L'espace-temps.

« L'espace-temps. Le temps mathématique est un temps abstrait au sens où il exprime le travail d'abstraction par quoi on peut dominerlogiquement le changement.

Mais l'opposition de ce temps abstrait à un temps concret, parce que vécu, estdépourvue de signification.

De même si le temps n'est exprimable que dans la relation espace-temps (mouvement),on n'en peut conclure que le temps est confondu à l'espace, mais seulement que leur détermination logique estnécessairement solidaire.

La seule question que l'on puisse introduire est celle des limites d'une telle constitutionlogique à l'égard des significations que la conscience confère au temps, et qui ne sont plus du ressort de la science.La solidarité des déterminations rationnelles de l'espace et du temps est illustrée par l'évolution des théoriesphysiques qui introduisent les notions de temps relatif et d'espace relatif.

Le temps absolu de la physiquenewtonienne correspond à la référence universelle sous laquelle tous les mouvements sont commensurables.

Un telsystème physique s'érige en système de détermination intégrale : tout se localise dans l'espace absolu, tout prenddate dans le temps absolu.

Cet espace et ce temps sont posés abstraitement comme les coordonnants invariablesde toute reconstruction mécanique ou physique.

Il n'y a qu'un espace comme il n'y a qu'un temps, où s'exprime laconvertibilité des déterminations rationnelles.

Ces références universelles disparaissent au moment où la théoriephysique ne peut plus maintenir l'invariabilité des lois qu'en les considérant à l'intérieur de systèmes finis.

Espace ettemps caractérisent alors les relations entre les éléments d'un ensemble.

D'une part, on ne peut plus les dissocier,d'autre part, on ne peut plus universaliser les déterminations spatio-temporelles propres à un ensemble ; ou pourmieux dire, cela n'a pas de sens.

Il ne s'agit plus, bien évidemment, de leur faire correspondre ce que nousappréhendons intuitivement comme spatial et temporel.

Il s'opère une rupture entre le plan logique de la synthèsescientifique et le plan intuitif de la représentation.

La théorie ne peut pas plus se prendre pour une nouvellereprésentation du monde que la perception ne peut s'élever contre l'inconcevabilité de ce qu'elle n'intègre pas.

Lesliaisons conceptuelles s'opèrent dans le discours à un niveau exclusivement symbolique et ne réduisent pas lacondition d'existence du sujet pensant.

On doit donc soigneusement distinguer une réflexion épistémologique quicaractérise le temps dans la constitution théorique de l'objet scientifique, et une réflexion critique qui développe lacondition temporelle du sujet pensant.. »