MARTIN LUTHER

« MARTIN LUTHER Au moment où le prêtre Luther a la pleine révélation de sa mission, à trente-cinq ans, après des années de doute etd'angoisses, la crise sociale et politique est aiguë : le malheur des paysans est à son comble, le clergé est divisé endeux classes, les besogneux et les privilégiés, l'Etat est aux mains de petits prince crapuleux, l'empire allemand estun chaos.

Luther formule clairement toutes les revendications et lance un appel à l'insurrection contre l'oppressionde l'Eglise, contre l'infaillibilité du pape, contre la mise en coupe réglée de l'Allemagne par la Curie romaine (Appel àla nation allemande, la Captivité babylonienne de l'Eglise, la Liberté chrétienne, tous écrits en 1520, le premier et letroisième étant écrits en allemand et destinés au plus large public possible). Ruinant la puissance de l'Eglise catholique en proclamant le sacerdoce universel selon lequel tout chrétien peutexercer le ministère, baptiser, dire la messe, absoudre, prêcher, Luther rend l'autorité suprême au pouvoir civil,ralliant aussitôt autour de lui tous les nobles, toute l'opinion excédée des exactions pontificales, tous les dissidentsproches de l'hérésie. A la Diète de Worms (1525), Luther refuse de se rétracter et est mis au ban de l'Empire.

Il se réfugie auprès del'électeur de Saxe.

Pendant ce temps, la révolte qu'il a lancée déferle sans lui et le dépasse ; et, ailleurs, larépression commence dans les Etats restés catholiques. Luther reconnaît aux autorités séculières, aux détenteurs du pouvoir politique, un caractère divin direct.

Pour luil'organisation politique, qui est appuyée sur la force, qui a ainsi tous les pouvoirs et tous les droits, doit protéger lesbons et frapper les méchants.

Dès lors au nom de l'Evangile, on va faire la guerre à ceux qu'on appellera « méchants», et égorger joyeusement ceux qu'on appellera « les ennemis de Dieu ».

En 1525 les invectives et imprécations deLuther sont à la taille de l'angoisse générale qu'ont déclenchée la guerre des paysans et sa répression.

C'estseulement en 1526, lorsqu'il en arrivera à vouloir former « une nouvelle Eglise », qu'il revendiquera un droitd'intervention du spirituel sur le pouvoir temporel. Luther fait donc la théorie de l'Etat fort, autoritaire, en face de qui il y a des administrés chargés d'obéir.

L'Etat estorganique ; nul n'est libre d'en sortir.

Il est répressif, nul n'a le droit de contestation.

Le glaive étincelant et tout-puissant de l'Etat frappe où il veut, de préférence inspiré par la divine colère, ou par la sainte intention de servir degrands desseins spirituels. Cinq ans à peine après la révolte de Luther, alors que le grand réformateur hésitait encore, plusieurs villes suissesréalisaient leur indépendance en conjoignant le pouvoir spirituel et le pouvoir civil entre les mains de magistrats élus: Zwingli règne à Zurich et bientôt Calvin à Genève. Les tragiques événements qui suivent (la Saint-Barthélemy en France, l'expulsion tragique de la reine Marie Stuartpar la révolte), rendent de plus en plus indispensable aux yeux des philosophes politiques une théorie rationnelle dudroit des peuples et du droit des gouvernants.

L'idée d'un contrat — un pacte conclu entre eux —, gagne du terrain,ainsi que celle de fédéralisme.. »