La Panne

« URRENMATT « C'est dans ce monde hant é seul ement par la panne, dans un monde o ù il ne p eut plus rien arriver sinon des pann es que no us nous avan çons dés ormais , a ve c des panneaux-ré clame to ut au lo ng de s es ro utes : "Chaus sur es Bal/ y ", "Studebak er ", " lce -Cr eam " et les petit s m onument s de pierre dressés , ic i ou là, à la m émoire des a ccident és.

» C'est ainsi que, dans la première partie de l ' ouvrage, l'auteur explique son titre et le choix de son sujet.

« La grande table ronde était fastueusement dressée ( ...

) pour le festin.

» Illustrations de Rolf Lehmann La Panne Un jeu dangereux T rès court, ce roman se compose de deux parties, dont l'une, très brève, constitue une sorte d 'introduction.

L'auteur y explique que les seules « histoires possibles » pour un écrivain aujourd'hui, dans un monde où l'on ne connaît plus « la crainte de Dieu, d'une Justice immanente, d'un Fatum comme dans la Cinquième symphonie », sont des récits d'accidents ou de pannes, quand« la malchance sans le vouloir va déboucher dans l'universel ».

C'est effectivement une panne qui amène Alfredo Traps, petit industriel dans le textile, à passer sa soirée chez des hommes de robe -magistrats, avocat et bourreau - à la retraite, et dont le grand jeu consiste à improvi­ ser des procès.

L'idée d'être jugé au cours d'un joyeux festin amuse d'abord Alfredo.

Tout en goûtant Je vin et les mets succulents qu'on lui sert, il se met à raconter sa vie.

Ses confessions amènent rapidement ses juges à l'accuser d'homicide.

Il aurait même, selon eux, commis un crime parfait en provoquant la mort de son chef direct et rival, dont il a auparavant séduit l'épouse.

L'invité d'un soir entre tellement dans le jeu de ses juges et compagnons de table, qu'il est bientôt fier d'être l'auteur d'un si beau crime.

Il reproche même à son avocat, qui prétend que l'accusé est incapable de tuer, de vouloir minimi­ ser son acte ! La condamnation est signée après le dessert, tandis que Je champagne pétille dans les coupes.

Mais au petit matin, Alfredo est retrouvé pendu dans sa chambre.

Une parodie de la justice M agnifiquement construit et enrichi de détails picturaux et gastronomiques, où perce l'ironie de l'auteur, cette sorte de roman policier philoso­ phique comporte une subtile analyse de l'acte criminel.

A travers la bouche du procureur d'une part et de l'avocat d'autre part, )'écrivain nous offre en effet une double interprétation du meurtre dont Alfredo est accusé et qui est présenté tantôt comme un calcul machiavélique, voire l'exploit nietzschéen d'un surhomme, tantôt comme le résultat dérisoire, quasi invo­ lontaire, d'ambitions mesquines.

Quant aux motifs du suicide final, ils sont laissés à l'imagination du lecteur.

A l'issue d'un procès simulé par d'allègres magistrats à la retraite, qui jouent certains soirs à professer leur ancien métier, un médiocre bourgeois italien est condamné pour meurtre.

Et se pend.

« Avec le poisson, le premier vin fut servi.

». »