Les Contemplations (Hugo) sont-elles une oeuvre autobiographiques ?

« Cléo Larrieu-Gassiot-Talabot Dissertation D'après vous, peut-on dire que les Contemplations sont une œuvre autobiographique ? Selon la définition donnée par Philippe Lejeune de l'autobiographie : « récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité », la forme poétique semble, en elle- même, rendre impossible le récit autobiographique.

Or si l'on prend le cas d'un recueil de poésie majeur écrit par Victor Hugo, qui n'est autre que les Contemplations , on s’aperçoit que la limite entre poésie et autobiographie n'est pas aussi évidente qu'elle n'y paraît.

En effet, en écrivant dans sa préface : « Qu'est ce que les Contemplations ? C'est ce qu'on pourrait appeler, si le mot n'avait quelque prétention, les Mémoires d'une âme », Hugo paraît revendiquer la dimension autobiographique de son œuvre.

Il semble vouloir lier le lyrisme romantique au genre de l'autobiographie. Compte tenu de ces différents éléments, peut-on dire que les Contemplations sont une œuvre autobiographique ? Si certains éléments montre que les Contemplations peuvent bien être qualifiées d'autobiographie, nous verrons que cette œuvre à une dimension plus large. Les Contemplations constituent l’œuvre lyrique par excellence de Victor Hugo.

Or le lyrisme, caractéristique de la poésie romantique, met le «moi» au centre de l'écriture.

C'est le recueil Les Méditations poétiques de Lamartine, dans lequel il écrit : «Je suis le premier qui ai fait descendre la poésie du Parnasse, et qui ai donné à ce qu'on nommait la muse, au lieu d'une lyre à sept cordes de convention, les fibres mêmes du cœurs de l'homme, touchées et émues par les innombrables frissons de l'âme et de la nature» qui va être considéré comme l' acte de naissance du lyrisme romantique.

Le «je» lyrique prend donc une place nouvelle caractérisée par l'expression des sentiments intimes.

De plus dans certains poèmes de Lamartine comme «Le Lac», le lyrisme acquiert une dimension autobiographique.

En effet en évoquant sa rencontre avec Elvire, sa bien aimée, et les bons moments passés ensemble, Lamartine porte un regard rétrospectif sur des éléments réels de sa vie.

D'autre part, d'après Musset, la poésie est la tradition immédiate des émotions les plus intimes.

Il fonde son écriture sur la sincérité, et le «je» lyrique se confond ainsi souvent avec l'homme.

Dans le poème «Nuit de décembre», Musset évoque son passé d'écolier, d'adolescent, de jeune homme amoureux et retrace ainsi de manière plus explicite son parcours.

Néanmoins aucun de ces deux auteurs n'a annoncé un réel projet autobiographique avec ces œuvres.

Maintenant, si nous prenons le cas des Contemplations, le projet autobiographique est ici explicitement annoncé par Victor Hugo.

Tout d'abord en garantissant la véracité des propos avec la formule « l'auteur a laissé, pour ainsi dire, ce livre se faire en lui», Hugo conclut avec son lecteur «un pacte de sincérité».

Par ailleurs, l'affirmation « vingt-cinq années sont dans ces deux volumes» ainsi que le terme « les mémoires d'une âme» suppose un récit rétrospectif.

En effet l'organisation globale du recueil est chronologique comme le suggère la datation précise de la plupart des poèmes ainsi que les titres des deux grandes parties : «Autrefois» et «Aujourd'hui».

Victor Hugo raconte d'abord sa jeunesse, avec ses idylles amoureuses, dans les poèmes «Lise» ou «Vieille chanson du jeune temps», de ses souvenirs de collège dans le poème « A propos d'Horace», ou encore de ses combats littéraires avec «Réponse à un acte d'accusation».

Puis dans la deuxième partie «Aujourd'hui», il raconte la mort de sa fille et sa difficulté à faire son deuil notamment dans les poèmes « Trois ans après » ou « Oh ! Je fus comme fou ».

Il rend aussi hommage à son gendre, mort en même temps que Léopoldine, dans le poème « Charles Vacquerie ».

Les dates authentiques de deux événements marquants de sa vie sont d'ailleurs écrites : le mariage de sa fille (« 15 février 1843») et sa mort («4 septembre 1843»).

Le «je» lyrique des Contemplations est bien un «je». »