Corrigé rédigé du sonnet "Celle de qui l'amour" de Ronsard
Publié le 16/08/2022
Extrait du document
«
XLV
Celle, de qui l’amour vainquit la fantaisie1
Que Jupiter conçut sous un cygne emprunté,
Cette Soeur des Jumeaux2, qui fit par sa beauté
Opposer toute Europe aux forces de l’Asie,
Disait à son miroir, quand elle vit saisie
Sa face de vieillesse et de hideuseté :
« Que mes premiers maris insensés ont été
De s’armer pour jouir d’une chair si moisie !
Dieux, vous êtes cruels, jaloux de notre temps !
Des dames sans retour s’envole le printemps :
Aux serpents tous les ans vous ôtez la vieillesse3.
»
Ainsi disait Hélène en remirant son teint.
Cet exemple est pour vous : cueillez votre jeunesse.
Quand on perd son avril, en octobre on s’en plaint.
Ronsard : Sonnets pour Hélène, 1578
notes
1 Hélène de Troie, la plus belle femme du monde était l’épouse du roi de Sparte Ménélas.
Vénus lui inspira une violente passion pour le beau Paris, fils de Priam roi de Troie en Asie
mineure.
Paris enleva Hélène et l’épousa.
L’infidélité d’Hélène fut à l’origine de la guerre de
Troie qui opposa la Grèce à l’Asie mineure.
2 Hélène et Clytemnestre étaient filles de Léda.
Celle-ci fut séduite par Jupiter qui s’était
transformé en cygne.
De cette union naquirent aussi les jumeaux Castor et Pollux.
3.
Contrairement aux dames, les serpents muent tous les ans : ils changent de peau.
II Faites le commentaire composé de ce texte
CORRIGE REDIGE DU COMMENTAIRE
Le sonnet « Celle de qui l’amour vainquit la fantaisie...
» fait partie du dernier recueil des Amours de Ronsard, dédié à Hélène
et publié en 1578.
Le poète de la Pléiade y développe une image peu conventionnelle du personnage d’Hélène de Troie : il présente la
plus belle femme du monde comme une vieille femme laide.
Pourquoi Ronsard détourne-t-il ainsi la légende? Après l’étude des
références à la mythologie, nous verrons que ce sonnet constitue une petite anecdote évoquant de façon originale le motif du temps qui
passe.
***
Le prénom de la dédicataire du recueil, Hélène, donne à Ronsard l’occasion de développer un parallèle avec son
homologue mythologique.
Toutefois, dans ce sonnet, c’est Hélène de Troie qui tient la place essentielle.
Les douze premiers vers du poème lui sont
consacrés alors que la jeune femme à qui s’adresse Ronsard n’est mentionnée qu’au vers 13 sous la forme du pronom « vous ».
Il est
vrai qu’elle n’était qu’un prétexte pour le poète qui imitait Pétrarque dédiant ses écrits à Laure.
Personnage principal du sonnet XLV, l’héroïne de la guerre de Troie n’est pas nommée immédiatement.
Ronsard fait appel à la
culture du lecteur en rappelant par des périphrases les principaux traits de sa légende.
Plusieurs périphrases la désignent dans le premier
quatrain.
La première « Celle de qui l’amour vainquit la fantaisie » et la seconde « que Jupiter conçut ...» évoquent son origine divine.
Les
deux vers suivants :
« Cette soeur des jumeaux qui fit par sa beauté
Opposer toute Europe aux forces de l’Asie »
rappellent d’autres titres de gloire : la perfection d’Hélène soulignée par la place à la rime du mot « beauté » donna lieu à un conflit entre
les Grecs et les Troyens.
Ronsard par les hyperboles du vers 4 confère à cette guerre un cadre universel.
Mais le lecteur cultivé connaît
tous ces faits : pourquoi les lui rappeler?
En fait le poète fait référence à la mythologie pour construire un « exemple » ainsi qu’il l’écrit au vers 13; selon les principes de la
rhétorique antique.
Hélène sert de point de départ à une réflexion fondée sur un contraste entre la gloire divine de la jeune héroïne et sa
laideur de vieille femme exposée dans le second quatrain.
Le poète ne mentionne son nom qu’au vers douze pour permettre à sa
destinataire, Hélène de Surgères, d’établir elle-même un parallèle avec l’Hélène antique.
Par les références mythologiques, Ronsard rend plus frappant le contraste entre la gloire passée d’une femme d’origine divine et
sa vieillesse humaine.
***
Le poète ajoute une suite à la légende.
Il fait d’Hélène l’héroïne d’un drame plus secret et susceptible de convaincre le
lecteur : la vieillesse.
Le sonnet constitue ainsi une petite anecdote où alternent le récit et le discours.
Le récit occupe les six premiers vers.
Il est marqué par l’alternance du passé simple et de l’imparfait : « vainquit » (vers 1)
« conçut » (vers 2), « fit », (vers 3) et « vit » (vers 6) sont au temps caractéristique du récit.
L’enchaînement des faits est marqué par les
trois subordonnées relatives qui se suivent dans le premier quatrain.
Mais comme l’indiquent les temps employés, ces faits, comme
l’époque de sa beauté,....
»
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