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Le Bal des Voleurs, scène d’exposition.

Publié le 26/01/2024

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« Le Bal des Voleurs, scène d’exposition. De L'Amour médecin de Molière et Lully au Mariage de Figaro de Beaumarchais au théâtre l'amour est un thème moteur : mariage, amours contraires, stratégies pour retrouver l'être aimé fournissent le ressort de nombreuses intrigues.

Dans les comédies, l'amour est associé aux ruses et manigances, ainsi qu'au mensonge... C’est bien l’image qu'on retrouve dans Le Bal des voleurs de Jean Anouilh, « pièce rose » créée en 1938 dans laquelle le dramaturge, connu pour ses réécritures de tragédies antiques, revisite cette fois le genre de la Comédie-ballet, né grâce à Molière, mort avec lui.

Cette œuvre comique et enlevée met en scène une aristocrate et ses nièces dont la vie va être perturbée par trois voleurs. Dans la scène d'exposition musicale, fantaisiste et particulièrement animée, une des nièces, Éva, tombe sous le charme d'Hector, qui s'avère être l'un des voleurs.

Il s'agira de voir en quoi cette scène de comédie est, dès ses premiers instants, moderne. I – Le thème de l'amour, est certes traditionnel et ancien. Tout d'abord, il est clair que cette pièce s'ouvre sur un dialogue amoureux.

En effet, la didascalie initiale montre les personnages en situation délicate, procédant à un "baiser très cinéma" : l'expression raccourcie donne à la scène une dimension romantique, au sens galvaudé du terme.

De plus, l'attitude d'Hector semble montrer son émotion.

Dans la didascalie qui le concerne, Anouilh emploie l'adjectif "confus", et sa confusion est accentuée papremière réplique : "Attention, on nous applaudit", qui exprime le trouble provoqué par le baiser.

D'ailleurs, son attitude d'amoureux éperdu est soulignée par une gradation dans les didascalies des adjectifs "langoureux, "passionné" et "défaillant", aux lignes 12, 16 et 20, qui signalent le jeu affectif excessif du personnage.

De même, Éva paraît subjuguée par le charme de ce dernier, comme le montre la didascalie "éclate de rire", ainsi que sa première réplique : "Décidément vous me plaisez beaucoup".

Sa facilité à déclarer ses sentiments au jeune homme lui confère un caractère de jeune femme superficielle et naïve.

Par ailleurs, le jeu de cabotinage se poursuit de la part d'Hector, qui emploie avec expressivité tournures interrogatives, dans la réplique "Qu'est-ce qui vous plait chez moi ?", et apostrophe "Mon amour" pour manifester, presque de manière caricaturale, son sentiment.

Éva continue de minauder, comme on le voit grâce à sa réponse très affirmative et catégorique "Tout"' et à la didascalie suivante "elle lui fait un petit bonjour", censée masquer sa gêne.

Ce jeu entre les deux jeunes gens semble légèrement exagéré puisqu'ils accentuent leur séparation, alors qu'ils ont prévu de se revoir le soir même. C'est ce qui amène à penser que cet amour est défendu, comme dans bon nombre de comédies.

Les deux amoureux ne peuvent être ensemble, pour deux raisons, dont la première est leur différence de classe sociale.

En effet, Éva semble appartenir à la classe bourgeoise, comme le montre la présence de deux personnages censés la surveiller : "Lord Edgard" et sa "tante", évoqués à la ligne 13.

C'est pourquoi elle se méfie et met en garde Hector par des avertissements tels que "Attention", "c'est dangereux", "surtout" ou des verbes employés de manière négative comme "vous ne me connaissez pas" et "ne restons pas là" pour exprimer la défense.

Hector, lui, doit appartenir au bas peuple, comme peut l'indiquer la vulgarité de l'expression familière "du toc" à ligne 21.

La deuxième raison qui empêcherait leur amour, ce sont les convenances sociales.

Ainsi, le rendez-vous que donne Éva est clairement marqué par des signes de rébellion : l'horaire présenté grâce aux expressions redondantes "à ce soir" et "huit heures" et le lieu indiqué par le complément circonstanciel "au bar du Phoenix" ne sont ni un horaire ni un lieu convenable pour une jeune fille de bonne famille.

Le public assiste donc à l'élaboration d'un rendez-vous secret, qui confirme l'idée d'un amour défendu. Si cet extrait présente une thématique caractéristique des comédies traditionnelles, il concentre surtout des Éléments propres au genre de la comédie-ballet. II - La scène d'exposition du Bal des voleurs se distingue de la tradition comique par des éléments qui relèvent Très précisément de la comédie-ballet. Tout d'abord, cette scène est très musicale et même chorégraphiée, conformément au genre propre à Molière et Lully, puis Charpentier.

En effet, le vocabulaire de la musique est très présent dans ce texte : "orchestre", "il joue", "kiosque à musique", "clarinettiste" et "morceau" dans la première didascalie, "clarinette" à nouveau lignes 25 et 26, "roulement de tambour" aux lignes 33 et 34. L'orchestre prend d'ailleurs une valeur symbolique grâce à la présence d'un seul musicien, qui "figurera l'orchestre" dans la didascalie initiale, ce qui révèle son caractère artificiel, et donc artistique.

De plus, dans cette scène certains déplacements relèvent de la danse, de la chorégraphie Cette exposition regroupe quelques caractéristiques de la comédie-ballet.

Mais elle est avant tout parodique, car les indices de distanciation envers la comédie-ballet sont nombreux. Cette réécriture littéraire n'est pas seulement destinée à faire revivre un genre ancien en le modernisant : elle a avant tout pour but de faire rire, grâce à différents types de comique qui entrent en jeu. Tout d'abord, l'attitude des personnages est comique et révèle la présence des comiques de gestes et de mots.

Ainsi, le couple d'amoureux d'abord est un peu ridicule et leur jeu est exagéré.

Les didascalies concernant Hector le montrent amoureux, mais en même temps révèlent sa vraie nature de voleur, et c'est la didascalie qui évoque son physique qui le prouve "qui touche malgré lui ses moustaches et sa perruque" à la ligne 9.

La "perruque" et les "moustaches" tendent à montrer qu'il a quelque chose à cacher.

De plus, le complément circonstanciel 'malerélui"souligne son malaise.

La didascalie suivante est encore plus révélatrice de sa duplicité : "Il se penche sur sa main, mais tire subrepticement une loupe de bijoutier et en profite pour examiner les bagues déplus près".

Elle souligne ses véritables intentions.

Cet effet est accentué par le comique de mots et la répétition du nom "main", qui montre.... »

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