« Qu'est-ce que cela prouve ? » Fermât

« Introduction : On attribue au physicien et géomètre Fermât ce mot qu'il aurait eu au sortir de la première représentation de la pièce Iphigénie de Racine : « Qu'est-ce que cela prouve ? ». Et de se gausser de ces hommes de science dont l'esprit de géométrie exclut l'esprit de finesse.

« Il est rare que les géomètres soient fins — disait Pascal — et que les fins soient géomètres.

» Est-ce à dire que les mathématiciens soient incapables de comprendre quoi que ce soit à la poésie ? Les logiciens seraient-ils exclus du royaume des Muses ? Tel est l'objet du présent débat, renouvelé par d'Alembert, au siècle suivant celui de Fermât. I.

Explication : Que la poésie ne prouve rien. 1.L'art ne sert à rien.

« Tout ce qui est utile est laid », disait Théophile Gautier.

L'art est au surplus profondément gratuit ; la poésie doit être désintéressée.

L'art et la poésie ne sauraient être mis au service d'une cause, si noble soit- elle.

Il n'y a pas que l'art non figuratif qui soit abstrait : toutes les formes d'art ont en commun ce refus de prouver quoi que ce soit.

Ainsi, la musique ne prouve rien pas plus que la sculpture, ni qu'une élégie.

A quoi sert La jeune Tarentine d'André Chénier ; et qu'est-ce qu'elle prouve ? Rien, absolument rien.

Un tableau de Picasso non plus : et c'est parfaitement logique ainsi. 2.Montesquieu a défini la poésie comme « une harmonieuse extravagance ».

De fait lés arguments, les preuves logiques, les données rationnelles servent peu à la poésie.

Ce qui cherche à prouver, c'est l'histoire, c'est la science, c'est la politique, c'est l'éloquence, c'est la philosophie, c'est le droit.

Mais la poésie, point. 3.La poésie ne veut rien prouver parce que le sentiment poétique n'est jamais prouvé : il est éprouvé.

On ressent la poésie, elle exprime l'émotion à la fois du poète qui l'a créée et du lecteur qui la retrouve. Discussion : Apologie de la Poésie. 1.

La poésie est capable d'argumenter dans certains cas : en effet, le poète épique ou la poésie didactique apportent une puissance de raisonnement particulièrement remarquable.

Que l'on songe à Virgile qui, dans les Géorgiques, plaide en faveur du retour à la terre en chantant les joies de la vie agreste, ou à l'André Chénier de l'Hermès qui cherche à prouver la valeur de la science et à défendre son intérêt majeur, dans tous les cas on se trouve en présence d'un raisonnement qui cherche parfaitement à prouver quelque chose.

Dans l' œuvre d'art apparemment la plus dénuée de sens, il y a toujours une volonté de signification, un désir de trouver, une envie de raisonner.

Le sens est parfois caché ; il faut aller le chercher à travers et par delà l'émotion que l'on peut éprouver à la simple musique du vers. 2.

Fénelon disait : « La poésie est plus utile que le vulgaire ne le croit ».

Il rappelait la Bible, Orphée, Homère, et le fait que dans chacun de ces cas, la poésie avait civilisé les hommes en élevant les âmes.

Il rappelait l'attitude de Malherbe lorsque ce dernier soutenait : « Un bon poète n'est pas plus utile à la cité qu'un bon joueur de quilles », en s'emportant contre cette fausse conception de l'art et montrait combien les poètes de son temps avaient été des hommes d'action, des hommes de pensée, des hommes de raisonnement.

« La poésie est plus vraie que l'histoire ». 3.

La preuve que la poésie « prouve » en effet quelque chose, nous pouvons la demander à un grand homme d'action, à un stratège au raisonnement impeccable : Napoléon.

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