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n'entend pas.

Publié le 08/12/2021

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n'entend pas. Il n'est pas indifférent. Pas absent. Et il donne des preuves, exubérantes parfois, qu'il est loin de
ne prêter au monde qui l'entoure qu'une attention furtive. Car il lui arrive d'avoir de brusques accès
d'expansivité. Alors plus tard, résigné devant les critiques que lui valait son impassibilité, il en fait un système;
cela lui permet du moins de ne pas surprendre quand il en vient à cacher la spontanéité d'émotions qui sont à
son honneur.
« Louis, tu penses à autre chose «, lui disait souvent sa mère. Il lui répondra indirectement dans le cahier de
réflexions et de maximes qu'il tenait, adolescent: « Vous ne dites pas ce que vous pensez, me dit-on. Veut-on
dire par là que je sais me défendre? «
On l'a présenté encore comme un velléitaire -- on l'a dit --, un rêveur, un utopiste. Peut-être, ou sans doute. Et
le reproche lui est fait d'avoir poursuivi des chimères. Certaines chimères étant parfois de remarquables
intuitions... Pourtant il est vrai qu'on observe souvent chez lui un décalage entre l'intention affichée et les
moyens mis en oeuvre.
Ce décalage ne sera pas toujours involontaire. Mieux que quiconque, il savait que la politique, c'est l'art de
concilier le souhaitable et le possible. Et s'il était totalement maître de la vision, il était largement tributaire des
autres pour en assurer l'exécution.
Pour autant, il sait ce qu'il veut. Et généralement, rien ne le détourne de son objectif, même s'il sait donner du
temps au temps.
On a cru trouver une contradiction entre les surnoms dont l'affublait la reine Hortense qui parlait de lui, à la fois,
comme d'un « doux entêté « et d'un grand dispensateur de « oui, oui «. En fait son « oui oui «, c'est un « oui,
parle toujours, tu m'intéresses «... mais il n'abandonne jamais son idée.
En réalité, c'est un tenace, un persévérant, ou même -- en apparence -- un besogneux, mais d'autant plus
déterminé que rien ne paraît l'indiquer... C'est bien ainsi que le verra Renan: comme une « nature profonde,
rêveuse, embarrassée, mais forte et obstinée, incapable d'être distraite de son idée fixe... Il avait la volonté
inflexible du croyant, la gaucherie de l'obstiné renfermé à la manière d'un somnambule dans un monde
fantastique, hanté dès lors de cette espèce d'hallucination du spectre napoléonien «.
En tout cas, entre le fils et la mère, quelle complicité! Complicité à la mesure de la suspicion qui entourait la
naissance de l'un, la conduite de l'autre, à la mesure des épreuves et des espérances partagées. Il l'adorait. Il la
vénérait. Elle était tout pour lui. Il l'embrassait, la cajolait sans cesse. Jamais entre eux n'apparut le moindre
nuage.
Plus d'un demi-siècle après la mort d'Hortense, l'impératrice Eugénie en concevra encore comme une sorte de
jalousie inavouée: « L'Empereur a toujours manifesté à l'égard de sa mère une dévotion extraordinaire. Je ne
sais pas si elle la méritait à ce point «.
Il est vrai qu'Eugénie n'eût probablement pas toujours apprécié la conversation et les idées de sa belle-mère.
Politiquement, Hortense était assez éclectique, pour ne pas dire carrément syncrétiste. La France lui paraissait
davantage compter que les régimes qui l'incarnaient. Et elle n'avait de prévention à l'égard de personne... C'est
à elle sans doute que Louis Napoléon doit ce qualificatif d'« inclassable «, qui déplaît tant, à travers les siècles,
à tous les microcosmes politiques.
Spontanément, Hortense eût plutôt été légitimiste, de par son hérédité, de par sa formation, et parce que, tout
compte fait, c'était dans ce milieu qu'elle trouvait le plus de ces gens bien élevés avec lesquels elle aimait vivre.
Fille adoptive, en même temps que belle-soeur de Napoléon Ier, elle avait par la force des choses épousé la
cause bonapartiste, qu'elle ne pouvait décemment pas renier.
Mais sentimentale comme elle l'était, elle éprouvait aussi de la sympathie pour les républicains, proscrits
comme elle. Ce n'est pas le moindre de ses paradoxes, mais c'est ainsi. Elle, la fille d'un guillotiné, avait des
faiblesses pour les régicides...
