lecture linéaire "Chose vue un jour de printemps" poème de V.Hugo
Publié le 21/12/2023
Extrait du document
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LECTURE LINEAIRE « CHOSE VUE UN JOUR DE PRINTEMPS »
LES CONTEMPLATIONS, VICTOR HUGO
« Les Contemplations » (1856) est un recueil de poèmes de Victor Hugo, chef
de file du mouvement Romantique en France.
A la fois poète, romancier, dramaturge et homme politique, il présente dans sa
préface « Les Contemplations » comme les « Mémoires d’une âme » car il y
dresse les souvenirs de sa vie.
Ce recueil autobiographique est séparé en 2
parties « Autrefois » et Aujourd’hui ».
Dans « Autrefois », « Chose vue un jour de printemps » est le 17è poème du
livre 3 intitulé « Les luttes et les rêves » où il évoque certains de ses
combats sociaux contre la misère et la souffrance du peuple parisien.
Le poème écrit en Avril 1840 est constitué de 60 alexandrins groupés en
longues strophes.
Dans cet extrait , Hugo évoque la mort d’une femme ouvrière « morte de
faim » laissant ses quatre enfants orphelins.
LECTURE EXPRESSIVE
PROBLEMATIQUE-PROJET DE LECTURE
Hugo à travers son œuvre et son action politique a le souci de combattre la
misère du peuple .
Le poème s’apparente à un récit pathétique et à une
dénonciation polémique des injustices sociales.
Comment le lyrisme poétique est-il mis au service d’une dénonciation des
inégalités sociales et de la condition de travail des ouvriers ?
ANALYSE LINEAIRE
Une première partie ( du vers 1 au vers 11 ) développe l’argument
d’expérience à partir d’un récit objectif, réel.
Le titre insiste sur la position de témoin du poète « chose vue ».
Le participe passé « vue » met l’accent sur le témoignage oculaire.
Cette
« chose » s’appelle La mort.
Elle est « vue un jour de printemps », période de
renaissance.
L’antithèse fait apparaître l’injustice implicite.
C’est donc une expérience vécue et rapportée comme le montre le premier
vers « je poussai cette porte », présence du « je » et du passé simple, temps
de la narration « je poussai ».
En ancrant la misère dans la réalité de ce témoignage, il en renforce la
crédibilité : « Les quatre enfants pleuraient et la mère étaient morte »vers 2 .
On peut noter l’économie de moyens : présentation directe et brutale ,
solennelle, quasi-théâtrale.
Le rythme binaire de l’alexandrin (deux hémistiches ) met en valeur l’aspect
implacable de la vision rapportée.
Utilisation des déterminants définis « les » et « la » donne un caractère
universel à la scène.
Hugo va chercher à capter l’attention du lecteur en parcourant du regard la
scène tel un chroniqueur qui rapporte des faits.
Sa dénonciation de la misère
s’appuie sur cette thématique du regard-témoin « le regard » vers 3, « on
voyait » vers 8, « Regardez » vers 11.
Le choix du pronom « Tout » au début du vers 3 donne un effet de balayage
du regard sur cette découverte derrière la porte et amplifie cette vision
lugubre.
Les éléments descriptifs de la scène qui sont inclus dans ce tout plantent un
décor réaliste et sont au service de la dénonciation de la misère du peuple:
« le lieu lugubre », « le grabat », « le cadavre » vers 3 et 4, « pas de feu »,
« le plafond laissait passer le chaume » vers 6 (phrase nominale et effet de
rupture avec la ponctuation ).
Le corps de la morte « le cadavre hagard » perd sa dignité , exposé au regard,
sur un « grabat ».
Il n’y a pas de veillée mortuaire, la misère n’a plus de codes
sociaux.
Aux vers 2, 3 et 4, les allitérations en R donne une unité dramatique à la
scène.
De même, les assonances en A au vers 4 peuvent suggérer l’implacabilité de
la mort.
On voit que le poète manie les différents registres.
Au registre pathétique et
tragique des premiers vers se mêle celui du fantastique « le lieu lugubre »,
« effrayait » » , développé au vers 5 « déjà le fantôme » et enfin au vers 9
avec le « sinistre sourire » de la morte.
Ce mélange des registres associe la mort à un sentiment d’horreur .Chez les
gens pauvres, la frontière entre la vie et la mort est floue « C’était déjà la
tombe et déjà le fantôme »,gradation, rythme binaire du vers et répétition de
l’adverbe « déjà » peuvent suggérer la fatalité de leur existence.
On peut voir que le poète parvient malgré les détails réalistes à rendre la
scène peu à peu surnaturelle pour frapper l’imaginaire du lecteur et le
persuader de l’injustice de la situation.
Au vers 7, l’anaphore « les quatre enfants » (reprend celui du vers 2) et
focalise le lecteur sur l’objet de sa découverte : « Entendant des sanglots »
vers 1.
Le bruit des sanglots fait place au songe, à la pensée méditative, au silence de
l’indicible malheur.
Les enfants sont orphelins, le choc du deuil les transforme
en « quatre vieillards » .
On note donc deux comparaisons au vers 7 et 8 « comme une aube à travers
des brouillards » mis ici en apposition.
La frontière entre les deux mondes de
la vie et de l au-delà est imprécise.
Les enfants deviennent des vieillards, les
brouillards participent de l’invisible.
Les verbes à l’imparfait duratif
« songeaient » vers 7 et « on voyait » associés aux comparaisons s’inscrivent
dans un temps contemplatif, une pause mise en valeur par la variation de
rythme du vers 8.
On peut peut-être y voir aussi avec « l’aube » , qui s’oppose à l’obscurité de la
scène « pas de feu »,la dimension salvatrice de la mort perçue comme une
libération.
Mais au vers 9 , le poète revient à la réalité du corps :« Au lèvres de la morte
un sinistre sourire ».
L’anastrophe , renversement de l’ordre grammatical, fait
écho au « cadavre hagard », et insiste sur l’horreur de la scène, détail
d’autant plus horrible et révoltant que ,comme le vers suivant l’annonce, c’est
un enfant de 6 ans....
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