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« Un romancier à qui l'on demandait pourquoi il n'écrivait jamais de poésie répondit : Parce que je déteste parler de moi-même ».

Publié le 17/05/2020

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« « Un romancier à qui l'on demandait pourquoi il n'écrivait jamais de poésie répondit : Parce que je déteste parler de moi-même ». La poésie a longtemps été considérée comme le genre littéraire le plus noble.

Mais est-elle pour autant le plus personnel ? C'est ce que semble penser un romancierqui, lorsqu'on lui demanda pourquoi il n'écrivait pas de poésie, répondit : « Parce que je déteste parler de moi-même ».

Selon lui, écrire de la poésie est doncintrinsèquement lié au fait de parler de sa personne.Nous verrons d'abord si cela peut se confirmer à travers certains courants et la perception du monde par les poètes.

Ensuite nous démontrerons que l'on peut tout aussibien parler de soi dans le roman.

Nous nous pencherons aussi sur la possibilité d'écrire une poésie qui ne serait pas personnelle lorsqu'elle est conditionnée par diversfacteurs indépendants du poète.

Et nous montrerons enfin que tout texte écrit révèle une part personnelle de son auteur. Selon la réponse du romancier, la poésie implique nécessairement pour le poète de livrer une grande part de lui-même dans son œuvre.

C'est une idée qui estégalement très répandue dans l'esprit commun et qui pourrait être appuyée de diverses manières.Dans certains courants de poésie, le « moi » est marqué dans le choix même des mots, métaphores et symboles, l'emploi de certains mots plutôt que d'autres étantrévélateur de la personnalité.

C'est le cas par exemple des poètes symbolistes.

Ils décrivent une ambiance et leur perception du monde en utilisant des symboles.

Parconséquent, la poésie symboliste peut nous sembler difficile d'accès car le choix même des symboles est personnel et diffère d'un auteur à l'autre.

Une part de lapersonnalité du poète est révélée par ce choix : il parle donc de lui.

Comme Rimbaud dans cet extrait du poème Voyelles.A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,Je dirai quelque jour vos naissances latentes[…] La poésie décrit une vision figurée et intuitive du monde.

La réalité est d'abord « filtrée » par la poésie et l'écriture du poète.

Le poème est une vision particulière dumonde décrite selon un point de vue, celui du versificateur.

Un événement banal pour le commun engendre une évocation poétique chez un poète, comme dansParfum exotique de Baudelaire, un poème tiré du recueil Les Fleurs du mal.

Le simple fait de sentir l'odeur d'une femme donne lieu à la description et l'évocationd'une contrée exotique.Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d'automne,Je respire l'odeur de ton sein chaleureux,Je vois se dérouler des rivages heureuxQu'éblouissent les feux d'un soleil monotone;[…]La poésie est donc marquée de l'empreinte de l'auteur par le choix de ses mots.

Le fait que certains éléments qui peuvent sembler ordinaires au premier abord donnentdes poèmes sur un vécu ou un imaginaire personnel est tout aussi révélateur de la part d'intime dans la poésie. Certains éléments ont donc démontré que l'on parle bien de soi en poésie.

Mais ce que l'auteur de la citation a omis de mentionner, c'est que l'on peut très bien parlerde soi dans un roman aussi.

La part du personnel dans un roman peut être tout aussi prégnante qu'en poésie.

Prenons le genre de l'autofiction et le nouveau romanpour illustrer cette idée.

Marguerite Duras dans de nombreux romans intègre des lieux où elle a vécu, des souvenirs, et des personnages qu'elle a réellement connus.Tous ces éléments sont romancés et mêlés à la fiction : oserait-on dès lors prétendre qu'elle ne parle pas d'elle-même ?Nous pouvons même persévérer et dire que d'une certaine façon, tout travail d'écriture parle de nous.

Les mots choisis et le style d'écriture en disent long sur nous,que ce soit du point de vue de l'éducation reçue ou de nos convictions.

En effet, le choix même d'un sujet d'écriture et son traitement textuel témoignent de ce qui noustient à cœur.

Cela s'applique à tous les genres et pas seulement à la poésie.

