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Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, rédigée par Olympe de Gouges.

Publié le 11/01/2024

Extrait du document

« parcours « écrire et combattre pour l’égalité » À L A R E I N E. MADAME, 1 Peu faite au langage que l’on tient aux Rois, je n’emploierai point l’adulation des Courtisans pour 2 vous faire hommage de cette singulière production.

Mon but, Madame, est de vous parler franchement ; je 3 n’ai pas attendu, pour m’exprimer ainsi, l’époque de la Liberté ; je me suis montrée avec la même énergie 4 dans un temps où l’aveuglement des Despotes punissait une si noble audace. 5 Lorsque tout l’Empire vous accusait et vous rendait responsable de ses calamités, moi seule, dans un 6 temps de trouble et d’orage, j’ai eu la force de prendre votre défense.

Je n’ai jamais pu me persuader 7 qu’une Princesse, élevée au sein des grandeurs, eût tous les vices de la bassesse. 8 Oui, Madame, lorsque j’ai vu le glaive levé sur vous, j’ai jeté mes observations entre ce glaive et la 9 victime ; mais aujourd’hui que je vois qu’on observe de près la foule de mutins soudoyée, & qu’elle est 10 retenue par la crainte des lois, je vous dirai, Madame, ce que je ne vous aurais pas dit alors. 11 Si l’étranger porte le fer en France, vous n’êtes plus à mes yeux cette Reine faussement inculpée, cette 12 Reine intéressante, mais une implacable ennemie des Français.

Ah ! Madame, songez que vous êtes mère 13 et épouse ; employez tout votre crédit pour le retour des Princes.

Ce crédit, si sagement appliqué, 14 raffermit la couronne du père, la conserve au fils, et vous réconcilie l’amour des Français.

Cette digne 15 négociation est le vrai devoir d’une Reine.

L’intrigue, la cabale, les projets sanguinaires précipiteraient 16 votre chute, si l’on pouvait vous soupçonner capable de semblables desseins. 17 Qu’un plus noble emploi, Madame, vous caractérise, excite votre ambition, et fixe vos regards.

Il 18 n’appartient qu’à celle que le hasard a élevée à une place éminente, de donner du poids à l’essor des 19 Droits de la Femme, et d’en accélérer les succès.

[…] Déclaration des droits de le femme et de la citoyenne, 1791, Olympe de Gouges Proposition d’étude linéaire « A la Reine », Olympe de Gouges, DDFC, 1791 Dans le cadre du parcours « écrire et combattre pour la liberté », nous allons étudier l’adresse à la reine, qui précède la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, rédigée par Olympe de Gouges. LECTURE EXPRESSIVE La Révolution laisse les femmes dans un statut inférieur.

OdG, active partisane de l’égalité, juge qu’un combat en leur faveur s’impose en 1791.

Sa démarche l’amène à rechercher une figure féminine de pouvoir : elle s’adresse de façon inattendue à la reine Marie-Antoinette dans une lettre personnelle, qui est ensuite publiée en guise de dédicace à la DDFC.

Dans ce texte, OdG n’occulte pas l’image dégradée de Marie-Antoinette.

Nous pouvons rappeler en effet que la réputation de la reine auprès du peuple français n'est pas bonne, notamment en raison de l’affaire dite du collier et de l’arrestation à Varennes de la famille royale en fuite en juin 1791.

De plus, on lui reproche ses dépenses en toilettes et elle est régulièrement accusée de trahison.

En lui dédicaçant sa déclaration, OdG poursuit deux objectifs : trouver une alliée de choix dans son combat et donner à la reine une opportunité de se racheter.

Cette lettre, qui sollicite son soutien, occupe la place de la traditionnelle épître dédicatoire.

Nous verrons cependant qu’au lieu de présenter ses respects à la dédicataire, l’autrice développe un argument politique à son intention.

Nous allons étudier le début de cette lettre. Nous pouvons repérer trois mouvements dans ce texte : 1.

de l’apostrophe à la ligne 7, c’est une adresse directe à la reine. 2.

des lignes 8 à 16, il s’agit presque d’une mise en garde 3.

des lignes 17 à 19, OdG sollicite directement le soutien de Marie-Antoinette Comment OdG tente-t-elle de se trouver une alliée de choix en écrivant à la reine Marie-Antoinette ? À LA R E I N E. MADAME, Dans le premier mouvement, jusqu’à la ligne 7, OdG s’adresse directement à la reine. Le titre « A la reine » présente très clairement le projet de l’autrice.

Ensuite, OdG n’emploie pas de formule protocolaire (on attendrait un « Majesté » ici), elle s’adresse à une altesse royale comme à une égale avec le nom de « Madame ».

