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Marquis de Sade

Publié le 09/12/2021

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"Impérieux colère, emporté, extrême en tout, d'un dérèglement d'imagination sur les mœurs qui de la vie n'a eu son pareil, athée jusqu'au fanatisme, en deux mots me voilà, et encore un coup tuez-moi ou prenez-moi comme cela car je ne changerai pas" Ils ont choisi de le tuer, d'abord à petit feu dans l'ennui des cachots et puis par la calomnie et l'oubli ; son souvenir défiguré par des légendes imbéciles, ses journaux intimes perdus, ses manuscrits brûlés, ses livres interdits, son nom est encore délibérément ignoré par la littérature officielle. Depuis quelques années des admirateurs passionnés ont troublé ce scandaleux silence mais en divinisant le "divin marquis" ils le trahissent à leur tour ; ni scélérat ni prophète, Sade est un homme, un écrivain à qui il convient de rendre sa place sur terre, parmi nous. Auteur pornographique, obsédé sexuel, Sade a d'avance protesté contre ces étiquettes : "L'acte de jouissance est une passion qui j'en conviens subordonne à elle toutes les autres, mais qui les réunit en même temps." S'il a subordonné toute son existence à son érotisme, c'est que dans l'érotisme seulement il a pu tout entier se réunir. Mécontent du destin médiocre auquel il était héréditairement voué, trop attaché à ses privilèges pour s'en inventer un neuf, il a tenté de ressusciter imaginairement du secret des "petites maisons" la condition dont toute l'aristocratie décadente rêvait avec nostalgie : celle du despote féodal solitaire et souverain. La société lui a interdit cette évasion, elle lui a assigné une place dans le monde réel : celle du criminel ; dans l'orgueil et le ressentiment, il l'a hautement revendiquée ; à travers les plaisirs de la chair il a cherché l'apothéose du Mal. Libéré par la Révolution de ses cachots et du passé, il a souhaité se rallier à l'ordre nouveau ; mais la Terreur lui a manifesté avec éclat que tout régime politique, traitant abstraitement les individus comme des objets, contestait la vérité de son drame singulier : celui du sujet concrètement aux prises avec d'autres sujets. Il est resté seul. C'est cette solitude que sous des couleurs érotiques son œuvre met en question, et avec elle la totalité de sa condition d'homme. Sans ses prisons, Sade eût-il écrit ? Le problème est oiseux ; il n'eût pas été Sade. Le fait est que la littérature seule lui a permis de surmonter les échecs auxquels le condamnaient sa sexualité et son éthique. Il a choisi l'imaginaire et le crime ; mais le monde réel ne pouvait ni se soumettre à ses songes, ni supporter les contradictions qu'implique tout système démoniaque. Saisir à travers une chair torturée la présence d'une liberté, prêter assez de consistance à la vertu pour qu'il soit intéressant de la vexer, éterniser la débauche sans sombrer dans la satiété, se vouer au mal sans l'apprivoiser, ces tours de force ne sont possibles que par la grâce des mots. C'est en écrivant que Sade a réalisé l'acte parfait : à la fois voluptueux, agressif, sacrilège et exactement adéquat à soi-même.

« Marquis de Sade "Impérieux colère, emporté, extrême en tout, d'un dérèglement d'imagination sur les mœurs qui de la vie n'a eu son pareil, athée jusqu'au fanatisme, en deuxmots me voilà, et encore un coup tuez-moi ou prenez-moi comme cela car je ne changerai pas" Ils ont choisi de le tuer, d'abord à petit feu dans l'ennui des cachots et puis par la calomnie et l'oubli ; son souvenir défiguré par des légendes imbéciles, sesjournaux intimes perdus, ses manuscrits brûlés, ses livres interdits, son nom est encore délibérément ignoré par la littérature officielle.

Depuis quelquesannées des admirateurs passionnés ont troublé ce scandaleux silence mais en divinisant le "divin marquis" ils le trahissent à leur tour ; ni scélérat niprophète, Sade est un homme, un écrivain à qui il convient de rendre sa place sur terre, parmi nous. Auteur pornographique, obsédé sexuel, Sade a d'avance protesté contre ces étiquettes : "L'acte de jouissance est une passion qui j'en convienssubordonne à elle toutes les autres, mais qui les réunit en même temps." S'il a subordonné toute son existence à son érotisme, c'est que dans l'érotismeseulement il a pu tout entier se réunir.

