Jean Froissart1333-vers 1401Lorsqu'on pense aux chroniqueurs de notre Moyen Âge,
Publié le 23/05/2020
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Jean Froissart
1333-vers 1401
Lorsqu'on pense aux chroniqueurs de notre Moyen Âge, un nom vient tout de suite de
préférence et comme de lui-même à l'esprit, celui de Jean Froissart, et c'est justice : non
seulement sa Chronique est, de toutes, la plus étendue et celle qui a eu le plus de succès,
celle qui a été représentée dans les bibliothèques seigneuriales par le plus grand nombre
de manuscrits et les plus richement enluminés, mais encore aucun auteur n'a été au même
degré que lui le fidèle interprète de ce milieu féodal et chevaleresque dont l'image vibrante
s'anime tout naturellement devant nous avec tout le pittoresque d'un film lorsque nous
nous replongeons dans le lointain passé médiéval.
D'autres ont illustré avant lui ce genre
de la chronique écrite en français, qui a laissé dans nos anthologies des pages si
savoureuses, à commencer par l'écrivain homme d'action, qu'on peut légitimement
nommer l'initiateur, Geoffroy Villehardouin, apologiste non toujours désintéressé, mais
sans cesse primesautier et éloquent, de la quatrième croisade, et sans omettre non plus ce
délicieux Joinville qui a peint, dans ses admirables Mémoires , de si jolies scènes de la vie
édifiante de notre glorieux roi Saint Louis ; d'autres, à la génération suivante, mettront en
belle prose des récits attachants et colorés, tels ceux de Jean Cabaret d'Orville ou du
Bourgeois de Paris, échos respectivement de la vie militaire et de la vie quotidienne à
travers les phases les plus tragiques de la guerre de Cent ans, tels ceux surtout de
l'incomparable Philippe de Commynes, qui joint la profondeur du psychologue à la vertu
d'un écrivain-né, en attendant la Renaissance et entraînant Monluc : dans cette riche
galerie, dont la suite ininterrompue tient une si large place dans l'ensemble de notre
histoire littéraire, Froissart mérite une estime exceptionnelle, parce qu'il est, de tous, le
plus représentatif.
“ On m'appelle, qui tant me voet honnerer, sire Jehan Froissart, net de la conté de Haynaut,
et de la bonne, belle et friche ville de Valenciennes.
” C'est dans ces termes, où le culte de la
petite patrie transparaît de façon vraiment émouvante, que notre auteur se présente
lui-même et nous fait connaître, ainsi que le ferait un moderne, ce que nous appellerions
aujourd'hui son état civil.
Valenciennes était, en effet, la ville natale de cet enfant du Hainaut.
Elle s'en est souvenue
en 1937, pour célébrer le sixième centenaire de l'illustre Hennuyer : un beau volume
commémoratif, où l'on trouvera, sous forme de reproductions sélectionnées, de
magnifiques spécimens des miniatures qui ornent les principaux manuscrits de la
Chronique , a paru à cette occasion.
En réalité, Froissart avait vu le jour en 1333, puisqu'il
nous dit, en 1390, qu'il a cinquante-sept ans et travaille à son ouvrage depuis trente-sept
ans.
Il faut déduire de ce passage non seulement la date de sa naissance, mais encore le fait
très instructif pour nous qu'il a commencé à écrire à l'âge de vingt ans.
Il appartenait à une famille aisée : aussi bien s'expliquerait-on mal, s'il en était autrement,
la facilité avec laquelle, dès son jeune âge, il s'est déplacé à travers le vaste monde.
Plus
tard, le succès aidant, et grâce à une célébrité brillamment acquise, ce grand “ reporter ” a
été reçu et hébergé par les plus illustres représentants de la noblesse du XIVe siècle ; mais,
à ses débuts, il a bien fallu qu'il consentît à faire lui-même les frais de ses chevauchées : pas.
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