La carrière de Claudel

« A dix-huit ans, une révolution intérieure apaise les inquiétudes du jeune Claudel et fixe le sens de son destin.

Sousle signe de la foi catholique, il va élaborer, pendant les loisirs que lui laissent ses fonctions de diplomate, une oeuvrepoétique et dramatique d'une ampleur immense, couronnée dans sa vieillesse par des triomphes. L'ADOLESCENT INQUIET (1868-1890) Paul Claudel est né à Villeneuve-sur-Fère, dans l'Aisne.

Sa famille se fixe à Paris en 1882.

Il fait ses études au lycéeLouis-le-Grand.

Jusqu'à l'âge de dix-huit ans, il vit dans un climat d'incertitude spirituelle : « Que l'on se rappelle cestristes années quatre-vingts, l'époque du plein épanouissement de la littérature naturaliste.

Jamais le joug de lamatière ne parut mieux affermi.

» Il finit par tomber « dans un état de désespoir » (Ma Conversion, 19o9; repris dansContacts et Circonstances, 1940). En juin 1886, cependant, il découvre l'oeuvre de Rimbaud, dont il subit « l'ensorcellement » : « La lecture des Illuminations, puis, quelques mois après, d'Une Saison en enfer, fut pour moi un événement capital.

Pour la premièrefois, ces livres ouvraient une fenêtre dans mon bagne matérialiste et me donnaient l'impression vivante et presquephysique du surnaturel.

Mais mon état habituel d'asphyxie et de désespoir restait le même.

» Le 25 décembre 1886, pendant les vêpres de Noël, à Notre-Dame, aux accents du Magnificat, se produisit le chocdécisif : « J'étais debout dans la foule, près du second pilier, à l'entrée du choeur, à droite, du côté de la sacristie...En un instant, mon coeur fut touché et je crus.

Je crus, d'une telle force d'adhésion, d'un tel soulèvement de toutmon être, d'une conviction si puissante, d'une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute, que,depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d'une vie agitée n'ont pu ébranler ma foi, ni, à vraidire, la toucher.

» Il dut pourtant lutter quatre ans, ajoute-t-il, pour mettre son esprit d'accord avec son coeur etpour adhérer au dogme. LE DIPLOMATE ET L'ÉCRIVAIN (1890-1935) En 1890, Paul Claudel est reçu premier au concours des Affaires étrangères : désormais,il va mener de front unedouble carrière de diplomate et d'écrivain.

Il séjourne aux États-Unis, puis, pendant quatorze ans, en Chine, commeconsul.

Nourri de la Bible, de la liturgie, des tragiques grecs, de Shakespeare, il consacre ses loisirs à la poésielyrique ou dramatique. Les premières oeuvres écrites pour le théâtre sont marquées par sa conversion et par l'influence symboliste.

Têted'or (1889), La Ville (1890), L'Échange (1893), Le Repos du septième jour (1896) traduisent, par l'intermédiaire depersonnages allégoriques, les convictions de l'auteur : désespoir de l'homme sans la grâce; faillite de la cité sansDieu; unité fondamentale du genre humain; sérénité de l'âme dans la prière. En 1900, Claudel publie un recueil de poèmes en prose inspirés par la Chine, Connaissance de l'Est.

La même années'ouvre dans sa vie une crise importante.

Sur le bateau qui le ramène en Extrême-Orient, il rencontre une femmemariée, une Polonaise, dont il s'éprend violemment.

Après cinq ans de lutte cruelle, il renonce à cet amour et fondeun foyer.

Ce drame intime est évoqué dans une nouvelle pièce de théâtre, Partage de Midi (1906); on en perçoit leséchos dans les Cinq Grandes Odes (191o), son chef-d'oeuvre poétique, et jusque dans Le Soulier de satin.

L'Otage(19w), L'Annonce faite à Marie (1912) marquent deux épisodes décisifs de son activité dramatique.

Le Pain dur(1914) et Le Père humilié (1916) constituent, avec L'Otage, une trilogie qui, étalée sur trois générations, montre lesrépercussions de la crise révolutionnaire sur les plans spirituel, politique et social.

Claudel donne aussi libre cours àsa verve comique dans deux farces lyriques, Protée (1913) et L'Ours et la Lune (1917). L'Annonce faite à Marie. L'action se déroule au début du XVe siècle, dans une ferme du Tardenois.

Une jeune fille, Violaine, a, par pitié,donné un baiser au lépreux Pierre de Craon, le constructeur d'églises (Prologue).

Son père, Anne Vercors, décidé àpartir en pèlerinage, cède sa place au laboureur Jacques Hury et lui donne en mariage Violaine (Acte I).

Mara, soeurde Violaine, est amoureuse de Jacques; elle lui raconte, à sa manière, l'histoire du baiser et tâche d'éveiller sajalousie.

Jacques refuse d'abord de la croire; mais Violaine lui montre, sur sa chair, une trace de lèpre et il la maudit.Violaine ne tente même pas de se disculper et se retire dans une ladrerie (Acte II).

Mara épouse Jacques; ils ontune fille, mais l'enfant meurt.

Mara va trouver Violaine et lui tend le cadavre, que la sainte ranime miraculeusement(Acte III).

Anne Vercors, au retour de Jérusalem, a découvert Violaine dans une sablonnière, écrasée sous unecharrette.

Mara avoue qu'elle a tué sa soeur, parce que son mari ne pensait qu'à elle.

Jacques pardonne au nom deViolaine, dont la mission est de tout réunir, tandis que la cloche des soeurs sonne l'angélus dans la paix du soir(Acte IV). L'Otage. L'action se déroule sous l'Empire.

Sygne de Uotifontaine, une jeune fille de vieille noblesse, a échangé sa foi avecson cousin Georges, un proscrit qui s'est mis au service de son roi en exil.

Un soir de 1812, Georges se présentechez sa cousine, accompagné du pape Pie VII, qu'il vient d'arracher à ses ennemis.

Le pape accepte l'asile qui luiest offert (Acte I).

Mais Toussaint Turelure, un fils de braconnier, qui est devenu préfet de la Marne, est chargé derechercher le pape.

A Sygne, qu'il désire, il pose une alternative : si elle l'épouse, Georges et le pape serontépargnés; sinon, ils seront perdus.

Après une entrevue avec le curé Badilon, Sygne se résout au mariage (Acte II).En 1814, Louis XVIII, qui médite de restaurer la monarchie, envoie Georges comme négociateur auprès du préfet.

En. »