Mécontent du destin médiocre auquel il était héréditairement voué, trop attaché à ses privilèges pour s'en inventer unneuf, il a tenté de ressusciter imaginairement du secret des "petites maisons" la condition dont toute l'aristocratie décadente rêvait avec nostalgie : celledu despote féodal solitaire et souverain.

La société lui a interdit cette évasion, elle lui a assigné une place dans le monde réel : celle du criminel ; dansl'orgueil et le ressentiment, il l'a hautement revendiquée ; à travers les plaisirs de la chair il a cherché l'apothéose du Mal.

Libéré par la Révolution de sescachots et du passé, il a souhaité se rallier à l'ordre nouveau ; mais la Terreur lui a manifesté avec éclat que tout régime politique, traitant abstraitement lesindividus comme des objets, contestait la vérité de son drame singulier : celui du sujet concrètement aux prises avec d'autres sujets.

Il est resté seul.C'est cette solitude que sous des couleurs érotiques son œuvre met en question, et avec elle la totalité de sa condition d'homme. Sans ses prisons, Sade eût-il écrit ? Le problème est oiseux ; il n'eût pas été Sade.

Le fait est que la littérature seule lui a permis de surmonter les échecsauxquels le condamnaient sa sexualité et son éthique.

Il a choisi l'imaginaire et le crime ; mais le monde réel ne pouvait ni se soumettre à ses songes, nisupporter les contradictions qu'implique tout système démoniaque.

Saisir à travers une chair torturée la présence d'une liberté, prêter assez de consistanceà la vertu pour qu'il soit intéressant de la vexer, éterniser la débauche sans sombrer dans la satiété, se vouer au mal sans l'apprivoiser, ces tours de forcene sont possibles que par la grâce des mots.

C'est en écrivant que Sade a réalisé l'acte parfait : à la fois voluptueux, agressif, sacrilège et exactementadéquat à soi-même. Cette nécessité même de son œuvre lui a assigné ses limites esthétiques.

On peut à bon droit saluer en Sade un précurseur du roman noir, s'enchanter deson sombre humour, admirer ses extravagances épiques et l'emportement de son style ; mais il n'a pas su imposer au lecteur un univers romanesque parcequ'il s'est refusé à affronter face à face la réalité avant de tenter de la recréer ; il ne s'est pas affronté soi-même : il s'est contenté de projeter hors de soises fantasmes ; dans ses récits, monotones comme les rêveries d'un schizophrène, les résistances du monde ne sont pas évoquées, ni celles, pluspathétiques, qu'il rencontrait au secret de son cœur ; ainsi déshumanisé, l'érotisme perd son caractère extraordinaire et les noires bergeries de Sade ontl'austérité d'une colonie nudiste.

De loin en loin s'y font jour des intuitions d'une profondeur surprenante.

Avant Freud, par-delà Freud, Sade a compris que lasexualité est présente à la totalité de l'existence, mais aussi toujours chargée de significations qui la dépassent ; en toute fantaisie il a discerné un principede délicatesse, c'est-à-dire une intentionnalité ; il a pressenti des formes sexuelles insoupçonnées, et en particulier celle qui englobe frigidité cérébralité-haine de la mère sodomie passive cruauté ; la liaison de l'imagination avec ce qu'on appelle le vice, personne ne l'a soulignée avec plus d'éclat.Malheureusement, il est moins facile que d'aucuns ne semblent le croire d'être un monstre : fasciné par sa singularité, Sade aussi s'en effraie ; autant quepour se revendiquer, il écrit pour se justifier ; et les doctrines matérialistes qui, en supprimant sa responsabilité le lavent de toute culpabilité, ne lui ont paspermis d'exploiter ses découvertes ; elles auraient dû aussi lui interdire ses inquiétudes éthiques : mais celles-ci s'imposaient avec une évidencequ'aucune logique ne pouvait obscurcir.

