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DU MYTHE A LA PENSEE RATIONNELLE par François CHÂTELET

Publié le 18/06/2020

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« Bref, pour parler comme Condorcet, le progrès va bien. Lentement, les « lumières » s'installent. Le lieu où s'opère cette mutation, c'est la Cité. Celle-ci se forme dans les villes coloniales, singulièrement d'Asie mineure; elle gagne la métropole et Athènes va être le lieu d'une évolution tenue, par la suite, pour exemplaire. Le schéma d'évolution, dès lors, est satisfaisant : la conquête politique du statut civique — de l'ordre de la citoyenneté, dans lequel le destin de chacun est défini, non par sa proximité aux dieux, non par son appartenance familiale, non par son allégeance à un chef, mais par sa relation à ce principe abstrait qu'est la loi —, constitue une première étape. L'instauration de la démocratie, qui s'effectue, pour des causes historiques repérables, à Athènes, est le second moment. Une démocratie, ce n'est pas seulement, comme l'indique son étymologie, le pouvoir du « petit peuple », c'est le régime dans lequel le gouvernement est « au milieu », lorsque chacun, qui est citoyen, est, en droit et en fait, dans la capacité d'y participer. Au désordre des barbares éloignés, à l'ordre absurde des barbares trop proches — l'Empire perse —, s'oppose une organisation raisonnable, correspondant à la place de l'homme dans la disposition cosmique. S'y administre une pensée nouvelle qui rejette, dans les lointains de l'archaïsme, l'excessif intérêt pour les dieux et, dès lors, enregistre l'exclusif intérêt pour les hommes. Dans cet optique, l'ordonnance de la continuité est déjà signification de rupture. Mais où et comment s'opère cette solution? S'introduit dès lors le débat sur l'origine du discours philosophique. Où est la coupure entre le mythe et la pensée rationnelle? Est-elle présente dans ces penseurs physiciens qui, comme Thalès, prennent pour objet de l'interrogation décisive les phénomènes, naturels? Faut-il plutôt attendre Héraclite ou Parménide qui les premiers, posent la question de l'Etre et inaugurent, dès lors, le problème métaphysique? Convient-il, plus sérieusement, de situer le commencement de la philosophie dans l'écrit platonicien, dans sa majeure partie préservé et qui pose, pour les premières fois explicitement, le problème de la raison : celui du discours intégralement .légitimé? Et les atomistes, d'où viennent-ils? ' Bref, l'idée d'une genèse- tranquille qui conduirait de l'imaginaire au réel, de la magie à la pratique, de la particularité. (sociale) à l'universel (humain), du désir au discours, est compromise dès qu'est posée la question de son articulation. Comme l'établit l'analyse de J. Bernhardt, la dénomination courante de « présocratiques » attribuée aux auteurs épris de théorie et, chronologiquement antérieurs ou contemporains à Socrate, est significative d'une conception - naïvement progressiste et simplificatrice du devenir de la pensée. L'affaire, en tout cas, est plus compliquée; et il est certain qu'on ne la règle pas en prenant pour référence une progression linéaire ^ai condu,irait de la' pré-raison à la raison réalisée, de la philosophie en puissance à 1a philosophie en acte; situons-nous précisément au sein de cette philosophie prétendument « réalisée » : celle de Platon. Un style nouveau de discours s'y impose; un ordre se définit qui sera bientôt désigné comme logique; une politique originale s'y détermine. La nouveauté est évidente : ce n'est plus la force apparente des habitudes ou la puissance pseudoréelle des « porte-gourdin » qui s'impose, mais l'ordre de la parole contrôlée. Cependant, dans le domaine de cette nouveauté, parce que cette nouveauté est prise dans le réseau historique de la constitution de la Cité, le philosophe reste un sage, l'équivalent du shamann du sorcier — qui est en connivence avec des dynamismes mystérieux... Tout se passe comme si la philosophie, en même temps qu'elle. réussit à délimiter de mieux en mieux l'originalité de son champ discursif, réitérait, en les intégrant, des attitudes fort anciennes. Aussi convient-il non seulement de récuser l'image d'une évolution linéaire, mais encore de nuancer les schémas de continuité ou de discontinuité. Sans doute l'analyse des textes permet de déceler des « commencements » ou des « ruptures ». Mais ce qui commence maintient, en partie, ce contre quoi il commence; et ce qui rompt intègre aussi des éléments de ce dont il tient à se distinguer. A cet égard, le cas du platonisme est encore exemplaire : la philosophie platonicienne refuse l'éducation traditionnelle, fondée essentiellement sur l'enseignement des poètes et la religiosité confuse que celui-ci véhicule; parce qu'elle requiert un entraînement scientifique et qu'elle fait appel aux mathématiciens et à la logique, parce qu'elle vise à s'organiser non autour des représentations ambiguës, mais de notions précises, elle marque une coupure et définit une perspective « moderne ». Mais, en même temps, elle s'oppose à une autre « modernité », celle des sophistes, qui, eux aussi, récusaient la tradition : au nom d'autres principes, peut-être plus radicaux... De l'utilitarisme, du conventionalisme, du relativisme fonciers des sophistes, Platon ne veut pas. Ce n'est pas l'homme en société qui l'intéresse, mais le divin en l'homme. A ses yeux, la démocratie, sous ses diverses formes, est décadence. Dès lors, c'est en « réactionnaire » qu'il parle. Directement, lorsqu'il rejette la logique « libérale » des sophistes qu'utilise, par exemple, le discours historien de Thucydide; indirectement, lorsqu'il fait valoir, au sein de sa propre démonstration, ces procédés légendaires, ceux de l'allégorie et du mythe, et lorsqu'il investit le philosophe de pouvoirs qui vont au-delà de ceux du commun des mortels. Bref, la philosophie est grecque; elle est fille de la Cité; de la Cité démocratique. Cela affirmé, il reste que la langue grecque n'est pas une essence immuable et qu'à réfléchir sur son statut, autant comptent les changements que les permanences. Il reste que la Cité, qui succède, révolution-nairement, à un « Moyen Age féodal », trouve ses racines dans un passé antérieur que signalent les royautés préhomériques et dont la trace est présente dans les textes platoniciens, entre autres. Il reste que la démocratie athé-. nienne — point de référence de Platon et de ses adversaires les Sophistes — est un problème, non une essence. Cela veut dire. qu'avec l'histoire de la philosophie, on ne s'en tire pas aisément. Il y a, incontestablement, au moins de Platon à Hegel, un domaine spécifique qu'on peut légitimement qualifier de philosophique; qui a son domaine, sa puissance intégrative, son ordre propre. Mais, constam ment, et dès le début, ce style qui prétend à la juridiction suprême, doit avouer son impureté. L'horizon dont il prétend se détacher, et qu'il vise à dépasser et à juger, le détermine de part en part. Ainsi la pensée, aux environs du ve siècle avant notre ère, passe de la régence du mythe à la puissance de la logique philosophique : mais ce passage signifie, précisément, qu'il y avait déjà une logique du mythe, d'une part, et que, d'autre part, dans la réalité philosophique est inclus encore le pouvoir du « légendaire ». Du mythe à la pensée rationnelle? Bien sûr. Mais celui-là n'est pas pure imagination désordonnée et celle-ci tend à s'imposer comme un nouveau mythe. ...»

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