unes et des autres : c'est d'abord le principe des nationalités; ensuite, la
reconnaissance de certaines valeurs dont la propagation paraît nécessaire: l'ordre, le progrès, l'expression
populaire; enfin, et bien sûr, l'intérêt de la France.
L'empereur avait-il, à cet égard, la ferme résolution de rendre à la France ses frontières naturelles? Ses efforts
pour récupérer Nice et la Savoie peuvent le donner à croire. Sans doute rêva-t-il à la rive gauche du Rhin, à la
Belgique, même, avant de tenter de se rabattre sur le Luxembourg... Tout indique pourtant que tel ne fut pas
son objectif principal: Louis Napoléon ne négligea jamais les occasions qui s'offraient de faire profiter la France
de sa politique, mais la perspective de gains territoriaux restait à ses yeux secondaire par rapport à l'objectif
majeur des nationalités.
A ces trois principes, faut-il en ajouter un quatrième, comme
le font tant d'historiens, qui correspondrait au besoin de rechercher sans cesse à l'extérieur les moyens
d'affermir le régime? Besoin qui se concilierait aisément avec un autre, celui de la gloire personnelle. Bien des
indices invitent à pencher pour une réponse négative.
Certes, Louis Napoléon, dès son accession à la présidence, a revêtu l'uniforme de général. Sa présence sur les
grands champs de bataille apparaît à ses yeux comme une nécessité politique et symbolique. Et si, à regret, il
devra s'abstenir de paraître en Crimée, il sera présent en Italie, et lors de l'empoignade finale avec la Prusse.
Mais, sans être un chef aussi médiocre qu'on l'a prétendu, il connaît assez la chose militaire pour avoir
conscience de ses limites dans ce domaine. Il n'est ni un génial stratège ni un vrai conquérant; il cherchera
d'autant moins à en donner l'illusion qu'il sait que, sur ce chapitre, il ne pourra jamais rivaliser avec le souvenir
de son oncle.
A-t-il aussi conscience que l'outil dont il dispose n'est pas à la mesure de celui dont Napoléon Ier fit l'instrument
de sa gloire? C'est plus que probable. Sans doute, notre armée a réussi jusqu'ici à dissimuler ses graves

insuffisances et, à chaque conflit important, des succès, pourtant incertains, font oublier les énormes difficultés
qu'elle a rencontrées. Mais le fait est là. L'armée française est alors une très belle armée; ce n'est pas une très
bonne armée.
Le soldat français est brave, habile, endurant. Nos troupes, en particulier nos troupes coloniales, sont aptes aux
coups de main, aux opérations de commandos. Elles vont ainsi faire merveille en Algérie, en Cochinchine, en
Chine et même, souvent, au Mexique. Peut-être, d'ailleurs, y prennent-elles de mauvaises habitudes. Car
utant se manifestent leurs qualités et leur efficacité dans les phases tactiques, autant paraissent-elles
mpruntées dès qu'il s'agit de concevoir et de manoeuvrer à plus grande échelle. On n'a pas intégré dans les
conceptions stratégiques les données nouvelles qu'impliquent les progrès techniques : l'évolution des armes,
l'importance de la logistique, la rapidité des transmissions. Aucun chef militaire ne va se montrer apte à
imaginer et à conduire une rénovation pourtant nécessaire de l'art de la guerre. On se bat comme sous le
premier Empire malgré un armement autrement plus meurtrier: on charge à la baïonnette, par gros bataillons,
on forme le carré pour se protéger de la cavalerie qui s'élance elle-même en rangs serrés... Il y a pire: les
officiers supérieurs ont une mentalité de seigneurs de la guerre : il ne faut surtout pas qu'un concurrent leur
vole le succès; pour éviter cela, ils sont prêts à tout compromettre...
La victoire de Crimée fera malheureusement oublier les récriminations que, devant l'ampleur du désordre et de
la désorganisation de notre armée, exprime un Saint-Arnaud : « On ne fait pas la guerre sans pain, sans
souliers, sans marmites, sans bidons. Anathème sur les ânes bâtés, sur les cuistres enchiffrés, sans
prévoyance et sans politique militaire qui ont jeté à huit cents lieues de la France, avec la moitié à peine des
moyens et des ressources nécessaires en personnel et en matériel, une armée de soixante-dix mille hommes! «
De même, une fois le succès assuré en Italie, nul ne se souciera plus des constats accablants faits par Louis
Napoléon lui-même au début des hostilités. En 1870, à la veille d'affronter les Prussiens, les leçons des conflits
antérieurs n'auront pas été tirées.
