Kant: Quand Galilée fit rouler ses sphères

« Kant: Quand Galilée fit rouler ses sphères Quand Galilée fit rouler ses sphères sur un plan incliné avec un degré d'accélération dû à la pesanteur déterminéselon sa volonté, quand Torricelli fit supporter à l'air un poids qu'il savait lui-même d'avance être égal à celui d'unecolonne d'eau à lui connue,...

ce fut une révélation lumineuse pour tous les physiciens.

Ils comprirent que la raisonne voit que ce qu'elle produit elle-même d'après ses propres plans et qu'elle doit prendre les devants avec lesprincipes qui déterminent ses jugements, suivant des lois immuables, qu'elle doit obliger la nature à répondre à sesquestions et ne pas se laisser conduire pour ainsi dire en laisse par elle ; car autrement, faites au hasard et sansaucun plan tracé d'avance, nos observations ne se rattacheraient point à une loi nécessaire, chose que la raisondemande et dont elle a besoin.

Il faut donc que la raison se présente à la nature tenant, d'une main, ses principesqui seuls peuvent donner aux phénomènes concordants entre eux l'autorité de lois, et de l'autre l'expérimentationqu'elle a imaginée d'après ces principes, pour être instruite par elle, il est vrai, mais non pas comme un écolier qui selaisse dire tout ce qu'il plaît au maître, mais au contraire comme un juge en fonctions qui force les témoins àrépondre aux questions qu'il leur pose. Vous vous efforcerez de dégager l'intérêt philosophique de ce texte à partir de son étude ordonnée.

CONSEILS PRÉLIMINAIRES 1.

Le texte met l'accent sur l'importance de la Raison dans la constitution d'une science.

Mais cet accent ne doitpas faire oublier que pour Kant il ne saurait exister de connaissance réelle en dehors de l'expérience.

L'expérienceinstruit la Raison nous dit le texte.

Il faudra sans doute préciser la nature de cette instruction. 2.

Attention au mot nature qui est pris ici dans son sens kantien : système de phénomènes organisé suivant deslois. 3.

Un mot peut facilement passer inaperçu dans le texte : le mot imaginer (« l'expérimentation qu'elle a imaginéed'après ces principes »).

Ce mot est important car l'imagination a toujours, pour Kant, une fonction de médiationentre l'intelligible et le sensible.

Or la question du rapport que la science effectue entre la Raison et l'expérience estau centre du texte. PLAN I.

— La science est une pensée systématique et rationnelle. II.

— L'expérience instruit la Raison scientifique. III.

— L'expérimentation et la fonction médiatrice de l'imagination. Conclusion.

— La science, dialogue de la Raison et de l'expérience. Une science n'est pas constituée par une collection de comptes rendus d'expériences.

Elle se présente d'abordcomme une théorie, c'est-à-dire comme un système de relations générales, de lois.

Cela signifie que l'expériencenaïve, la constatation, ne saurait être le seul moteur du développement d'une science, mais qu'elle doit êtreconstamment organisée, construite, guidée par des principes théoriques. C'est ce que constate E.

Kant, dans la préface de la 2e édition de la Critique de la Raison pure.

La théoriescientifique est système rationnel : il faut donc, pour la constituer, que la Raison prenne le pas sur l'expérience,qu'elle anticipe ses résultats et s'interroge sur ce qu'elle veut savoir. Mais la Raison doit elle-même être instruite par cette expérience.

S'il est vrai qu'en science la théorie préside àl'expérimentation, il n'en reste pas moins vrai que l'expérience la renseigne sur un objet qu'elle ne saurait elle-mêmeconnaître a priori.

C'est de ce dialogue entre l'expérience et la Raison pure que Kant essaie de dégager le sens.Essayons d'en préciser l'organisation interne.

La notion d'expérimentation nous semble être le concept central de ce texte.

Expérimenter, ce n'est pas se laisserguider par l'objet, l'accueillir passivement ; c'est d'abord construire un appareillage spécifique qui n'est jamaisrencontré dans la nature : « Quand Galilée fit rouler ses sphères sur un plan incliné avec un degré d'accélération dûà la pesanteur détermine selon sa volonté (...).

» L'expérimentation scientifique, au contraire de l'expérience banale,est artificiellement produite par la volonté du savant. Cette organisation volontaire de l'expérimentation repose nécessairement sur une prévision, une anticipation desrésultats attendus de cette expérience. En ce sens, une expérimentation ne saurait rien nous apprendre que nous n'attendions d'elle.

L'expérimentation est. »