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IDÉOLOGIE

Publié le 06/12/2021

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IDÉOLOGIE_____________________________________

On aurait beaucoup de difficultés à recenser toutes les acceptions parfois opposées dans lesquelles le terme est pris aujourd'hui : l'homme politique l'emploie pour désigner la doctrine de son adversaire en l'opposant à la science et à la rationalité ; le socio­logue l'utilise sans intention péjorative pour qualifier tout ensemble structuré de représentations au sein d'une société. Une approche historique permet seule de mettre au jour les problèmes posés par un tel concept.

Destutt de Tracy désignait sous ce nom la science ayant pour objet l'étude génétique des idées dont Condillac avait donné les premiers éléments ; par « idéologues «, on entend les partisans de l'idéologie, c.-à-d. tous ces philosophes qui se réunissent dans le salon de Mme d'Helvétius (Cabanis, Volney, Garat, Sieyes, Laromiguière) et sont les derniers partisans des Lumières. En les qualifiant lorsqu'ils s'opposent à lui de « doctrinaires en chambre s, Bonaparte introduit les connotations péjoratives et politiques du terme. C'est à partir de là que Marx élabore véritablement la notion, tout en renforçant la connotation péjorative du concept dont il se sert (Idéologie allemande), pour qualifier les théories idéalistes de certains néo-hégéliens.

1. Le matérialisme historique

Dans l'Idéologie allemande, c'est du matérialisme historique, qui confronte la philosophie allemande à la réalité alle­mande, que la critique des représentations dont sont constitués non seulement la philosophie, mais aussi la religion, la politique, le droit et la science tire sa valeur explica­tive. L'autonomie desidées et de la pensée dont part l'idéa­lisme hégélien, et en fin de compte tout l'idéalisme, est une illusion sui recouvre l'inconscience de leur processus concret de constitution. La production des idées est tout entière déterminée par la réalité. La représentatioh est émanation directe du comportement naturel des hommes, reflet, écho idéologique (c.-à-d. idéal) de ce processus vital.

Dès lors on peut concevoir comme suit les déterminations essentiellement négatives de l'idéologie :

1 — L'idéologie n'a pas d'histoireropre : il n'y a pas d'histoire autonome des idées. Leur développement est lié à l'histoire des hommes.

2 — L'idéologie est une conscience fausse : elle fait dépendre la vie réelle de la conscience d'un sujet imaginaire. Constituée par l'ensemble des justifications ou des habitudes par lesquelles l'homme social se comprend autrement qu'il n'est, elle est une véritable inconscience des conditions réelles de son existence.


3 — L'idéologie est une erreur : le rapport réalité/représen-tation a été inversé. Cette inversion a d'ailleurs été rendue possible par l'absence d'une science réelle, positive, partant de prémisses réelles (les hommes producteurs) et capable de constituer une représentation sociale objective.

4 — La production de l'idéologie est inévitable dans une réalité sociale qui entérine la division du travail, « puisqu'à partir de ce moment, la conscience peut vraiment s'imaginer qu'elle est autre chose que la conscience de la pratique existante et qu'elle représente quelque chose sans représenter quelque chose de réel «.

2. Une théorie des idéologies

Les problèmes sous-jacents à la notion ainsi constituée ont entraîné la construction d'une théorie des idéologies. Une telle théorie devrait permettre :

1 — d'expliquer comment les idéologies sont produites ;

2 — de décider si un ensemble donné de représentations est une idéologie ;

3 — de montrer comment on peut passer d'une idéologie à une représentation correcte du réel.

Ce programme ambitieux est suscité par l'ceuvre de Marx ; le matérialisme historique répond au premier point : dans une société où il y a division du travail et lutte de classes, c'est la réalité elle-même qui produit l'idéologie ; on répond au second point en posant que toute représen­tation qui contredit explicitement le matérialisme historique (une philosophie idéaliste par exemple) est idéologique ; le troisième point va alors de soi : dès qu'une représentation est saisie comme idéologie, elle disparaît d'elle-même (c'est pourquoi l'idéologie est inconscience) : il suffit ainsi de concevoir que Dieu est une représentation issue de l'action de la réalité sociale sur le cerveau humain, pour qu'il apparaisse bien qu'il ne puisse être le créateur du monde.

