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Explication linéaire : acte I, scène 1, la scène d’exposition, Molière, Le Malade imaginaire (1673).

Publié le 22/03/2024

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« Explication linéaire : acte I, scène 1, la scène d’exposition, Molière, Le Malade imaginaire (1673). Le Malade imaginaire est la dernière pièce mise en scène et jouée par Molière avant sa mort quelques heures après sa représentation.

Cette comédie met en scène un personnage hypocondriaque et abusé par ses médecins qui arrange un mariage entre le fils de l’un d’eux, destiné à embrasser une carrière de médecin, et sa fille, pour ses propres intérêts. Il s’agit ici de la scène d’exposition où Argan se trouve seul sur scène et fait ses comptes. L’intérêt est à la fois de présenter le personnage et les thèmes principaux de la pièce en créant une atmosphère comique.

Nous nous demanderons en quoi cette scène d’exposition est comique. Seront étudiés trois mouvements : d’abord un monologue comique puis la surenchère de prescriptions et de frais médicaux et enfin un vieillard comique. I- Un monologue comique (l.1 à 9) Cette scène est bien un monologue puisqu'Argan est seul en scène : la didascalie initiale indique qu'il est « seul dans sa chambre » (l.

1).

Cette didascalie est surprenante en raison de la précision finale : « il fait, parlant à lui-même, les dialogues suivants » (l.2).

Cela implique un dédoublement du personnage étonnant et d’emblée assez comique. Le monologue se présente comme un dialogue fictif avec l’apothicaire M.

Fleurant, puisqu’Argan semble lui donner la parole en lisant tout haut certains passages de ses parties.

L’emploi du discours direct pour citer les parties de M.

Fleurant et les réponses d’Argan qui suivent immédiatement ces citations contribuent à cette impression de dialogue, d’autant qu’Argan emploie la 2e personne du pluriel « vous » pour s’adresser à M.

Fleurant, comme si celui-ci était réellement présent.

Ce procédé donne du rythme et du dynamisme à une scène. Argan reproche à son apothicaire le coût apparemment exorbitant de ses parties.

Il juge, peut-être à raison, que l’apothicaire a tendance à grossir ses factures exagérément.

Il lui répond donc par exemple : « il faut être aussi raisonnable, et ne pas écorcher les malades » (l.

6-7). Argan se permet en conséquence de corriger ses parties en réduisant les sommes : « vingt sols en langage d’apothicaire, c’est-à-dire dix sols » (l.

9).

Celles-ci sont systématiquement divisées par deux ou trois par Argan, qui semble tout aussi avare que son apothicaire. Les parties de M.

Fleurant sont rédigées dans un style exagérément soutenu (sachant de surcroît qu’il s’agit de traitements concernant généralement le bas ventre).

En témoignent notamment les accumulations d’adjectifs et de verbes souvent redondants et assez recherchés : « clystère » (l.3), « insinuatif » (l.3), « rémollient » (l.4), « entrailles » (l.4), « lavement » (l.7), la mention systématique de « Monsieur » (l.4) pour désigner Argan. Ce dernier lui répond sur un ton tout aussi aimable : « Je suis votre serviteur » (l.

7). Malgré son obsession pour sa santé, Argan n’est pas dupe du prix exorbitant exigé par M.Fleurant comme le montre le registre ironique : « fort civiles »(l.5), « les entrailles de Monsieur » (l .5), « langage d’apothicaire »(l.8) . Le dialogue fictif avec l’apothicaire produit un effet comique, en raison précisément de l’absence de M.

Fleurant avec lequel Argan semble débattre voire se disputer par moments.

De plus, l’avidité de l’un rivalise avec l’avarice de l’autre dans cet échange fictif. Le comique de situation est présent car l’occupation d’Argan, la rigueur de ses comptes et l’ardeur avec laquelle il marchande (le monologue commence aux derniers jours du mois, il faut donc imaginer qu’il travaille à ses comptes depuis au moins une heure !), sont en contradiction avec son état de malade.

La scène a quelque chose d’absurde.

Argan gère sa maladie comme une entreprise.

Sa maladie apparaît donc bel et bien imaginaire aux yeux du public, et Argan est d’emblée ridicule. II- La surenchère de prescriptions et de frais médicaux (l.9 à 32) « Plus, dudit jour…qu’il mette ordre à cela.

» Le second mouvement est marqué par la surenchère de frais médicaux et de prescriptions médicales. Elles commencent par l’anaphore « Plus, dudit jour » ou « Plus » (l.9,11,13,18 ,19,20,21,23 ,25) créant un comique de répétition.

Les phrases qui reproduisent les contenus des ordonnances, entre guillemets pour le lecteur, sont particulièrement longues, mettant en évidence le caractère excessif des traitements et des sommes demandées.

Les énumérations de médicaments prescrits et des termes savants crée un effet à la fois effrayant et comique.

Les phrases nominales avec les pluriels accentuent la surenchère : « Avec votre permission dix sols » (l.11), « Dix, quinze, seize et dix-sept sols, six deniers » (l.13). Ces factures, qui ne concernent que la fin du mois, puisque la scène commence au « vingtquatrième », révèlent la fréquence inquiétante des traitements et remèdes, comme en témoigne le décompte final :« de ce mois, j’ai pris une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept et huit médecines ; et un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze et douze lavements » (l.

29-31).

Ces prescriptions occasionnent d’importantes dépenses, dont le total s’élève à « Soixante et trois livres quatre sols six deniers » (l.

29). Les termes médicaux employés pour désigner ces traitements sont très scientifiques et parfois incompréhensibles pour un non-initié.

Des passages comme « un bon clystère détersif, composé avec catholicon double, rhubarbe, miel rosat » (l.9-10), « un julep hépatique, soporatif et somnifère » (l.

11-12) ou « une potion cordiale et préservative, composée avec douze grains de bézoard, sirop de limon et grenades » (l.

25-26) sont particulièrement comiques en raison du jargon médical employé, même si cela correspond en effet aux pratiques en usage à.... »

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