La Grande Armée n'est qu'un lointain souvenir... Depuis quarante ans, la France ne s'est plus battue sur les
grands théâtres d'opérations extérieurs et cela se sent. D'ailleurs, et c'est une autre donnée fondamentale, il est
clair que Louis Napoléon n'aime pas la guerre. Autant certaines opérations de police outre-mer, courtes et peu
oûteuses en hommes, ne le rebutent pas, autant il répugne à provoquer des conflits qui s'éternisent. Sa
ensibilité ne peut s'accommoder de l'idée des souffrances endurées, ni a fortiori de leur spectacle.
omment ne pas le croire quand, s'exprimant à l'occasion de la clôture de l'Exposition universelle de 1855, il
ance ce véritable hymne à la paix:
A la vue de tant de merveilles étalées à nos yeux, la première impression est un désir de paix.
La paix seule peut développer encore ces remarquables produits de l'intelligence humaine. Vous devez donc
ouhaiter, ainsi que moi, une paix durable. La France n'a de haine contre aucun peuple; elle a de la sympathie
our tous ceux qui veulent, comme elle, le triomphe du droit et de la justice. «
ses yeux, la guerre ne peut être qu'un expédient auquel il faut pouvoir renoncer au plus vite, même si, dans
'instant, il a eu son utilité. Mais le moyen de faire autrement quand, par malheur, les. choses sont figées et que
ul ne veut discuter?
n revanche, si l'on peut obtenir un congrès, c'est-à-dire une négociation générale permettant d'éviter la guerre,
n ne s'en porte que mieux. Ces congrès, il a toujours tenté de les imposer avant que la parole ne fût donnée
u canon... C'est le cas dès 1849 pour Rome, et plus tard avant que ne commence l'affaire de Crimée; ainsi
u'avant l'intervention en Italie.
t lorsque la guerre n'a pu être évitée, il faut n'avoir de cesse que de chercher l'occasion de suspendre les
ostilités et de reprendre la négociation, dès que l'évolution des choses en a rendu les conditions plus
avorables.
usqu'au bout, le comportement de Louis Napoléon illustrera cette conception. Lorsqu'il part pour l'Italie, n'este pas, finalement, pour négocier? Certes, pour pouvoir engager la discussion, et l'ouvrir dans de bonnes
onditions, on doit d'abord se battre. Mais dès que la donne a changé, il faut parler. C'est pour cela qu'il est sur
lace, afin de battre le fer de la négociation dès qu'il sera suffisamment chaud, et pas seulement pour aller
ueillir les lauriers d'une gloire factice. Même si, cette gloire venant de surcroît, il ne fera pas devant elle la fine
ouche. C'est le même processus qu'il voudra mettre en oeuvre face à la Prusse, l'affaire, cette fois-ci, tournant
sa confusion et à la nôtre.
ompte tenu des objectifs qu'il a assignés à sa politique extérieure, la dénonciation des traités de 1815 tient
videmment une place centrale dans son discours. Ces traités sont l'abomination originelle, la source de tous
es maux et de toutes les difficultés de l'Europe. Ils étaient, comme l'a écrit Joseph de Maistre « une semence
ternelle de guerres et de haines, tant qu'il y aurait une conscience parmi les hommes «.
our Louis Napoléon, le congrès de Vienne n'a pas seulement ignoré les sentiments nationaux, il a organisé

délibérément leur oppression. Son acte final repose sur une conception dépassée des rapports internationaux,
indifférente aux besoins des peuples, au développement des échanges commerciaux, au progrès économique
t social. Il cherche en outre à brimer la France, dont la liberté d'initiative et de manoeuvre est réduite à presque
ien, et qui se trouve placée en situation de haute surveillance. Ici, la croisade à mener contre l'ordre européen
ssu de Waterloo prend une dimension mythique, qu'on aurait tort de minimiser : remettre cet ordre en cause,
'est assurer tout à la fois la réhabilitation de l'époque napoléonienne et la revanche de la France. C'est en
uelque sorte se forger une seconde légitimité.
u moins la sincérité et la détermination du neveu ne font aucun doute, alors que les desseins de l'oncle
'avaient pas toujours été clairs. Dans le Mémorial, Napoléon Ier explique -- après coup -- qu'il eût voulu «
acifier l'Europe. Y affranchir et y unir les peuples [...]. C'est avec un tel cortège qu'il eût été beau de s'avancer
ans la postérité et la bénédiction des siècles «.
