Les cahiers de douai
Publié le 17/06/2025
Extrait du document
«
1.
L’émancipation par la précocité poétique : Rimbaud s’invente
poète libre à l’adolescence :quête de liberté
Dans Les Cahiers de Douai, la parole de Rimbaud naît d’un élan vital et
irrépressible vers la liberté.
Il n’attend pas d’être un homme pour écrire :
il prend la parole dès quinze ans, comme un défi lancé à la société, à sa
famille, et à la tradition littéraire.
Il s’affirme poète avant même d’être
reconnu comme tel, faisant de l’écriture un acte d’auto-création.
Cette
précocité est en soi une forme d’émancipation, car elle rompt avec l’idée
reçue selon laquelle la maturité serait nécessaire à la création.
La quête de liberté se déploie d’abord dans le rejet du cadre provincial de
Charleville, ville qu’il juge étouffante, grise, vide.
Il rêve d’en sortir,
d’atteindre des espaces nouveaux, inconnus.
Ma Bohème en est un
témoignage éclatant : le jeune poète s’y met en scène marchant
librement sur les routes, sans autre richesse que ses mots et ses rêves.
Il
ne dépend de rien ni de personne, revendiquant :
« Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées.
»
Ce rejet du confort et des attaches matérielles est une émancipation
géographique et sociale : il s’oppose à l’ordre bourgeois, à la famille, à la
soumission aux institutions.
Mais Rimbaud cherche aussi une liberté intérieure.
Il veut vivre sans
contrainte, mais aussi penser et sentir sans limite.
Dans Sensation, il
imagine un » promenade solitaire, sans paroles ni pensées, une sorte de
fusion avec la nature :
« Je ne parlerai pas, je ne penserai rien… »
Ce refus même de penser, ce silence choisi, est une manière de se libérer
de la société du discours imposé : il veut exister hors des normes, hors du
langage ordinaire, dans une communion pure avec le monde.
Enfin, sa liberté est aussi stylistique.
Dès les Cahiers de Douai, il refuse
l’imitation des poètes romantiques ou classiques, et ose des images
neuves, des rythmes libres, une langue personnelle.
Il n’écrit pas pour
plaire, mais pour s’inventer.
Ce geste d’écriture devient alors un acte de
naissance : par la poésie, il crée sa place dans le monde, sans demander
la permission.
Ainsi, Rimbaud s’émancipe sur tous les plans : il rejette le lieu, l’époque,
la morale, le style, et le destin qu’on voulait pour lui.
À travers la poésie, il
s’arrache au silence, à l’ennui, à l’obéissance, et forge une voix unique,
déjà brûlante de désir d’infini et de refus des limites.
Poèmes-clés : Ma Bohème, Sensation, Roman
libération des sensations, éveil sensuel et poétique
Dans Les Cahiers de Douai, la poésie de Rimbaud passe autant par la
pensée que par le corps vivant, en marche, en éveil, en extase.
Le jeune
poète ne cherche pas seulement à penser sa liberté : il veut la ressentir
physiquement, par les sens, les muscles, la peau.
L’émancipation devient
aussi sensorielle et charnelle, à travers une célébration des sensations
pures, des états de corps libres de toute contrainte morale ou sociale.
Dans Sensation, Rimbaud évoque une promenade solitaire en été : il ne
parle pas, il ne pense pas — il sent.
Il s’abandonne à l’instant, au souffle
du vent, au soleil sur la peau, à l’amour infini qui « lui montera dans l’âme
».
Le poème devient une sorte de fusion avec le monde, un moment
d’extase simple et naturelle, où le corps n’est plus contraint, mais porté
par la nature.
Dans Rêvé pour l’hiver, le corps est cette fois couché, enveloppé, caressé.
Le rêve d’un voyage en carriole devient une scène intime, érotique, où
une compagne l’embrasse « parfois », sur les joues.
L’amour ici est doux,
imaginaire, non codifié : il n’obéit à aucune règle, et n’a d’autre but que le
plaisir partagé.
Ces poèmes révèlent chez Rimbaud une volonté précoce de s’affranchir
des normes morales, en particulier celles imposées par l’éducation
religieuse et bourgeoise.
Le corps n’est plus à contrôler : il est à écouter, à
libérer, à chanter.
Par la marche, le désir, les plaisirs simples, Rimbaud
affirme une manière libre d’habiter le monde, loin du carcan des
conventions.
Ainsi, la poésie devient aussi un espace de sensualité, une langue du
corps, une manière d’exprimer l’intime, l’instinctif, le vivant.
En célébrant
le mouvement, les souffles, les caresses et les rêveries sensuelles,
Rimbaud s’émancipe de la morale comme de la tradition : il écrit une
poésie incarnée, ouverte, ardente.
2.
L’émancipation par la révolte : dire non à l’école, à la religion, à la
société bourgeoise
Dans Les Cahiers de Douai, la parole poétique de Rimbaud se dresse avec
force contre les institutions oppressives qui régissent son quotidien et
celui de son époque.
