La censure ?

« CORRIGÉ La censure peut être exercée par une instance politico-judiciaire sur un individu mais aussi par un être humain sur lui-même.

Freud, unmédecin viennois, a pu observer les effets de la censure sociale dans l'Autriche-Hongrie d'avant la Première Guerre mondiale.

Endéfinissant la censure psychanalytique, il prend appui sur une analogie entre la censure sociale et la censure exercée par l'individu sur sespulsions.

Existe-t-il donc une structure commune entre ces deux phénomènes ? Nous tenterons d'envisager cette difficulté en sériant lesproblèmes et en envisageant l'un après l'autre les deux domaines considérés. I.

La censure sociale 1.

DéfinitionComme institution sociale, la censure constitue une institution administrative au sens où l'administration définit un aspect institutionnel del'Etat.

La censure relève surtout de l'exécutif dans ses rapports avec l'idéologie qui lui donne sa légitimité.

Emanant d'un organismeadministratif, elle assume donc une fonction policière.

2.

La censure et la liberté d'expressionLa censure surveille surtout la publication ou la diffusion de productions à caractère intellectuel ou idéologique.

Ainsi, l'Eglise catholique mitau point un Index — ou catalogue de noms — des ouvrages défendus pour non-conformité au dogme, à la doctrine.

Il est clair que lacensure entre alors en conflit avec le concept de liberté d'expression puisqu'elle subordonne la création aux exigences d'une normeédictée par une idéologie restreinte.

De manière plus générale, la censure politique émane d'une commission qui délivre des autorisationsou édicté des interdictions.Elle s'exerce sur les écrits.

Ainsi, au XVIII e siècle, les textes de Sade furent-ils censurés; plus près de nous, le deuxième roman de Céline, Mort à crédit, a-t-il paru censuré, autrement dit certains paragraphes étaient portés en blanc, non imprimés parce que considérés comme choquants ; plus récemment encore, Boris Vian joua sur les effets publicitaires de la censure en écrivant en quinze jours un best-seller, J'irai cracher sur vos tombes, destiné à concurrencer la toute nouvelle Série noire : l'ouvrage fut condamné et le scandale fit monter en flèche le chiffre des ventes.

La chanson « Le Déserteur » fut aussi longtemps interdite sur les ondes.De nos jours, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel, CSA, surveille les productions audiovisuelles.

Il incrimine souvent un peu rapidementles programmes violents en repérant un lien parfois contestable entre la violence médiatique et la criminalité effective des adolescents...Mais la recherche toute récente d'une «puce» antiviolence venue du Canada souligne à l'évidence la difficulté à définir une échelle deviolence — en fonction de quel critère, lié à tel ou tel état de la culture, du comportement individuel, etc.

peut-on considérer unprogramme comme violent ou tolérable ?...

La question n'a pas été posée en amont lorsque, en France, les téléspectateurs ont vus'afficher sur leur écran un logo vert, orange ou rouge, signalant le degré de violence fixé par la commission de contrôle.

3.

La commission de censure, émanation de l'EtatEn fait, la commission de censure permet à l'Etat d'exercer un pouvoir judiciaire détourné notamment sur certaines productionsiconoclastes; ainsi, le gouvernement français n'a pas hésité à faire suspendre une émission qui ignorait le «politiquement correct», et quicommit l'imprudence de caricaturer le parti au pouvoir en parodiant un film américain (Pulp fiction).

Il existe donc un empiétement de fait du politique sur le judiciaire par le biais de ces organes administratifs.

En Belgique, l'affaire Dutroux a, en partie, contribué à discréditer laclasse politique.

De manière plus perverse, l'instance politique peut aussi chercher à noyauter certains organismes médiatiques —autrefois la télévision était manipulée par l'Etat; de nos jours, les nominations des directeurs de l'information trahissent le jeu latent desforces occultes qui visent à niveler le niveau des émissions et contreviennent à l'impératif d'information et d'éducation propres à toutedémocratie...

TransitionQuoi qu'il en soit, le droit punit les actes — et non les intentions, au grand regret d'un romancier comme Mauriac pour qui bien desindividus étaient responsables de crimes en esprit, par manque de fraternité et de charité chrétienne.

Donc, les créateurs, écrivains oucinéastes par exemple, peuvent très bien déguiser leur message afin de ne pas choquer le censeur; c'est, d'ailleurs, un jeu auquelVoltaire excellait au XVIII e siècle. Mais l'inconscient, lui, censure l'intention et inhibe parfois même tellement les êtres humains qu'il crée de profonds déséquilibrespsychiques. II.

La censure en psychanalyse 1.

DéfinitionFreud définit la censure psychanalytique par analogie avec la censure sociale.

En effet, pour lui, le moi a tellement bien intégré lesdéfenses émises par le surmoi qu'il exerce une pression, appelée refoulement sur le ça et lui interdit de s'exprimer de manière directe.

Le ça ne peut donc s'exprimer que de façon indirecte, cryptée.

Le refoulement suppose l'existence d'une censure analogique de la censure sociale.2.

Du visible à l'invisibleDepuis la nuit des temps, il existe des clefs des songes qui visent à interpréter les rêves dans une perspective magique mais aussireligieuse; ainsi, dans la Bible, le jeune Joseph explique à Pharaon qu'il a rêvé de sept vaches grasses et de sept vaches maigres car sonpays, l'Egypte, doit connaître sept années de prospérité suivies d'autant d'années de pénurie — si nous pouvons risquer cetanachronisme...

En fait, le rêve est censé relier l'homme à un sens supérieur.

Pour Freud, l'instinct sexuel donne sa dynamique aufantasme qui ne parvient à s'exprimer, dans le rêve, que de façon détournée.

La cure psychanalytique utilise le rêve de manière à réduirela pression du refoulement.3.

L'ambiguïté de l'inconscientEn fait, qui exerce une censure sur l'inconscient dans la théorie freudienne? Comment s'élabore le rapport complexe entre le moi et lesurmoi? La relation est tout aussi obscure que les interprétations diverses et variées de la loi — morale ou politique — selon les différentssystèmes dominants.

L'inconscient, c'est le refoulé, le latent — tout ce qui, en somme, constitue un réservoir d'images, de représentationsoniriques.

En fait, il existe un rapport trouble entre le ça et le surmoi — de même que se noue une relation équivoque entre la morale etl'obsession de l'immoralité. Conclusion : le rapport de la censure à la création ;— artistique ou fantasmatique, mais l'une ne va pas sans l'autre — s'avère complexe, l'une se nourrissant de l'autre...

Donc, en fait, il semble bien exister un rapport analogique entre la censure politique et la censure ausens psychanalytique du terme.

Au croisement des deux se trouve tout simplement l'art qui procède à une sublimation du fantasme et àun détournement de l'interdit.. »