'eût été beau, mais ça ne l'a pas été; même si Louis Napoléon affecte de croire à l'explication a posteriori du
émorial et déclare en faire sa ligne de conduite. D'ailleurs, il n'est pas le premier à vouloir mettre en cause les
raités. Dès la fin de la Restauration, Polignac a esquissé quelques pas en ce sens, et Louis-Philippe a
anifesté quelques velléités d'en faire autant.
n fait, l'attitude de Louis Napoléon à l'égard des nationalités est à la fois prudente et réaliste. Écrivant à Emile
llivier en 1869, il en donnera une définition qui est à la fois réductrice -- il s'agit de ne pas se laisser entraîner
'importe où -- et d'une surprenante modernité : « Je suis comme vous, partisan des nationalités, mais les
ationalités ne se reconnaissent pas seulement par l'identité des idiomes et la conformité des races; elles
épendent surtout de la configuration géographique et de la conformité d'idées qui naît d'intérêts et de
ouvenirs communs. «
'ailleurs, la thèse qui fait de Louis Napoléon une sorte d'apprenti sorcier, déchaînant ou exacerbant en toute
rresponsabilité des forces dangereuses jusque-là assoupies, ne résiste pas à l'examen car le mouvement est
el et bien lancé avant toute intervention de sa part. Dès 1830 et, surtout, dès 1848, les nationalités longtemps
longées en catalepsie par le système né du congrès de Vienne sont sorties du sommeil. Louis Napoléon
econnaît leur légitimité, adopte leur parti, mais il cherche aussi à faire en sorte que leur volonté d'expression
renne d'autres chemins que celui de la Révolution, lequel, avant lui, paraissait le seul à s'offrir.
ar Louis Napoléon n'est pas en politique extérieure le benêt qu'on a trop souvent voulu décrire. Il sait
arfaitement que, si l'on ébranle l'ordre ancien, il faut en dégager un nouveau. Lui, du moins, va s'y employer...
our conduire un mouvement qu'il estime nécessaire et inéluctable, il propose une alternative à la fois à
'absolutisme héréditaire et à la Révolution. Sa solution, cohérente avec ses choix intérieurs, c'est le plébiscite
t le suffrage universel, par lesquels, progressivement, doit se remodeler l'Europe.
êve-t-il d'union européenne? Sûrement. Et à tout le moins d'une ébauche d'organisation à prépondérance
rançaise, qui serait la juste contrepartie de la part que le pays aurait prise dans la redistribution des cartes.
ouis Napoléon a en effet fatalement lu dans le Mémorial qu'il ne peut y avoir « d'autre équilibre possible que
'agglomération et la confédération des grands peuples. Le premier souverain qui, au milieu de la première
rande mêlée, embrassera de bonne foi la cause des peuples se trouvera à la tête de l'Europe et pourra tenter
e qu'il voudra «.
ris entre deux feux, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur, combattu à la fois par des conservateurs aveugles
t par une gauche qui ne peut admettre d'avoir avec lui certaines convergences, il connaîtra bien des déboires,
es rebuffades, des déceptions. Sans pour autant jamais renoncer, il en viendra parfois à exprimer sa lassitude,
omme dans ce propos adressé au prince de Metternich, après l'intervention en Italie et au moment où monte la
ension en Pologne:
On a beau avoir de la sympathie pour les aspirations nationales de tel ou tel peuple, c'est la Révolution qui,
n s'interposant, gâte tout. C'est parce que je ne veux et je ne puis transiger avec la Révolution que j'ai tant
'embarras aujourd'hui, c'est la Révolution qui perd les meilleures causes, qui détruit les sympathies que l'on
ourrait avoir, qui me rend l'Italie odieuse et me dégoûte de la Pologne. «
es sentiments sont-ils vraiment les siens, ou cherche-t-il seulement à amadouer les tenants du parti de
'Ordre, pour qui c'est pactiser avec le diable qu'accepter les objectifs extérieurs de la Révolution et dont
'opposition pourrait se durcir encore face à une politique qu'ils ont déjà jugée utopique, dangereuse,
ubversive... ?
oujours est-il qu'il veut libérer l'Italie, voire la Hongrie, des Autrichiens, qu'il souhaite une réorganisation de
'Allemagne -- pour faire équilibre à l'Autriche --, et qu'il rêve de reconstituer la Pologne. Mais ce beau et vaste
rogramme est loin de susciter l'adhésion générale.
n ne peut qu'être frappé, à nouveau, du formidable isolement de Louis Napoléon. Sa politique étrangère, il
evra la conduire seul. Contre ses diplomates, contre ses ministres, contre l'essentiel de son entourage, contre
e Corps législatif qui ne songe qu'à réduire les dépenses militaires et, sans doute aussi, contre l'opinion

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