L’huître Ponge analyse
Publié le 30/04/2021
Extrait du document
«
« L’huître » (Francis Ponge)
C’est un des 32 poèmes en prose du recueil Le Parti pris des choses de Francis Ponge
(1942), recueil qui, comme l’indique son titre, se donne pour programme poétique de « prendre le
parti des choses » c’est à dire mettre la poésie au service, non pas de l’humain, ses engagements et
ses passions, mais bien des « choses » qui nous entourent.
Ce poème est constitué de 3 paragraphes : le 1 er
consacré à l’approche extérieure de l’huître,
le 2ème à son contenu intérieur, le 3ème à la perle que l’huître peut éventuellement envelopper.
C’est un mouvement de « centration », un mouvement progressif qui va, par niveaux successifs, de
la périphérie vers le centre.
Par ailleurs, on peut aussi remarquer qu’il s’agit aussi d’un mouvement de
« concentration » : les paragraphes sont de longueur décroissante : le 1 er
est composé de plusieurs
phrases, le 2ème d’une seule phrase, longue et complexe (plusieurs subordonnées) ; le 3ème d’une
seule phrase courte.
Donc un mouvement qui va ainsi du multiple vers l’unité.
Le poème nous conduit ainsi à nous intéresser à l’huître à travers un mouvement initiatique
de pénétration laborieuse et de découverte de son « coeur » intime et précieux.
Chemin faisant, le
texte revisite le mythe biblique de la Genèse (la création du monde).
Nous allons donc voir comment, dans la découverte de l’huître, il s’agit d’une sorte de
démarche symbolique qui peut devenir la métaphore de toute initiation, et tout particulièrement
dans l’ordre de la création poétique.
1 er
paragraphe : approche extérieure de l’huître
« L’huître » : titre et premiers mots du texte - le thème est explicitement annoncé (on ne joue
pas aux devinettes) – d’emblée : description par comparaison avec un « galet » : objet minéral donc
non-vivant, inerte, dur, opaque.
L’huître est ramenée à l’inertie dure du caillou, tout au moins au
niveau de l’apparence extérieure : « grosseur », « apparence », « couleur ».
Le rapprochement est
facilité par le fait qu’il s’agit pour tous deux (huître et galet) d’objets marins.
L’huître partage aussi
avec le galet « moyen » une certaine médiocrité ou banalité.
Par une série de comparaisons, on peut
toutefois distinguer ces objets si proches : apparence « plus rugueuse » et couleur « moins unie »,
l’avantage ne semble pas pencher du côté de l’huître ! L’oxymore final de la 1ère phrase interroge
pourtant : « brillamment blanchâtre » - notez la discrète paronomase avec le [b] initial, la proximité
[br] et [tr], les assonnances [an] et [a] - « blanchâtre » avec son suffixe dévalorisant (-âtre) évoque
une couleur terne, amortie : pâle et sale… ce qui vient contraster avec l’adverbe « brillamment » qui
évoque la luminosité (brillance physique) mais aussi le génie (brillance intellectuelle).
L’huître
aurait-elle le génie de se faire passer pour plus banale qu’elle n’est ? Qu’a-t-elle à nous cacher ?
« C’est un monde opiniâtrement clos.
»
« C’est un monde » : métaphore qui assimile l’huître à une planète voire à l’univers, à un
univers – en contradiction avec la comparaison initiale avec un simple caillou (un galet).
Mais, alors
que le galet est massif, l’huître est creuse : elle contient tout un « monde » à l’intérieur.
« Un monde
opiniâtrement clos » : un monde fermé, caché et défendu.
« Opiniâtrement » : adverbe rare,
construit sur l’adjectif « opiniâtre » = qui manifeste de la ténacité et de l’obstination à maintenir
son opinion ou sa décision.
Le mot est souvent péjoratif, comme l’indique son suffixe en -âtre (déjà
rencontré).
L’huître apparaît, discrètement personnifiée, comme douée d’une volonté inflexible et
obstinée (peut-être déraisonnable ?) pour interdire l’accès à son univers intérieur.
L’huître se caractérise donc par une opposition « extérieur/ intérieur ».
L’extérieur est banal,
simple et anodin ; l’intérieur est d’une richesse et d’une complexité incommensurable (« un
monde »).
On peut soupçonner l’huître de vouloir nous cacher sa richesse intérieure d’abord sous la
ruse d’une « apparence » banale.
Un secret est protégé par l’ignorance de son existence.
Ensuite , les
valves du coquillage sont comme les portes d’un coffre fort, les portes solidement verrouillées d’un.
»
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