Le développement de certains points conduit cependant à de graves difficultés :

a — Le concept marxien de représentation est assez fruste : « Si la pensée n'est que la réflexion du mouvement réel transporté et transposé dans le cerveau de l'homme «, on s'explique mal que l'univers symbolique, simple super­structure, possède des lois et une effectivité propres.

b — Si l'idéologie est produite nécessairement dans des circonstances historiques données, il faut bien aussi qu'en dépit de son caractère illusoire, elle ait quelque utilité et quelque efficacité.

c — Tout cela conduit en outre à lier la valeur d'une repré­sentation, à son origine sociale, voire dans le cas où elle est particulière à un groupe, au rôle de ce groupe dans la société. C'est ainsi que l'idéologie politique d'iule classe


reflète les intérêts de cette classe (Marx notait à ce propos que l'idéologie de la classe dominante a tendance à devenir l'idéologie dominante ; par là elle est un moyen de domi­nation). De là on conclut facilement que toute idéologie possède un rôle politique, et qu'elle tient son caractère idéologique de ce rôle.

On pourrait supposer que (a) demande une simple élabo­ration ultérieure ; mais si on reconnaît un ordre propre de la pensée, ne doit-on pas y inclure des critères du vrai ? Or le point (c) invite à faire dépendre la valeur épistémologique d'une représentation de son origine sociale, ce qui conduit au relativisme et à l'historicisme. C'est ainsi qu'on a parfois soutenu qu'il existait une science bourgeoise et une science prolétarienne. Qu'entend-on alors par science, peut-il se faire qu'un changement dans les rapports sociaux entraîne une révision des mathématiques et de la physique ? L'éco­nomie politique libérale est-elle par son origine même une idéologie ? Ce sont ces difficultés qui amènent souvent à utiliser le terme en un sens qui, loin de développer toutes les déterminations du concept, se limite à une seule d'entre elles. Par exemple, en référence au point (c), on nomme idéologie tout système de représentations ayant un but pratique (lorsqu'on parle d'idéologie prolétarienne, le terme n'a vraisemblablement pas sa connotation péjorative). La question est alors de savoir si une théorie générale des idéologies est possible.

3.   La pensée contemporaine

Elle s'est particulièrement attachée à élaborer une théorie des idéologies, voire simplement à analyser la notion. Ce travail s'est toujours effectué dans la perspective posée par Marx, quand bien même il est réalisepar des auteurs de tendance libérale (par exemple R. Aron). On en retiendra deux tentatives :

1 — K. Mannheim distingue une conception partielle et parti­culière ( p o 1 émique) de l'idéologie déterminée comme « pensée politique de l'autre «, d'un concept, total et général. Ce dernier désigne un processus universel auquel toutes les formes de pensees politiquement engagéesparticipent. En ce sens, idéologie signifie donc, non mystification et erreur, mais transformation des catégories de pensée en fonction d'une perspective particulière. Cela implique historicisme et relativisme ; pour garder la science de ce relativisme, Mannheim distingue origine et détermination sociale (cf. Idéologie et utopie, 1929), cette dernière seule impliquant une dévalorisation épistémologique, caractéristique de l'idéologie. L'idéologie s'oppose ainsi à la science, mais on peut légitimement demander où trouver des critères effectifs de distinction.

2 — L. Althusser (Pour Marx, 1965) lie la fonction pratico-sociale de l'idéologie à sa fonction théorique et envisage essentiellement le rapport de l'idéologie à la science. La


science se construit toujours contre une idéologie (avec Marx, la science de l'histoire se construit contre la philo­sophie de l'histoire), mais aussi à partir d'une idéologie ou pratique théorique pré-scientifique qui constitue sa préhistoire. La discontinuité qualitative que matérialise la « coupure épistémologique «, en assurant le passage de l'idéologie à la science, révèle le passé d'une science comme idéologie. Lorsque dans un travail ultérieur (cf. La Pensée, n° 151, 1970), il fait de l'idéologie un rapport imaginaire des individus à leurs conditions réelles d'existence, Althusser est encore conduit à l'opposer à la science. De cette opposition, il ne retient pas seulement ce qui fait de l'idéologie une connaissance illusoire, mais remarque que toujours elle se réfère exclusivement à la conscience et pose la connaissance comme rapport entre conscience et réalité. La problématique de l'idéologie est donc différente de celle de la science qui se caractérise par l'absence de sujet. Plutôt que représentation fausse du réel, elle est représentation exacte d'un rapport illusoire à la réalité. Par là, si la théorie des idéologies échappe à l'historicisme, elle ne peut avoir sa place que dans une théorie de la science ; épistémologiquement, c'est s'engager dans le problème délicat et peut-être illusoire des critères de scientificité, et politiquement c'est peut-être laisser place à un dogmatisme théorique.

 

Plus qu'un concept déterminé, l'idéologie apparaît comme un thème de reflexion ; c'est cet aspect probléma­tique et riche en difficultés philosophiques qui explique sans doute les ambiguïtés relevées dans l'emploi usuel du terme.

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