Par-delà les faciles excuses que lui offrait le déterminisme, Sade, sans trêve, attaque et s'interroge ; et sa sincéritépassionnée fait de lui, à défaut d'un artiste consommé ou d'un psychologue cohérent, un grand moraliste. Dans la mesure où le XVIIIe siècle a tenté d'abolir le règne de Dieu sur la terre, il lui a substitué une autre idole : le Bien suprême se réincarne dans laNature qui garantit l'harmonieuse conciliation des existences individuelles au sein de la collectivité : Sade s'est fait le vivant et tragique démenti de cetoptimisme.

En lui-même il a découvert la Nature sous la figure de la sexualité comme égoïsme, tyrannie, cruauté ; la société a confirmé cette révélationpuisqu'elle a jeté Sade en prison pour avoir suivi ses instincts ; cependant ce n'est pas au nom de valeurs plus hautes qu'elle les a condamnés ; elle estelle-même enracinée dans la Nature, et par la manière dont tout en prétendant hypocritement lui obéir elle la contredit, elle manifeste sa perversionoriginelle : les forts ont fabriqué les codes à leur profit, les faibles prêchent à leur profit la vertu ; le Mal est un absolu auquel ne s'opposent ni dans le cielvide ni sur la terre injuste un Bien réel, mais seulement des notions fantastiques.

Quel recours reste donc à l'homme ? Une décision éthique lui est permiseparce qu'il ne tient pas à la Nature ; et Sade n'a que mépris pour les feintes vertus, les vices timides, les crimes irréfléchis qui se bornent à refléterpassivement la noirceur du monde ; il veut que ses héros affirment leur autonomie ; mais la liberté de chacun ne saurait authentiquement s'accomplir enaccord avec celle d'autrui et dans l'intérêt général : car la seule vérité, c'est celle du sujet séparé et ennemi de tous les autres ; le crime est lareconnaissance vécue de cette vérité ; avec une sévérité analogue à celle de Kant, Sade exige qu'il soit perpétré indépendamment de toute motivationsensible, dans une parfaite apathie ; alors le triomphe de la liberté est absolument pur ; l'individu échappe au donné en l'assumant volontairement, il évited'être mauvais en se faisant tel. Mais comment universaliser ce stoïcisme à rebours ? Aussi bien Sade s'y refuse ; il n'accepte d'autre vérité que celle dont témoigne son expérience etcelle-ci conteste radicalement l'idée de réciprocité ; elle l'entraîne même jusqu'à accepter la conséquence extrême des doctrines sensualistes proposéespar son siècle et qui enferment le sujet dans son immanence : le prochain ne m'est rien.

Cependant il ne se résigne pas à la solitude avec l'indifférence dumisanthrope ; au contraire ; le crime débauche, viol, cruauté, meurtre n'est pas seulement une revendication du sujet pour soi-même mais un effortpathétique de communication ; si Sade refuse à autrui toute connaissance abstraite, c'est pour s'autoriser à briser concrètement à travers les déchirementsde la chair cette barrière qui isole les consciences.

Et, certes, il y a une contradiction dans cette attitude ; mais elle enveloppe aussi une importante vérité :la conciliation des existants n'est pas immédiatement donnée ; elle ne saurait être valablement conquise sans qu'ait été d'abord reconnu le moment de laséparation, de l'égoïsme, de l'injustice ; ce moment, Sade n'a pas su le dépasser, mais son immense mérite c'est qu'il l'a vécu jusqu'à la lie et dans ledéchirement ; il a refusé les faciles et fausses promesses de la vertu et du bonheur ; dans la solitude des cachots il a réalisé une nuit éthique analogue àcette nuit intellectuelle où s'est plongé Descartes : s'il n'en a pas fait jaillir une réponse sûre, du moins a-t-il opposé aux principes abstraits et à leurcortège d'abstraites hécatombes cette interrogation tragiquement concrète qu'a été sa vie même ; et c'est pourquoi il trouve tant d'échos aujourd'hui, dansun siècle que n'illumine plus aucune évidence morale ; le problème dans lequel il s'est engagé tout entier est celui qui sous d'autres figures nous hante tous: le vrai rapport de l'homme à l'homme.. »

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