A Arenenberg, la liste des visiteurs est très révélatrice à cet égard, car peu à peu, une fois les passions
apaisées, ce devint un lieu très fréquenté.
On visitait Hortense. On la visitait comme on fait d'un musée, la maison recelant de surcroît quelques
intéressants souvenirs. Et on la visitait avec une curiosité d'autant plus grande que son fils, s'il n'était pas
encore le prétendant, pouvait -- sait-on jamais -- jouer ultérieurement un rôle.
Auprès de l'ex-reine de Hollande se succédèrent ainsi les personnages les plus divers, dont les conversations
ne purent qu'enrichir l'expérience et la culture du jeune prince: des bonapartistes, cela va sans dire, venus faire
leurs dévotions. Mais des républicains aussi. Et des invités du meilleur monde légitimiste. Et puis des gens et
des couples de toutes sortes, dont le mélange montre que les factions communiquaient assez bien entre elles:
ainsi Chateaubriand et Mme Récamier firent-ils étape... De même la princesse de la Moskowa, la duchesse de
Raguse, le comte Demidov, le baron Desportes, la comtesse Sermaise, Mme de Faverolles, le colonel Brade,
Mme de Girardin, Casimir Delavigne, Alexandre Dumas, des peintres, des savants, des bannis...

Les rencontres auxquelles pouvait donner lieu cette si large hospitalité paraissent, après coup, d'une assez
irrésistible drôlerie. « Les princes du sang et les fils de régicides sont assis sur le même canapé, unis le plus
obligeamment du monde dans les politesses estivales. Ainsi le fils de Michel Le Peletier va retrouver le fils du
suicidé Le Bas et ces messieurs, sous le regard attendri d'Hortense de Beauharnais, parlent des immortels
principes de 89 tandis que la grande-duchesse de Bade, un tricot à la main, sourit à la réunion des charmants
jeunes gens qui pénètrent l'esprit du futur empereur de teintes révolutionnaires. «
Dans ces lignes dues à Ferdinand Bac -- qui évoque une scène de 1827 dont fut probablement le témoin son
père Charles Henri -- apparaît une nouvelle fois le nom de Philippe Le Bas qui, après Hortense, est
robablement la personne qui aura le plus profondément marqué la formation de Louis Napoléon. C'était
son précepteur depuis 1820. L'enfant bénéficiera ainsi de ses services de son douzième anniversaire jusqu'à
a vingtième année.
hoix inattendu s'il en est, et même stupéfiant. Et pourtant choix excellent, sinon franchement génial.
ous les événements auxquels avait été mêlé le jeune prince, et ses pérégrinations, n'avaient pas eu, on s'en
oute, les effets les plus heureux sur son éducation. Cette existence longtemps chaotique n'était guère propice
l'étude, d'autant qu'on avait d'abord donné à l'enfant, en guise de précepteur, un homme, charmant au
emeurant, l'abbé Bertrand, dont l'absence d'autodiscipline n'était pas du meilleur augure ni du plus édifiant
xemple. Le roi Louis, tout éloigné qu'il fût, eut vent du climat de dissipation dans lequel on laissait s'ébattre son
ejeton. Il menaça de le reprendre. Du coup, on se mit à chercher en toute hâte un remplaçant. Le général
rouot -- auquel on avait d'abord songé -- ayant décliné l'offre, on se rabattit sur Le Bas.
t avec Le Bas, effectivement, les choses allaient changer du tout au tout.
ais quelle que fût l'ouverture d'esprit d'Hortense, il fallait quand même qu'il y eût urgence pour se satisfaire
'un éducateur doté d'un tel pedigree.
hilippe Le Bas, né en 1794, n'est rien de moins que le fils d'un ami de Robespierre, qui s'était suicidé quelques
eures après le 9 Thermidor pour lui-même échapper à la guillotine. Et comme si cela ne suffisait pas, sa mère
'était autre que la fille du menuisier Duplay, lui aussi fidèle de l'Incorruptible, et qui l'avait longtemps hébergé:
lle-même fut enfermée, avant de vivre dans la misère. C'est, on peut le dire, d'un ménage de choc qu'est issu
e nouveau précepteur. Philippe Le Bas avait tout pour devenir un républicain farouche. Il l'est. Franc-maçon,
'est de surcroît un homme austère, ombrageux, appliqué, jaloux dans ses convictions.
