Louis Aragon

« Louis Aragon Louis Aragon est né à Paris, d'un père qui ne l'a pas reconnu et d'une mère qui se fit passer durant ses vingtpremières années pour sa soeur.

Sa vie pourrait se résumer en quelques mots : les livres, la guerre, le surréalisme, lecommunisme, l'amour, la poésie et le nom d'une femme : Elsa Triolet, celui de sa ville natale, Paris, enfin celui de sonpays mots et noms dont son oeuvre abondante n'a cessé de se faire l'écho.

Les livres, nous les trouvons dèsl'enfance : " Je lisais tant que mes parents fermaient à clef les bibliothèques ", ce qui ne put l'empêcher dedécouvrir, au collège, à onze ans, une anthologie de Maurice Barrès.

" Grand coup de soleil " qui " décida del'orientation de sa vie ", puis, l'année suivante, Maxime Gorki.

Dès le début de ses études de médecine, Aragon buta" sur le seuil atroce de la guerre/et de la féerie il n'est plus rien resté ".

Avant de partir pour le front " Voici la régiondes tirs/voici la roue et le martyre " il rencontrera André Breton (1917) avec lequel, à son retour, il élaborera lesurréalisme.

" Nous étions trois ou quatre au bout du jour assis/A marier les sons pour rebâtir les choses.

" Évoquantcette époque, celle de l'écriture automatique, Breton dira d'Aragon : " Nul n'aura été plus habile détecteur del'insolite sous toutes ses formes.

" De cet insolite, Paris lui livrera la clef et, du Paysan de Paris (1926) à Aurélien(1944), il en deviendra le chantre passionné (" Arrachez-moi le coeur vous y verrez Paris "). Son adhésion au parti communiste (1926), la rencontre d'Elsa Triolet (1928), des voyages en Russie (1930-1932)impriment une orientation différente à sa vie et à son oeuvre.

Conscient désormais d'être l'un des " écrivains dutemps du socialisme ", il rompt avec les surréalistes, collabore à l'Humanité, séjourne en Espagne pendant larévolution de 1936 et devient, en 1937, codirecteur de Ce soir.

Après les péripéties de la " drôle de guerre " et del'exode, il deviendra poète d'un nouveau style " la poésie, notre poésie, se lit comme le journal " et à la fois lechantre d'Elsa (" Mon orgueil est d'avoir aimé/Rien d'autre ") et celui de son pays blessé (" Mon pays devenait lechant même du monde "), tandis qu'il participe aux activités clandestines du parti communiste et de la Résistance etfonde, avec Jean Paulhan, les Lettres françaises.

La paix revenue, son oeuvre et son activité de militant seconfondent plus que jamais : son cycle romanesque, Les Communistes, paraît entre 1949 et 1951 et il reçoit, en1957, le Prix Lénine de la Paix.

En 1958, son roman la Semaine sainte , acclamé par la critique qui avait boudé lesromans du Monde Réel, attire l'attention du grand public sur lui.

Deux ans plus tard, il rédige une Histoire de l'URSSen trois volumes. Aragon est mort à Paris en 1982, sans jamais avoir cessé d'écrire, même après la mort d'Elsa (1970).

Il concevaitson oeuvre simplement comme un moyen mis au service de la révolution sociale.

Je laisse à plus qualifiés que moi le soin d'écrire une notice biographique et bibliographique sur Louis Aragon. Mon rôle ici se borne à dire ce que je pense d'un homme qui fut l'étoile d'un groupe hostile à ma personne. Or, ces sortes d'inimitiés mystérieuses sont parfois l'envers d'une amitié en puissance, et, lorsque les yeux s'ouvrentde part et d'autre, l'amitié qui en résulte ne possède que plus de force et semble bénéficier d'une longue attente. Pierre Reverdy écrivait : " Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour.

" Ajouterai-je : " Il n'y a pas d'amitié, il n'y a que des preuves d'amitié.

" De son amitié, Aragon donne sans cesse des preuves.

C'est pourquoi le portrait qu'il me plairait de joindre à la listede ses livres sera celui d'un grand poète, dont les poèmes puisent presque toujours leur pouvoir dans un besoind'exalter le règne du coeur. Qu'il s'agisse de sa Compagne ou de la France, jamais il ne redoute cette haute louange que les petites âmescraignent comme si elle les frustrait de quelque chose, alors que la délicieuse euphorie de l'éloge, sans réserve, nousaide à supporter notre solitude. Rencontres d'île déserte : voilà de quoi nous distraire de ces alternatives entre " l'aquoibonisme " et le "fairepartisme " qui, tantôt nous couchent à plat ventre sur le sable, tantôt nous contraignent à faire signe auxnavires qui passent au large sans nous apercevoir. Mais l'amitié active d'Aragon est d'autant plus précieuse qu'il peut se passer des rencontres d'île déserte, ayant fait,une fois pour toutes, celle d'une femme aux yeux de lac des neiges autour de laquelle les moindres lignes de sonoeuvre s'enroulent comme un volubilis bleu. " Mon sombre amour d'orange amère." Chez un couple comme celui d'Elsa Triolet et de Louis Aragon, l'amitié se transcende jusqu'à ne plus faire qu'un avec. »