Elle présente ainsi sa démarche comme avant tout politique. Peu faite au langage que l’on tient aux Rois, je n’emploierai point l’adulation des Courtisans pour vous faire hommage de cette singulière production. Les premiers mots, « Peu faite pour au langage que l’on tient aux Rois », suggèrent que l’épistolière a un esprit trop libre pour se soumettre aux conventions.

Grâce à la négation totale, « je n’emploierai point l’adulation des Courtisans », la litote affirme : « j’emploierai le langage du peuple ».

Dès cette première phrase apparaît le pronom perso.

sujet de 1ère p.

du sg : « je » - OdG ne tient pas à être absente ou transparente.

Elle souligne l’originalité de sa démarche en qualifiant son oeuvre de « singulière production » (l.

2) : la périphrase désigne la DDFC.

Il s’agit donc, avec le déterminant démonstratif « cette », d’une présentation cataphorique, qui a pour fonction d’annoncer un projet inattendu mais digne d’être reconnu. Le « langage que l’on tient aux rois » et « l’adulation des courtisans » (l.

1) s’opposent à «parler franchement » (l.

2).

Par cette première antithèse, OdG prend une posture de franc-parler, à contrecourant de l’attitude du courtisan.

Les propositions qui suivent, avec les v.

au passé composé, soulignent sa démarche antérieure à la Révolution.

Deux périphrases désignent cette période : «l’époque de la Liberté » (l.

3) pour évoquer la révolution en elle-même, de façon élogieuse et qui associe la révolution à une valeur fondamentale, « la liberté », et «ds un tps où l’aveuglement des Despotes punissait une si noble audace » (l.

4), pour mentionner l’Ancien Régime.

Cet engagement passé légitime ainsi la démarche actuelle d’OdG.

Les deux périphrases fonctionnent aussi en antithèse et opposent l’Ancien Régime, vu comme une époque autoritaire où la liberté d’expression n’existait pas, à la période révolutionnaire, considérée comme un temps de liberté par les citoyens.

OdG met ici en avant son courage politique en rappelant que son indépendance d’esprit et son engagement existaient déjà sous l’Ancien Régime « je me suis montrée avec la même énergie », l.

3 grâce à l’adjectif « même ».

La dernière expression de la phrase, « une si noble audace » valorise OdG avec l’adverbe intensif « si » et l’adjectif antéposé, mélioratif « noble », qui paradoxalement, renvoie à l’action d’OdG et non à la reine : manière de souligner la noblesse d’action face à la naissance aristocratique. Mon but, Madame, est de vous parler franchement ; je n’ai pas attendu, pour m’exprimer ainsi, l’époque de la Liberté ; je me suis montrée avec la même énergie dans un temps où l’aveuglement des Despotes punissait une si noble audace. Lorsque tt l’Empire vs accusait et vs rendait responsable de ses calamités, moi seule, ds un tps de trouble et d’orage, j’ai eu la force de prendre votre défense. OdG légitime ensuite sa démarche insolite (l’appel à la reine) en expliquant cet acte antérieur en faveur de celle-ci, ainsi que l’indiquent les imparfaits et p.

composé «accusait», «rendait» et «j’ai eu». L’hyperbole « Lorsque tt l’Empire vous accusait» et le procédé d'emphase : «, moi seule,», grâce au pronom perso.

de 1ère p du sg, renforcé par l’adjectif «seule», encadré des virgules, présentent en antithèse le peuple et l’attitude d’OdG, qui a défendu la reine qd celle-ci avait été accusée de trahison.

Ceci, «ds un tps de trouble et d'orage» : la périphrase négative amplifie la menace qui pesait sur M-Antoinette.

Ainsi la reine avait-elle son avocate sans même peut-être en avoir conscience ou bien avait-elle sous-estimé ce fait : c’est un appel indirect à une sorte d’échange de bons procédés. Je n’ai jamais pu me Les hyperboles et l’antithèse entre « des grandeurs » et « ts les vices de la bassesse » présentent une persuader qu’une charge contre Marie-Antoinette.

La négation « Je n'ai jamais pu me persuader » indique cependant la Princesse, élevée au motivation profonde de la défense de la reine par OdG : elle croit en certaines valeurs humanistes sein des grandeurs, apportées dans l’éducation de la reine, dans lesquelles l’autrice se reconnaît.

Le portrait qu’elle eût tous les vices de la dessine en creux de la reine est nuancé, à la fois élogieux « princesse [...] élevée au sein des bassesse. grandeurs», et critique.  Dans ce premier mouvement, OdG apostrophe directement la reine, en lui rappelant son attitude passée, et se positionne en véritable interlocutrice. Dans le second mouvement, des lignes 8 à 16, OdG prononce presque une mise en garde. Oui, Madame, Un dialogue sous-tend ce texte, et.... »

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