e Bas a vingt-cinq ans en 1820. Il s'est engagé en 1813, a pris son congé au lendemain de Waterloo et, après
voir enseigné à Sainte-Barbe, s'est retrouvé fonctionnaire à la préfecture de la Seine. Quel mobile a bien pu le
ousser à accepter une telle mission, lui qui ne reniera jamais ses idées? Il va se charger pourtant d'assurer la
ormation d'un prince exilé, sachant bien entendu qu'on nourrit pour son élève des ambitions de carrière fort peu
ompatibles avec ses propres espérances. Sans doute y
a-t-il là une illustration de l'ambiguïté des rapports entre la République et le bonapartisme, qui, face à un
ennemi commun, éprouvent toujours beaucoup de mal à s'exclure l'un l'autre. Les temps étant ce qu'ils étaient,
Le Bas se trouvait devant un dilemme: servir un Bourbon ou servir un Bonaparte. Ainsi s'explique sans doute sa
décision. Le Bas sera congédié par la reine en 1827, non point parce que ses idées avaient fini par déplaire,
mais tout simplement parce que son ménage était devenu encombrant, à un moment où les va-et-vient avec
l'Italie s'étaient faits plus nombreux.
Dans un âge où l'esprit se forme, où le comportement se dessine, où l'homme se bâtit, Louis Napoléon va être
ainsi imprégné heure après heure, jour après jour, de l'idéal, de la philosophie, des thèses républicaines:
jacobinisme, souveraineté du peuple, liberté, égalité, générosité, tels sont les principes qu'on lui inculque, sans
parler d'une teinte d'athéisme. Il en sera profondément et durablement marqué.
Hortense savait mieux que quiconque ce que Le Bas introduisait dans l'esprit de son fils. Cela n'était pas pour
la gêner ou l'effaroucher. Elle était le témoin d'autant plus complaisant des emballements de Louis Napoléon
qu'elle y était elle-même sujette. Encore que ce ne fût point toujours au même degré ou dans les mêmes
omaines. Elle était probablement, par exemple, moins encline que lui à considérer Schiller comme une sorte
e dieu, ayant subi trop d'épreuves pour ne pas avoir acquis une solide dose de réalisme... Et quand Louis
apoléon rêvait tout haut de démocratie, se promettant de restituer le pouvoir au peuple, elle le mettait en
arde ou, plus précisément, lui prédisait qu'il ne pourrait parvenir à ses fins.
n tout état de cause, cette rencontre insensée avec Le Bas est, à n'en pas douter, une des clés de la
ompréhension de cet esprit complexe qu'est Louis Napoléon.
lus tard, l'ancien précepteur connaîtra une carrière exceptionnelle: professeur à l'École normale supérieure, il
inira président de l'Institut. En dépit de l'amertume que lui avait causée son renvoi, il est patent qu'il continua de
orter à son ancien élève un véritable amour paternel. Mais son engagement l'emporta sur ses sentiments. Il

protesta publiquement contre le coup d'État et se mura dans une opposition résolue dont l'impératrice Eugénie
ui fit davantage reproche que l'empereur lui-même. Le Bas devait
paraître une dernière fois devant Louis Napoléon à une cérémonie de voeux où il conduisait une délégation
es cinq Académies. Non seulement l'empereur lui fit bonne figure mais il parut bouleversé de ces retrouvailles.
l avait aimé Le Bas et il ne faut pas prendre au pied de la lettre la plainte qui, un jour, lui échappa: « Ce que cet
omme a pu m'ennuyer, c'est inimaginable! «
e choix d'Hortense avait été un bon choix. Comme devait l'être quelques années plus tard celui d'Ernest
avisse, retenu par le couple impérial pour enseigner l'histoire à leur enfant. Ce même Lavisse qui devait
ltérieurement diriger une Histoire de France, où figurent des chapitres si cruels pour Louis Napoléon
onaparte. Faut-il en conclure que la famille n'eut pas toujours de la chance avec ses précepteurs? On peut
out aussi bien penser qu'elle avait plus d'ouverture d'esprit que certains d'entre eux n'avaient de
econnaissance et de fidélité.
e Bas parti, la phase d'éducation de Louis Napoléon sera terminée. Mais sa formation restera à parfaire. Ce
ont les circonstances qui y pourvoiront. Les événements, mais aussi leurs conséquences...
