Espagne (1987-1988): Un socialisme décaféiné
Publié le 15/09/2020
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Espagne 1987-1988
Un socialisme décaféiné
Toute idylle a une fin, celle des Espagnols avec leur chef de gouverneme
nt Felipe Gonzalez aussi.
L'année
1987 a marqué sans aucun doute la fin d'un certain état de grâc
e qui, bon an mal an, régnait depuis
l'arrivée des socialistes au pouvoir, fin 1982.
Dès le mois de jan
vier, la grogne a commencé dans les
rangs des lycéens, bientôt rejoints par les enseignants, les agric
ulteurs et presque tous les corps de
métiers.
Des médecins aux mineurs, ils ont été plus d'un mil
lion à faire grève pour des motifs différents ;
les revendications salariales étaient pour la plupart symboliques, ne
jouant dans certains cas que sur une
rallonge de 1%.
Pas de doute, cette longue vague d'agitation qui a secou
é l'Espagne jusqu'en mai, a été
avant tout un gigantesque ras-le-bol collectif.
A la Moncloa, siège du gouvernement, on n'a pas compris: tout marchai
t comme sur des roulettes.
L'inflation avait baissé: de 8% en 1986, elle devait fléchir à
5% en 1987, un indice honorable, même en
Europe.
L'entrée de l'Espagne dans le Marché commun s'était mie
ux passée que prévu, et la relance était
là.
Felipe Gonzalez n'a vu dans le mécontentement général qu
'une seule explication, "la démocratie est
ennuyeuse" ; l'Espagne se payait le luxe de s'ennuyer.
S'il y avait là une part de vérité, on ne peut oublier que les
Espagnols avaient accepté avec patience la
politique d'austérité du gouvernement pour remettre le pays sur le
s rails.
Ce n'est que lorsque Felipe
Gonzalez a déclaré que tout allait bien, mais que les travailleurs
devaient continuer à se serrer la ceinture,
que les rouages se sont grippés.
Fin de l'état de grâce
Désireux de donner un coup de semonce à leurs dirigeants, les Espa
gnols ont profité d'un triple scrutin
(communal, régional et européen) le 11 juin 1987.
Le résultat
des municipales était éloquent: le Parti
socialiste ouvrier espagnol (PSOE) n'a remporté que 37% des voix, c
ontre 44% lors des législatives un an
plus tôt.
Il a perdu la majorité absolue dans la plupart des grand
es villes, à commencer par Madrid, ainsi
que dans six des treize parlements régionaux.
Il n'a d'ailleurs pas été le seul parti à y laisser des plumes.
La conservatrice Alliance populaire, qui est
passée à la fin de 1986 des mains de Manuel Fraga Iribarne à ce
lles du jeune Andalou Antonio Hernandez
Mancha, a perdu six points, équivalant à 1,3 million de voix.
Tout
efois, le Centre démocratique et social
d'Adolfo Suarez a été confirmé comme le parti des mécontents
du socialisme, et le troisième en
importance.
La coalition regroupant les communistes et les pacifistes a
fait son meilleur score (7%) aux
municipales.
La fin de l'état de grâce s'est dramatisée en octobre 1987, qua
nd a éclaté la crise entre le gouvernement
et le syndicat frère, l'Union générale des travailleurs (UGT)
.
Son secrétaire général, le très respecté
Nicolas Redondo, a démissionné de son siège de député du
PSOE aux Cortès en compagnie de son bras
droit, pour ne pas devoir entériner le budget "antisocial" du ministr
e de l'Économie, Carlos Solchaga.
Ce coup d'éclat, qui a provoqué un malaise dans les rangs des mili
tants, a assombri le XXXIe congrès du
PSOE en février 1988.
Au lieu de triompher comme il l'espérait, Fe
lipe Gonzalez a dû alors se défendre
contre l'accusation d'avoir "décaféiné" son socialisme, au poin
t de faire le lit des banquiers et d'avoir
oublié les classes défavorisées.
Malchance, quelques jours plus
tôt, la publication des statistiques de 1987
révélaient que, pour la première fois dans son histoire, l'Espa
gne avait passé le cap des trois millions de
chômeurs, dont deux millions sans couverture sociale.
Reprise économique
L'impact psychologique de tels chiffres masquait pourtant une réalité
.
Le pays était enfin sorti du creux de.
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