Loin d’une poésie sage et lyrique, Rimbaud adopte
un ton provocateur, insolent, à travers lequel il exprime une volonté
farouche de désobéissance.
L’école, d’abord, y est perçue comme un lieu
d’ennui, de répétition mécanique, un cadre étroit qui ne laisse aucune
place à la création ni à la sensibilité.
Mais c’est surtout contre la religion
que sa révolte se fait violente.
Elevé dans un climat catholique rigide par
sa mère, il en rejette très tôt l’esprit de soumission et de culpabilité.
Dans
ses vers, il tourne en dérision les dogmes, ridiculise les saints, dénonce la
charité chrétienne comme hypocrisie sociale.
Le rire y devient anticlérical
et corrosif.
On le perçoit notamment dans le poème Les Premières
communions, texte d’une ironie grinçante, où la figure du prêtre est
tournée en ridicule, et où la communion devient un rituel absurde vidé de
sens.
Rimbaud ne s’en prend pas seulement à l’Église, mais aussi à toute la
société bourgeoise, fondée selon lui sur l’argent, les privilèges, l’injustice
et le mépris.
Il fustige les notables, les commerçants, les gens
respectables, qu’il perçoit comme autant de figures figées dans leur
confort moral.
Dans Les Effarés, par exemple, le contraste entre les
enfants pauvres qui grelottent dehors et la lumière chaude du fournil
évoque toute la violence sociale d’un monde inégalitaire, où les riches
vivent dans l’opulence pendant que les autres restent dans l’ombre.
Cette
dénonciation sociale, d’une grande modernité, exprime une soif
d’émancipation qui dépasse la simple colère : elle traduit un besoin de
rupture radicale avec l’ordre établi.
Ainsi, Rimbaud fait de la poésie un instrument de rébellion.
Il refuse
l’obéissance, la morale, la foi imposée, et les rôles sociaux prédéfinis.
En
se libérant par la provocation et l’ironie, il se donne une voix unique, celle
d’un adolescent qui ose dire non au monde tel qu’il est, et qui rêve déjà
d’un ailleurs, plus libre, plus grand, plus juste.
Poèmes-clés : Les Effarés, Les Premières communions
3.
L’émancipation par la langue : Rimbaud libère le vers par
l’audace poétique
Dans Les Cahiers de Douai, Rimbaud n’écrit pas seulement pour exprimer
un refus : il écrit pour inventer une autre manière de dire le monde.
Sa
poésie s’affirme très tôt comme un espace d’émancipation linguistique, où
le vers classique est détourné, dynamité, recomposé.
Formé à Charleville
par une éducation humaniste et nourri de lectures précoces, Rimbaud
connaît parfaitement les modèles traditionnels, notamment Victor Hugo,
Banville, ou encore le style oratoire des romantiques.
Mais il ne s’y
enferme pas.
Il lit pour s’en libérer.
Et c’est justement dans ce
dépassement de ses influences que s’exprime sa liberté de langage.
Dès ses premiers poèmes, il s’éloigne des formes figées du Parnasse pour
créer une poésie plus directe, plus vivante, plus personnelle.
Dans Ma
Bohème, les rimes riches côtoient des rythmes irréguliers ; les images
sont inattendues, parfois absurdes, souvent saisissantes.
Il adopte un ton
oral, proche de la langue parlée, et s’autorise des ruptures de ton, des
glissements soudains du réel au rêve.
Cette désinvolture apparente cache
une volonté ferme : faire éclater les cadres pour s’approprier la parole
poétique.
Dans Rêvé pour l’hiver, la sensualité enfantine se mêle à un humour léger,
et dans Sensation, il parvient à exprimer une expérience intérieure
presque mystique en seulement deux quatrains, portés par un souffle
libre.
Ces choix stylistiques révèlent une volonté de s’éloigner du poème
comme exercice scolaire, pour en faire un geste personnel, incarné, libéré
de tout modèle rigide.
La langue devient ainsi le premier lieu d’émancipation pour le jeune poète.
En refusant la grandiloquence d’un Hugo ou la froide perfection d’un
Leconte de Lisle, Rimbaud affirme qu’écrire, c’est inventer, c’est chercher
un ton à soi, c’est parler avec sa propre voix, même vacillante.
Il
réinvente le langage poétique pour en faire l’expression d’un moi en
marche, d’un souffle nouveau, d’un regard qui ne veut ressembler à aucun
autre.
> Poèmes-clés : Ma Bohème, Rêvé pour l’hiver, Sensation
Inspirations rejetées ou dépassées : Hugo, Banville, Baudelaire, le
romantisme lyrique, le Parnasse
5.
L’émancipation par l’evasion
: quitter la ville, la famille, le monde clos
Chez Rimbaud, le voyage n’est pas seulement un déplacement physique,
mais une démarche existentielle.
Dès Les Cahiers de Douai, partir devient
un geste poétique et politique, un moyen de rompre avec l’enfermement
familial, scolaire et provincial.
Le jeune poète rêve d’ailleurs, mais surtout
il agit :....
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