oujours est-il que lorsqu'on se penche sur toutes ces années, on perçoit combien vaine est la querelle sur la
aissance de Louis Napoléon. Il est à l'évidence le fils d'Hortense... et de Philippe Le Bas, tant il est clair que ce
ont là les deux personnes qui ont le plus contribué à en faire ce qu'il est devenu.
ous la direction de Le Bas, Louis Napoléon aura accompli des progrès manifestes. Admis au Gymnasium «
umanistique « d'Augsbourg -- ville où il résida, pendant la période scolaire, en compagnie du précepteur et de
on épouse --, il ne cessera d'y améliorer son classement. Ce sont pour lui des années studieuses:
'adolescent s'éveille et s'accroche. Son professeur peut donner sa pleine mesure... Ses bons résultats scolaires
e sont pas sans mérite, car il les obtient dans une langue qui n'est pas la sienne. Et même quand son
classement n'est pas encore très flatteur, ses maîtres reconnaissent en lui de grandes qualités. Son bulletin de
1822 est éloquent:
« N° 24; Prince Charles Louis Napoléon, fils de M. Le duc de Saint-Leu, né à Paris, appartenant à la religion
catholique, âgé de 14 ans, cinq mois, doué de beaucoup de dispositions, au développement desquelles il a
ravaillé avec zèle, de manière qu'il a fait des progrès très bons dans la langue allemande, bons dans la
langue latine et l'arithmétique, assez bons dans la langue grecque et l'histoire, en général, donc, de bons
rogrès. On doit louer beaucoup ses manières modestes vis-à-vis de ses condisciples, ainsi que le respect et la
econnaissance avec lesquels il a accepté des leçons désagréables; il a le vingt-quatrième rang; ce qui l'a
mpêché d'en obtenir un supérieur, ce sont les difficultés de la langue allemande dont il n'est pas encore
aître. D'ailleurs, on le loue publiquement et il peut passer dans la classe supérieure. «
es efforts lui seront, ultérieurement, très profitables. Certes, on le raillera pour son accent. Mais l'exil aura
aissé aussi d'autres traces; Louis Napoléon parle quatre langues: le français, l'allemand, qu'il maîtrisera
rogressivement, l'italien qu'il pourra entretenir lors des voyages répétés qu'il fait, adolescent, dans la
éninsule, l'anglais dont l'exil aux Etats-Unis et cinq séjours en Angleterre lui donneront la familiarité.
e Bas aura fait de Louis Napoléon un esprit méthodique, organisé, lui ayant inoculé la passion de l'étude et de
a recherche, et le goût de l'écriture. Selon William Smith, Louis Napoléon disposait d'une tournure d'esprit et
'un sens critique qui auraient pu en faire un des plus grands historiens de son temps. Disons qu'il a de solides
onnaissances scientifiques et techniques, servies par une bonne plume. Il est intelligent, cultivé, curieux,
uvert. Le Bas a de quoi être fier de son oeuvre.
uant à Hortense, Louis Napoléon lui doit tant -- et en est si visiblement conscient -- qu'on en arriverait à se
emander si, tout au long de sa vie, il ne chercha pas moins à être fidèle à son oncle qu'à faire honneur à sa
ère.
e son côté, semble-t-il, Hortense éleva Louis Napoléon moins dans le culte de l'Empire que dans la conviction,
la lumière de l'épopée impériale, qu'il avait une mission -- personnelle -- à assumer et accomplir. On veut
ire par là qu'elle croyait sans doute moins à l'Empire, ou au bonapartisme, en tant que système politique,
u'elle n'avait foi dans le destin de son fils. Sa propre destinée avait été exceptionnelle; il était normal qu'il en fût
e même pour lui.
a promiscuité des Bonaparte, l'Empire en général, ne lui avaient pas laissé que de bons souvenirs: « J'ai été
rop malheureuse. Leur jalousie [celle des Bonaparte en face des Beauharnais] me faisait mourir de chagrin... «
e Napoléon Ier, Hortense avait su discerner les limites. Dans les Mémoires qu'elle entreprend
dix ans après la naissance de Louis et qui sont autant un recueil de souvenirs qu'une liste de préceptes
estinés à son fils, ou plus exactement à ses deux fils, elle a ces lignes cruelles: « Napoléon, l'auteur de notre
élébrité, a sans doute écrasé des peuples sous le poids de son ambition, mais il a suscité de magnifiques
spérances chez tous les pauvres et d'étonnantes admirations partout. Je l'ai connu dans sa force et dans ses

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