Maroc (1994-1995)
Publié le 19/09/2020
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Maroc (1994-1995)
Modèle de stabilité politique et de réussite économique, par contraste notamment
avec l'Algérie, le Maroc n'est pas parvenu en 1994-1995 à tirer pleinement
profit de sa situation exceptionnelle dans un Maghreb tourmenté.
Sur le plan
extérieur, le contrat d'association avec l'Union européenne n'a toujours pas été
signé et, au Sahara occidental, le référendum d'autodétermination devant statuer
sur la "marocanité" de l'ancienne colonie espagnole ne semblait pas près d'avoir
lieu.
Sur le plan intérieur, une décennie d'"ajustement structurel" ayant
produit des résultats inégalés dans le continent africain n'a pas encore
débouché sur une croissance susceptible d'absorber les 250 000 nouveaux
demandeurs d'emplois arrivant sur le marché du travail chaque année.
Il en
résulte un malaise social, aggravé sur le plan politique par l'échec de
l'"alternance": la formation d'un gouvernement issu de l'opposition, le premier
depuis trente ans, aurait dû couronner le processus de démocratisation engagé en
1991 par le roi Hassan II.
Ayant jugé, le 11 janvier 1995, que les conditions posées par l'opposition à
l'acceptation de son "offre royale" d'entrer au gouvernement - une révision
constitutionnelle, de nouvelles élections et le départ du ministre de
l'Intérieur, Driss Basri - risquaient de "nuire gravement au bon fonctionnement
des institutions sacrées du pays", Hassan II a dû se résigner à la formation
d'un gouvernement composé des "partis du palais", conduit par Abdellatif Filali.
La formation, le 27 février, de ce cabinet a été marquée, outre le maintien de
technocrates, par le départ du ministre - juif - du Tourisme, Serge Berdugo, et,
surtout, par celui du ministre des Droits de l'homme, Omar Azziman, remplacé par
Me Mohamed Ziane.
Cette nomination a été controversée car ce dernier avait été
l'avocat du gouvernement dans des affaires politiquement sensibles, comme celles
concernant l'ex-prisonnier politique, Abraham Serfaty, les frères Bourequat,
séquestrés pendant dix-huit ans dans le bagne de Tazmamart, ou encore le
dirigeant syndical Noubir Amaoui.
Après la "grâce royale", aux allures d'amnistie générale, de juillet 1994, et,
en juin 1995, le retour après vingt-neuf ans d'exil de l'opposant Mohamed "Fqih"
Basri, nul ne contestait les avancées réalisées en matière de droits de l'homme.
Cependant, le "mauvais signal" qu'a été, selon l'opposition, la nomination de M.
Ziane a fait douter du règlement des derniers "dossiers": les Sahraouis
indépendantistes "disparus", l'indemnisation des rescapés du bagne de Tazmamart
où furent enfermés nombre de prisonniers politiques, la délivrance de passeports
à la "famille Oufkir" - l'épouse et les six enfants du général félon, martyrisés
dix-huit ans durant.
L'interdiction de se produire en public de l'humoriste
Ahmed Sanoussi, dit "Bziz" (le grillon), et l'envoi, pour siéger au Comité
contre la torture des Nations unies, en novembre 1994, du directeur de la Sûreté
nationale, Youssfi Kaddour, accusé de graves sévices depuis les années
soixante-dix, ont également entaché la respectabilité du régime.
L'expéditif
"procès de Fès" - condamnant à mort trois jeunes, issus de l'immigration de la
région parisienne pour leur participation à l'attaque meurtrière d'un hôtel à
Marrakech, le 24 août 1994 - n'aura pas été pour la rétablir.
Cependant, cette
affaire, ayant également entraîné la fermeture de la frontière avec l'Algérie
dont la sécurité militaire a été mise en cause par Rabat, a révélé les
ramifications d'un réseau islamiste armé en France..
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