LA MAGIE.

« A) On peut donner deux définitions de la magie a) La magie est l'ensemble des représentations ou actions qui mettent en jeu des forces occultes, soit extérieuresaux forces naturelles, soit étroitement associées ou même confondues avec elles ;b) C'est l'ensemble des croyances d'après lesquelles certains rites déterminés, gestes ou paroles, sont susceptiblesd'agir efficacement sur les choses ou sur les êtres, voire sur les dispositions morales des individus. B) Magie et technique Le comportement magique paraît en opposition avec le comportement technique.

Dans ce dernier il y a utilisationrationnelle des moyens en vue d'une fin, et dans le deuxième une activité qui paraît extra-rationnelle.

C'estl'impression que soulignent tous les ethnographes qui s'étonnent qu'elle ait pu coexister avec le premiercomportement et que son inefficacité n'ait pas frappé l'esprit de l'homme primitif.

A ceci il convient d'objecter :1) Que l'inefficacité ne peut jamais être constatée : vu la multiplicité des éléments mis en jeu, l'échec peut toujoursêtre attribué à l'un d'entre eux (c'est ce que traduit la circonspection des Romains lorsqu'ils s'adressent à leur dieu :« Jupiter, ou s'il te plaît d'être appelé de tout autre nom ») ;2) Que la magie comme la technique fait intervenir le principe de causalité, mais sous la forme de la causalitévolontaire. C) Magie et Religion Les sociologues et en particulier Durkheim soulignent la parenté de la magie et de la religion primitive.

En effet, ilfaut voir dans la magie la conception d'un nouveau système de relations : les relations par sympathie ; les sujets sesoumettent les forces occultes par assimilation, c'est-à-dire par une fusion qui tend à les rendre semblables les unsaux autres.

Cette action est donc attractive ; elle est conçue par analogie avec les rapports de sympathie oud'amour qui unissent les consciences.

Enfin il y a dans la magie croyance en une participation directe de l'homme ausurnaturel.Cependant M.

Pradines remarque avec raison contre Durkheim que toute religion, même le paganisme, se constituecontre la magie : c'est le sens du mythe de Prométhée condamné par Zeus pour avoir livré à l'homme le feu, signede la puissance de Zeus.

En effet dans la magie l'homme utilise un pouvoir surnaturel pour des fins pratiques etintéressées.

La vie religieuse au contraire commande le renoncement au fidèle. D) Problème de l'origine de la magie Plusieurs explications ont été proposées :a) Explication d'Essertier.

— L'homme dépassé par les éléments cosmiques essaie de se les concilier par tous lesmoyens, même les plus déraisonnables ; c'est donc la peur qui lui dicte sa conduite.

Mais comme le remarque M.Pradines cette explication paraît forgée après coup, car c'est l'homme instruit par la science que les événementsdébordent ; le primitif, lui, semble de plain-pied avec eux.

D'autre part, du moment qu'ily a essai d'action sur les forces occultes, la peur est surmontée : ce n'est pas le magicien ou le sorcier qui a peur,c'est le profane ;b) Explication de Durkheim.

— La magie serait d'origine sociale, car elle assure par son ésotérisme la cohésion ducorps social.

Mais, objecte M.

Pradines, l'ésotérisme n'est qu'une conséquence du comportement magique et non safin.

D'autre part, ce comportement peut entraîner des pratiques antisociales, tel l'érémitisme ;c) Explication de Frazer.

— Il faudrait voir dans l'association des idées l'origine psychologique de la magie.

En effetcertains rites magiques comme l'envoûtement, la conservation des reliques, etc., semblent reposer sur les lois del'association (contiguïté et ressemblance).

Mais M.

Pradines répond à cela que l'animal qui a des associations n'aaucun comportement magique et que certaines pratiques magiques vont à l'encontre de l'association.

Ainsi jamais lamaladie n'est associée à la mort, mais à un charme ou à un « mauvais oeil ».

Le propre de l'esprit magique n'est pasde se soumettre à l'expérience sensible, mais de résister à l'évidence des sens : « La vraie source du rite mimétiqueest dans la foi complètement absente de l'association en une affinité spirituelle qui relie le mime aux forcesextérieures.

»Nous retrouvons donc à propos de la magie l'idée déjà avancée à propos de la technique : l'une comme l'autresuppose une véritable mutation vers l'humain : la magie représente la première prise de conscience de l'existencedes forces spirituelles ; en ce sens elle travaille comme la technique à préparer les formes supérieures de l'activitéhumaine : la science et la religion.. »