Mahmut II
Publié le 16/05/2020
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Mahmut II
Le sultan Mahmut II, dont le règne inaugure au seuil du XIXe siècle l'ère des grandes réformes ottomanes, est né en 1785.
Il était le filsd'Abdülhamid Ier.
Il reçut dans son enfance un enseignement traditionnel à base de littérature, de musique et d'arabe.
On lui avaitinculqué, comme à tous les princes ottomans, une conception mystique du pouvoir impérial.
Mais on avait négligé de lui apprendre leslangues et les sciences d'Occident.
Il était donc mal préparé à jouer ce rôle de réformateur qui fut le sien.
Néanmoins, il se familiarisa aucontact de son oncle Sélim III avec les affaires de l'État et se forgea une opinion personnelle sur les mesures à prendre pour parer à ladécadence de l'Empire ottoman.
Parmi ses modèles en cette matière, il faut citer Pierre le Grand et, surtout, son contemporain le pachad'Égypte Méhémet Ali.
En 1808, à la suite d'une révolte de notables conduite par Bayrakdar Mustafa pacha, il succéda à son frère Mustafa IV.
Son premier actepolitique fut de nommer Bayrakdar grand vizir (Premier ministre), car il comptait sur lui pour restaurer l'ordre dans l'Empire.
En effet,tandis que les Russes menaçaient aux frontières, la situation intérieure restait des plus troublées.
En Égypte, Méhémet Ali pachamanifestait son indépendance ; les Wahhabites s'étaient emparés de La Mecque et de Médine ; une révolution couvait à Alep ; enfin, aucoeur même de l'Empire, en Anatolie et dans les provinces balkaniques, les derebey constituaient un danger perpétuel pour le pouvoircentral.
Sur les conseils de Bayrakdar, Mahmut II, pour mettre fin aux désordres, convoqua à Istanbul une assemblée de notables et leurfit promettre, en échange d'une reconnaissance partielle de leurs droits héréditaires, obéissance et respect.
Ils s'engagèrent notamment àne plus s'opposer à la levée des troupes et des impôts sur leurs "fiefs".
Par ailleurs, Bayrakdar soumit à la même assemblée un certainnombre de mesures concernant le corps des janissaires (les troupes d'élite).
Mais, comme au temps de Sélim III, celles-ci furent malaccueillies par les intéressés, qui se révoltèrent.
Le grand vizir, abandonné par ses amis, fut tué.
Mahmut faillit perdre son trône.
Pour s'ymaintenir, il dut faire assassiner le candidat des insurgés, son propre frère Mustafa.
Évidemment, il lui fallut provisoirement renoncer à toucher aux janissaires.
Du reste, les circonstances étaient peu favorables à une telleentreprise.
La guerre avec la Russie venait de reprendre (1809-1812).
A la même époque, une révolte éclata en Serbie.
La Grèce, depuis1814, bougeait.
Dans cette conjoncture, il valait mieux éviter les frictions à l'intérieur.
En 1826, toutefois, profitant d'une détente sur lefront grec, il reprit le plan de Bayrakdar et réussit à éliminer définitivement l'ancienne milice.
A partir de cette date, il s'engagea dans ungrand programme de réformes qu'il poursuivit jusqu'à sa mort.
Un premier lot de mesures concerna la modernisation de l'armée.
Impressionné par l'organisation militaire de Méhémet Ali pacha,Mahmut II transforma le recrutement et institua un certain nombre de régiments équipés et entraînés à l'européenne ; il fit même venirde Prusse un petit groupe de conseillers parmi lesquels figurait le futur feld-maréchal Moltke.
Ce dernier, au demeurant, n'était guèreconvaincu des capacités combatives de l'armée ottomane nouveau style.
Dans ses Lettres sur l'Orient qu'il publia au retour de sa missionà Constantinople, il critiqua sévèrement la suppression des janissaires et soutint que la guerre russo-turque de 1828-1829 aurait putourner au bénéfice des Ottomans si Mahmut II n'avait malencontreusement désorganisé l'armée par ses réformes de 1826.
Selon lui, lesultan, tout en mécontentant les troupes, était resté à la surface des choses, modifiant par exemple l'uniforme ou les méthodesd'exercice ; mais il n'avait supprimé ni l'indiscipline des soldats, ni l'ignorance crasse des officiers supérieurs, ni les désordres del'intendance.
