Crime et ChâtimentFiodor DostoïevskiSixième partie, chapitre VII(...) " Mais pourquoi donc m'aiment-elles tellement, puisque je ne le mérite pas !

« Crime et Châtiment Fiodor Dostoïevski Sixième partie, chapitre VII (…) “ Mais pourquoi donc m'aiment-elles tellement, puisque je ne le mérite pas ! Oh, si j'étais seul, et si personne ne m'aimait, et si moi-même je n'avais jamais aimé personne ! Tout cela ne serait pas arrivé ! Il serait curieux de savoir si, dans les quinze ou vingt ans à venir, mon âme s'apaisera suffisamment pour que je puisse pleurnicher respectueusement devant les gens en me traitant moi-même à tout propos de brigand ? Oui, c'est bien cela ! Justement.

C'est bien pour cela qu'ils m'exilent maintenant, c'est bien ce qu'il leur faut… Ils se promènent maintenant en long et en large dans les rues, et pourtant chacun d'entre eux est un coquin et un brigand de par sa nature même ; pis encore, un idiot ! Mais qu'on essaye seulement de me faire échapper à la déportation, et ils enrageront tous d'une noble indignation ! Oh, comme je les hais tous ! ” Il réfléchit profondément à cette questions : “ Par quel processus peut-il se faire que finalement j'en arrive à m'humilier devant eux tous, sans même raisonner, à m'humilier avec conviction ? Eh bien, pourquoi pas ? Bien sûr, c'est ce qui doit arriver.

Comment vingt années d'écrasement quotidien n'anéantiraient-elles pas définitivement un homme ? L'eau creuse la pierre.

Et pourquoi, pourquoi donc vivre, après cela ? Pourquoi y vais-je maintenant, alors que je sais que les choses se passeront précisément ainsi, comme si c'était écrit, et non autrement ? ” Pour la centième fois peut-être, il se posait cette question depuis la veille au soir, et cependant il y allait.. »