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Le refus d'attribuer des droits aux animaux et la question de la personne (extrait des Droits de l'animal de G.Chapouthier)

Publié le 02/12/2021

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En science, lorsqu'un phénomène paraît suffisamment reproductible, on finit par trouver un consensus pour le qualifier de vérité scientifique. Il n'y a pas en revanche de consensus dans le domaine de la philosophie. On ne sera donc pas surpris qu'un certain nombre de penseurs refusent la notion même de droits de l'animal telle que nous venons de la présenter. Certes, le présent ouvrage étant consacré à cette notion, le lecteur ne sera pas étonné que ce qui concerne les droits de l'animal y occupe une place essentielle! Mais il ne serait pas honnête de passer sous silence les auteurs qui réfutent la notion même. Pour certains tenants de cette thèse, il est tellement aberrant d'attribuer des droits aux animaux que la Déclaration universelle apparaît comme une énormité philosophique. Ainsi Eric Conan parle de « l'absurde Déclaration universelle des Droits de l'Animal, proclamée par plusieurs associations zoophiles en 1978, obscène parodie de la Déclaration de 1789 ».Une argumentation moins polémique et donc plus raisonnée de cette opposition à la notion même de droits de l'animal a été proposée par Janine Chanteur. Pour cette philosophe, « la notion de droit détachée de celle de devoir est une notion vide ». L'animal ne pouvant pas, sauf par contrainte qui n'entre pas dans notre propos ici, être soumis à des devoirs à l'égard de l'homme, il n'est pas concevable de lui attribuer des droits. On pourrait certes faire remarquer à l'auteur que divers êtres humains - embryons, enfants, handicapés - ne sont pas non plus capables d'avoir des devoirs, mais, pour l'auteur, leur situation sur ce point ne peut être comparable aux animaux, puisqu'ils sont intégralement des êtres humains : « Qu'il soit parlé en leur nom s'ensuit de la logique de la définition d'une espèce humaine qui se reconnaît des droits. La Charte des Droits des Animaux est donc une projection, un transfert de ce qui est censé convenir à l'espèce humaine sur d'autres espèces. » Un tel transfert parait à l'auteur tout à fait illégitime. Il s'agit donc d'une philosophie qui limite clairement l'acception du droit à l'espèce humaine et à elle seule, à tous les êtres humains et rien qu'aux êtres humains.C'est également à cette position, qui revient à limiter les impératifs de la protection animale à des devoirs de l'homme sans l'étendre pour autant à des droits de l'animal, qu'aboutissent les réflexions privées ou publiques, orales ou formulées par écrit d'un certain nombre de scientifiques. On peut en donner comme exemple le texte du célèbre neurochimiste anglais Steven Rose. Quelques extraits montreront clairement la position de l'auteur: « Ce débat n'a donc rien à voir avec celui sur les droits des femmes ou des Noirs, où ce sont des sujets de l'histoire opprimés (souligné par nous) qui demandent justice et égalité. Il s'agit ici d'un débat entre nous, humains, sur notre attitude à l'égard des non-humains. » Pour Rose, il existe une discontinuité fondamentale entre les humains et les autres animaux, puisque seul l'homme pose les problèmes de la morale : « Nous ne nous attendons pas à voir les chats discuter du droit des souris. Ainsi la question n'est-elle pas celle du droit des animaux, mais bien plutôt celle des devoirs que nous avons à leur égard en tant qu'humains. » Et plus loin pour conclure : « Je vous adjure donc de... reconnaître les devoirs de l'homme.... de respecter les animaux non humains - et de rejeter la proposition d'une Déclaration des Droits de l'Animal. » Il faut ajouter que cet article a été écrit dans le contexte un peu particulier des pays anglo-saxons où le débat sur les droits de l'animal a souvent pris une allure très violente puisque certains partisans de la défense des animaux ont été, comme le rappelle la revue Alliage où figure l'article de Rose, « jusqu'au sabotage de laboratoires et aux attentats individuels contre des chercheurs ». Il reste que ce texte est très clair, qui complète fort bien en ce qui concerne un scientifique celui qui exprimait la position d'une philosophe comme Janine Chanteur, est assez représentatif d'un certain