Pologne (1980-1981): Tout est possible!
Publié le 21/09/2020
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Pologne (1980-1981):
Tout est possible!
Nul ne l'aurait cru avant août 1980: l'étau des accords de Yalta peut être
desserré si une société entière y aspire.
Pour cela, il a suffi de greffer sur
le système politique de type soviétique des mécanismes de représentation sociale
autonome très éloignés du dogme officiel.
Depuis l'été 1980, on a fait reculer
en Pologne la limite du possible.
Ce pays est devenu aussitôt le laboratoire
dans lequel s'expérimentent, on ose l'espérer, les transformations futures des
pays d'obédience soviétique.
La crise paraissait pourtant très polonaise.
Il y a d'abord l'échec du projet
économique de l'équipe d'Édouard Gierek: la croissance "à crédit" se solde, fin
1980, par une dette extérieure de 23 milliards de dollars.
Les capitaux ainsi
obtenus sont engloutis dans des investissements qui, au lieu d'être
rentabilisés, renforcent les lobbies régionaux.
Les différentes formes de
l'économie parallèle (marché noir des devises, marché noir des biens de
construction et de consommation courante, etc.) et le laxisme vis-à-vis de la
corruption des membres de l'appareil politique contribuent à l'accroissement des
inégalités.
La défiance de la population trouve un écho dans les appels lancés
par l'Église, qui exige la moralisation de la vie sociale pour prévenir un
effondrement.
Les représentations embryonnaires d'organisation autonome de chaque classe
sociale, stimulées par une opposition particulièrement énergique et lucide,
seront le moteur du changement.
L'expérience et l'appui de l'Église ont permis
aux Polonais d'éviter l'explosion sanglante qui, jusque-là, caractérisait leur
"dialogue" avec le pouvoir.
Les ouvriers sont restés à l'intérieur des usines -
et le rapport des forces interdisait toute répression.
Le respect généralisé de
la légalité, même à titre de protection tactique, et l'utilisation des espaces
ouverts par la loi constitutionnelle ont acculé les dirigeants à négocier.
La
survie de la nation semblant être en jeu, une fraction "éclairée" de l'appareil
d'État a détrôné les éléments les plus rétrogrades.
Les pourparlers avec les
ouvriers des comités de grève et leurs experts ont ainsi débouché sur des
concessions inédites dans l'univers soviétique: légalisation du droit de grève
et du syndicat indépendant Solidarité, constitution d'autres organisations
corporatives d'autodéfense (syndicat paysan, étudiant, des artisans privés).
La
lame de fond n'a épargné ni le parti dirigeant ni l'armée, acculée à choisir
entre l'obéissance aux gardiens de la cohésion du pacte de Varsovie et le
service de la nation.
Ces événements ont montré la nécessité de moderniser les appareils d'État
polonais.
Mais la crise du parti prouve que son "ambivalence idéologique" ne
disparaîtra pas facilement: cet instrument de domination politique, conçu comme
un instrument de réalisation d'une société meilleure, peut attirer encore de
nombreuses "adhésions idéologiques".
Si le handicap principal de l'expérience
polonaise reste aujourd'hui celui d'une économie en crise, l'avenir de la
Pologne ne peut être considéré uniquement en ces termes.
Le présent dépend en
grande partie du problème alimentaire, de la chute de la productivité, de
l'arrêt des investissements, du déséquilibre de la balance des paiements, etc.,.
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