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“Dire, seulement dire" affirme Louis dans le prologue de Juste la fin du monde. En quoi la parole et l'usage que l'on fait du langage (aveu, explications, reformulations, confrontations verbales...) sont-ils un puissant ressort dramatique dans les pièces de théâtre qui ont pour thème la famille ? Cf : Juste la fin du monde

Publié le 28/05/2023

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« Dissertation Sujet : “Dire, seulement dire" affirme Louis dans le prologue de Juste la fin du monde.

En quoi la parole et l'usage que l'on fait du langage (aveu, explications, reformulations, confrontations verbales...) sont-ils un puissant ressort dramatique dans les pièces de théâtre qui ont pour thème la famille ? Vous vous appuierez précisément sur Juste la fin du monde de Jean Luc Lagarce. I-Crise de la communication personnelle A) Le tragique de l’incommunicabilité B) Le silence de Louis II-Crise du langage A) Une parole spiralaire B) Une crise en mouvement, le cri d’Antoine et de Louis III-Crise familiale A) Les retrouvailles ont semé la crise B) Violence dans un huis-clos Un jour, on disait « La parole fait événement : elle détraque les pensées avant de secouer les corps ».

C’est ce que montre l’œuvre de Jean Luc Lagarce Juste la Fin du Monde publiée en 1990.

Dramaturge, poète et écrivain universel du 20 ème siècle, il est aujourd’hui l’un des auteurs contemporains les plus joués en France et à l’étranger et son œuvre est traduite en plus de vingt-cinq langues différentes.

Son écriture lui a permis d’apprendre à vivre et à mourir, atteint du Sida il meurt jeune à l’âge de 38 ans.

La pièce, composée en deux parties raconte le retour de Louis, 34 ans qui va mourir et qui décide de retourner voir sa famille après une longue absence de douze ans pour leur annoncer la nouvelle.

Au cours de la pièce on témoigne d’une crise personnelle et familiale entre Louis et son petit frère Antoine, sa sœur Suzanne et leur mère.

En effet, le théâtre de Lagarce est le théâtre de la parole où les silences de Louis incarnent l’échec de cette parole.

Ainsi, dans son œuvre il rompt avec les étapes traditionnelles du théâtre et la parole tient lieu d’action.

Nous pouvons dès lors nous demander en quoi la communication et l’usage qu’on fait de la langue sont-ils Tout d’abord, nous verrons en quoi les personnages subissent des crises de la communication personnelles.

Puis, nous étudierons la crise du langage et enfin, nous analyserons la crise familiale chez Lagarce. Tout d’abord, c’est sur ces mots prononcés par Louis « Plus tard, l’année d’après / - j’allais mourir à mon tour - » que s’ouvre une pièce placée sous le signe de l’urgence et de la nécessité de dire.

Le spectateur est ainsi immédiatement mis dans la confidence avec la « mort prochaine et irrémédiable » d’un jeune homme.

En effet, tous les attributs de la fatalité tragique sont là : le destin, la causalité arbitraire qui reste inexpliquée et l’empathie pour le héros auquel ce prologue nous invite à nous identifier.

D’entrée de jeu, Louis nous expose la crise qu’il traverse et les enjeux de la pièce : il s’agit de braver la peur pour annoncer aux siens, qu’il n’a pas vus depuis des années et dont il s’est éloigné, qu’il va mourir.

La parole est ainsi la promesse d’apaisement, comme un espoir de compréhension et de réintégration à un ordre familial consolateur.

Mais le but que s’était fixé Louis ne sera pas rempli.

En effet, à l’autre extrémité de la pièce, Louis repart sans avoir rien dit « vers la fin de la journée, / sans avoir rien dit de ce qui me tenait à cœur/ je repris la route » (Acte II, scène 1).

Il renferme en lui la confidence, renonce à pousser la « grand et beau cri » libérateur qu’évoque l’épilogue, sous la forme d’un regret.

Parce qu’elle n’a pas été extériorisée, la crise personnelle semble tragiquement irrésolue.

Louis va vers son destin, « replié sur [son] infinie douleur intérieure », dont son frère Antoine concède qu’il « ne saurai[t] pas même imaginer le début » (Acte II, scène 3). Louis, qui était venu parler, se trouve donc très vite réduit au silence.

D’abord par le babillage des propos convenus lors des retrouvailles familiales et des présentations à Catherine.

Les mots du quotidien, de la civilité la plus banale, la langue désincarnée de la politesse formelle masquant ici la gêne, lui permettent d’esquiver les véritables enjeux de l’échange, les reproches que l’on brûle de prononcer et les questions que l’on ose poser.

Mais plus encore que ces scènes où l’on parle pour ne rien dire, ce qui empêche Louis d’énoncer ce pour quoi il était venu ce sont les moments où il se voit confronté, en tête-à-tête avec les différents membres de sa famille où il se trouve alors singulièrement dépossédé de la parole, contraint d’écouter, à tel point que certaines scènes s’apparentent à de longues tirades quasi ininterrompues.

Louis, silencieux mais attentif, oublie un moment sa crise personnelle pour s’ouvrir aux souffrances d’autrui.

S’il se tait alors, c’est pour ne pas occuper toute la place de la douleur, ne pas forcer les autres à s’effacer pour faire place à la supériorité d’un malheur avec lequel aucun ne saurait rivaliser.

C’est ce complexe d’infériorité, encore attisé par le silence et la distance de Louis, qui rend les échanges difficiles.

La peur de mal dire, de se déconsidérer aux yeux de l’intellectuel constitue un frein supplémentaire au dialogue et souvent, Louis reste silencieux devant l’effort de ses proches.

Le silence dans lequel se trouve reléguée la crise personnelle apparaît dès lors comme la condition nécessaire pour que se referment les blessures de la crise familiale. Ensuite, l es personnages sont incapables de trouver les mots exacts d’où l’abondance d’épanorthose, le travail de répétition, de correction, de précision avec les parenthèses qui tentent de dire.

C’est pourtant ce que Louis fait pendant toute la pièce mais échoue car il n’y a pas de dénouement concret à la pièce.

Ces procédés littéraires créent de la tension et témoignent de la recherche des personnages de tendre vers la perfection de dire alors que le « mot juste » n’existe pas.

Néanmoins, les épanorthoses ne rendent pas leur propos plus clair, au contraire elles le complexifient.

Par exemple, dans la tirade d’Antoine (Acte II, scène 3), les répétitions font émerger le tragique du personnage.

Or Lagarce est sceptique par rapport au langage et il refuse l’achèvement.

Le langage ne permet donc pas de résoudre des conflits.

Dans son œuvre Lagarce prouve qu’il n’y a pas assez de mots dans la langue française pour exprimer avec exactitude ce que l’on ressent.

Ce manque de précision est à l’origine de la crise du langage.

Lagarce déconstruit ainsi cette notion de langage car il énonce le chaos mais.... »

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