discours des scientifiques d'aujourd'hui et pas seulement en Angleterre.Cette controverse très importante sur la légitimité même de la notion de droits de l'animal s'appuie souvent sur le concept de « personne », généralement assimilé à celui d'être humain. Pour les adversaires de la Déclaration universelle, seuls les êtres humains sont des personnes, puisque seuls capables de rationalité élaborée. Comme l'a noté Silvana Castignone l'identification entre « personne » et « être humain » repose sur « un certain nombre de caractères que chaque être doit posséder afin d'être considéré comme une per- sonne. Habituellement il s'agit là de l'intelligence, de la capacité de s'exprimer et d'utiliser le langage, de l'auto-conscience, de l'autodétermination. A ces caractéristiques on ajoute parfois le sentiment du temps, c'est-à-dire la capacité de prévoir l'avenir et de faire des projets ». Dès lors s'affrontent dans cette conception de la personne, elle-même très liée aux droits de l'animal, deux positions fondamentales : - Selon la première, seuls les hommes peuvent avoir des droits car eux seuls possèdent les caractéristiques que nous venons d'évoquer. Cette thèse peut apparaître comme la version moderne du refus de trop rapprocher l'homme de l'animal, une attitude déjà apparue à plusieurs reprises dans l'histoire chaque fois que la spécificité de l'homme a paru être menacée par un nouveau statut de l'animalité. La théorie de l'évolution a provoqué, on le sait, il y a un siècle, des réticences similaires, même si elles sont aujourd'hui largement dépassées. - Selon la seconde, les animaux, sans être des hommes, présentent cependant des caractères partiels d'une personne - y compris, pour les animaux « supérieurs » des caractéristiques d'intelligence et d'auto-conscience analogues à celles que nous avons évoquées ci-dessus. Selon cette thèse, les animaux peuvent donc avoir des droits, même si, bien entendu - et il faut sans doute insister sur ce point -, ceux-ci différent des droits de l'homme.La position qui veut limiter à l'homme le bénéfice des droits est, selon les partisans de la seconde thèse, difficile à tenir, car la définition donnée de la personne n'englobe pas seulement les êtres humains et ne concerne pas tous les êtres humains. Comme le fait remarquer S. Castignone : « Pas seulement car d'autres êtres possèdent ou pourraient posséder (les caractéristiques intellectuelles signalées)... : Dieu, les anges, éventuellement des extra-terrestres, des humanoïdes, les intelligences artificielles, et même certains animaux supérieurs. Pas tous, car certains êtres humains ne possèdent pas les caractéristiques... énumérées..., ou bien les possèdent dans une mesure très limitée : nous pensons aux handicapés mentaux, aux idiots, aux foetus, aux comateux... et, si l'on veut aussi, aux nouveau-nés, bien que, en ce dernier cas, il est plus aisé de les assimiler aux humains dits normaux. »Les partisans de la première thèse rétorquent que ce n'est pas l'aptitude d'un sujet (humain) qui lui fait mériter des droits, mais l'appartenance à l'espèce humaine. Du fait de cette appartenance, le foetus ou le comateux doivent être pourvus des mêmes droits que tout un chacun, bien qu'incapables de les faire valoir. Les partisans de la seconde thèse répondent alors qu'on ne voit pas au nom de quoi les animaux seraient exclus du champ des droits qu'un intermédiaire pourrait parfaitement faire valoir à leur place. Ainsi S.Castignone, qui se rattache à la seconde thèse, affirme : « L'identification entre personne et être humain pré- sente des lacunes et donne lieu à des problèmes beaucoup plus nombreux que ceux qu'elle résout. La voie que l'on doit tâcher de parcourir, à mon avis, porte à éviter un emploi trop restreint de ce terme. » Ainsi cet auteur oppose un « sens fort » de la notion de personne, qui s'appliquerait à tous les êtres qui possèdent les caractéristiques, et un « sens élargi ou faible » qui, selon cet auteur, « dénoterait tous les êtres, aussi bien humains marginaux qu'animaux, à qui l'on doit en tout cas reconnaître des droits, ou envers lesquels on a en tout cas des devoirs directs, même si on ne peut pas les considérer en tant que full persons, c'est-à-dire titulaires, au sens plein du mot, de droits et de devoirs ».

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