Le Dernier jour d'un condamné de Victor Hugo est une prise de position contre la peine demort alors que ce roman pourrait tout aussi bien être lu uniquement comme un récit, sans penser que le narrateur véhicule les idées de l'auteur.On pourrait même parler de textes poétiques qui ne sont pas l'expression des idées ou des sentiments du poète.

Ce n'est qu'au milieu du XIXème siècle quel'autonomie de l'écrivain commence à s'affirmer.

Auparavant, la censure ou la volonté de s'attacher à un personnage puissant, d'avoir un mécène ont souventconditionné l'écriture et réprimé la part personnelle de l'auteur dans la poésie.

Il n'y avait pas d'art pour l'art, l'art devait être utile et défendre des valeurs, enrichir lelecteur ou vanter les mérites d'un personnage important.Nous trouvons encore ce phénomène au XXème siècle en URSS par exemple : un écrivain qui allait contre l'idéologie communiste était censuré, c'est de cette façonque le réalisme socialiste est né sous Staline.

Les auteurs devaient vanter le Parti et la Nation ; les thèmes étaient imposés et il y avait des écoles pour les écrivains.

Lepoème de Rashimov témoigne de cette esthétique stalinienne :Ô Grand Staline, Ô chef des peuples;Toi qui fais naître l'hommeToi qui féconde la terreToi qui rajeunis les sièclesToi qui fais fleurir le printempsToi qui fais vibrer les cordes musicalesTu es la fleur de mon printempsUn soleil reflété par des millions de cœurs humains.Le savoir-faire poétique a longtemps été réduit à un savoir-faire technique, au respect de règles.

Au cours de l'Histoire, les sujets ont souvent été imposés ou dumoins, leur choix a été très orienté, laissant peu de place à l'implication du « moi » dans la poésie. Nous pouvons donc affirmer que tous les textes écrits, qu'ils soient poétiques ou romancés, parlent de nous et portent l'empreinte de ceux qui les ont écrits, sauflorsque les productions littéraires sont dirigées et orientées par des facteurs exogènes à savoir des contraintes politiques, sociales, économiques et autres.De plus et comme nous l'avons déjà mentionné, il est possible aussi d'écrire des romans très personnels où l'auteur décide délibérément de parler de sa vie, de lui oude ses sentiments.L'écriture ou la vie, de Jorge Semprun évoque sa vie dans le camp de concentration de Buchenwald.

Ce roman fait donc partie de ceux où la part d'intime est trèsprésente dans la prose.Nous avons tous un style propre.

Il est inhérent à la personne : nous pouvons essayer d'imiter un auteur ou une personne quelconque, nous n'écrirons jamaisexactement de la même façon.

Cela s'explique par le fait qu'une multitude de facteurs déterminent notre écriture : ce que nous avons vécu, les livres que nous avonslus ou non et l'éducation que nous avons reçue, le contexte historique et social dans lequel nous vivons…Par exemples, les romans suivants de Balzac et de Queneau sont différents : dans Le Colonel Chabert, Balzac essaye de dénoncer les travers de la société, Queneauavec son souhait de jouer avec la langue poursuit une toute autre réflexion dans Zazie dans le métro.

Les histoires mêmes montrent que les auteurs ont despréoccupations différentes.

Ces volontés, qui transparaissent après une analyse de l'œuvre, parlent de l'auteur, disent ce qui leur tient à cœur.Cela nous amène à réfléchir sur la part d'implicite dans le texte, tout ce que l'auteur ne dit pas et qu'il n'a peut-être même pas souhaité dire : ce que l'œuvre trahit.

Cessentiments implicites en disent long sur l'inconscient de l'auteur.Jensen, par exemple, dans son roman La Gradiva, analysé par Freud, laisse transparaître qu'il connaissait très bien le sentiment de refoulement.

Ce sont les rêves qu'ila inventés pour ses personnages qui le prouvent.

D'un point de vue psychanalytique, ils sont très cohérents et correspondent parfaitement à la situation dans laquellele principal protagoniste se trouve.

À travers son récit, Jensen a parlé de lui et involontairement montré ce qui le perturbait et l'obsédait.. »

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