L'échec de la politique militaire de Mahmut II fut heureusement compensé par la réussite partielle des réformes dans d'autres domaines.En premier lieu, l'accent fut mis sur la centralisation du pouvoir et une action d'envergure fut entreprise à l'encontre des derebey indociles.Certes, les plus puissants de ces notables tinrent tête au sultan : en Grèce, la résistance de Tepedelenli Ali pacha fut le point de départ dusoulèvement des Grecs ; le pacha d'Égypte, Méhémet Ali, s'empara de la Syrie et s'avança en Anatolie.
Mais dans l'ensemble, et en dépitde ces guerres intestines, Mahmut II réussit à imposer son autorité.
En 1831, il abolit les timar, fiefs militaires qui constituaient lesderniers vestiges du féodalisme ottoman.
L'effort centralisateur porta d'autre part sur la réorganisation de l'administration provinciale : lesgouverneurs furent désormais salariés et il y eut de nouvelles subdivisions territoriales.
A Constantinople, la nomenclature des ministèreschangea et des commissions furent désignées pour débattre des affaires de l'État.
Aux yeux de Mahmut II, le renforcement du pouvoir passait non seulement par les réformes administratives, mais encore, et peut-êtresurtout, par l'occidentalisation de la société.
A l'instar de Sélim III, il ouvrit largement les portes de l'Empire ottoman aux influenceseuropéennes.
Extérieurement, cette ouverture se manifesta par des réformes vestimentaires qui touchèrent l'armée et le corps desfonctionnaires.
Le sultan donna lui-même l'exemple en paraissant en public vêtu d'un pantalon et d'une redingote.
La coiffure, élémentprimordial du costume musulman, subit une modification radicale : le turban céda la place au fez.
Mais, en profondeur, l'effort essentielporta sur l'enseignement scientifique et l'apprentissage des langues étrangères.
Une École de médecine fut créée en 1827 et une Écolemilitaire en 1834.
Pour former les futurs cadres de ces deux établissements, Mahmut envoya un grand nombre d'étudiants en Europe etimporta, en échange, des instructeurs étrangers ; en outre, il fit traduire quantité de manuels qui constituèrent la base du nouvelenseignement.
Dans ce domaine, le rôle tenu par des hommes aux compétences encyclopédiques comme Chanizadé (1769-1826) ouHodja Ishak Efendi (mort en 1834) fut considérable.
Grâce à eux, et aux diplomates et cadets revenus d'Europe, l'obstacle linguistique futpeu à peu levé.
La centralisation du pouvoir et la diffusion des idées nouvelles nécessitaient la mise en oeuvre de moyens de communication modernes.Mahmut II institua un système postal et fit construire un important réseau routier.
En 1831, parut le premier journal en langue turque, leTakvim-i Vekayi, entièrement consacré à la publicité du régime.
C'est sur le terrain économique que Mahmut II se montra le moins efficace.
Sous son règne, les marchandises européennes, en particulierles étoffes nécessaires à la fabrication des nouveaux uniformes, envahirent le marché ottoman.
Il réagit tardivement en interdisantl'entrée des tissus étrangers et en encourageant la création d'une industrie textile indigène.
En outre, sa politique de dépensessomptuaires mit le Trésor en difficulté et le gouvernement fut contraint de chercher de nouvelles sources de fiscalité, ce qui n'alla pas sanscauser de graves remous.
Il fallut même toucher aux revenus des fondations pieuses, réorganisées pour l'occasion sous l'égide d'unnouveau ministère.
Dans ces conditions, le bilan du règne est difficile à établir.
Le battage publicitaire fait par Mahmut II autour de ses réformes cached'énormes faiblesses.
En particulier, la faillite fut totale sur le plan militaire.
Son armée courut de défaite en défaite et l'Empire subitd'importantes pertes territoriales : les Russes s'emparèrent de la Bessarabie (1812) et d'une partie de l'Anatolie orientale (1829) ; desprivilèges furent accordés à la Serbie (1816) ; la Grèce conquit son indépendance (1830) ; les Français débarquèrent en Algérie (1830) ;Méhémet Ali pacha s'assura définitivement le contrôle de l'Égypte (1839).
Par ailleurs, on peut reprocher à Mahmut II de s'être attaqué àla forme plus qu'au fond des questions.
Son action fut celle d'un autocrate solitaire, éloigné du peuple et coupé de son entourage.
Tout cequi ne servait pas à véhiculer sa volonté fut négligé.
Mais, tout compte fait, ses réformes marquent une date essentielle dans l'histoire del'Empire ottoman : d'une part, elles furent à l'origine d'améliorations réelles en ce qui concerne les communications, l'enseignement etl'administration ; d'autre part, elles mirent en place les premiers éléments socioculturels d'un ultime système de défense face àl'impérialisme européen..
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