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Corrigé commentaire Marivaux Les Acteurs de bonne foi

Publié le 06/02/2024

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« Marivaux, Les Acteurs de bonne foi (1757), scènes 1 et 2 (extrait). Dans l'une de ses dernières pièces, Marivaux propose encore une réflexion sur les jeux de la comédie humaine.

Pour les festivités du mariage d'Éraste, celui-ci a demandé à son valet de chambre, Merlin, de donner une comédie.

Dès la scène d'exposition, la conversation porte sur le divertissement. 5 10 15 20 ÉRASTE.

Et qui sont tes acteurs ? MERLIN.

Moi d’abord ; je me nomme le premier pour vous inspirer de la confiance ; ensuite Lisette, femme de chambre de mademoiselle Angélique, et suivante originale ; Blaise, fils du fermier de madame Argante ; Colette, amante dudit fils du fermier, et fille du jardinier. ÉRASTE.

Cela promet de quoi rire. MERLIN.

Et cela tiendra parole ; j’y ai mis bon ordre.

Si vous saviez le coup d’art 1 qu’il y a dans ma pièce ! ÉRASTE.

Dis-moi donc ce que c’est. MERLIN.

Nous jouerons à l’impromptu, monsieur, à l’impromptu 2. ÉRASTE.

Que veux-tu dire, à l’impromptu ? MERLIN.

Oui.

Je n’ai fourni que ce que nous autres beaux-esprits appelons le canevas ; la simple nature fournira les dialogues, et cette nature-là sera bouffonne. ÉRASTE.

La plaisante espèce de comédie ! Elle pourra pourtant nous amuser. MERLIN.

Vous verrez, vous verrez.

J’oublie encore à vous dire une finesse de ma pièce ; c’est que Colette doit faire mon amoureuse, et moi je dois faire son amant.

Nous sommes convenus tous deux de voir un peu la mine que feront Lisette et Blaise à toutes les tendresses naïves que nous prétendons nous dire ; et le tout, pour éprouver s’ils n’en seront pas un peu alarmés et jaloux ; car vous savez que Blaise doit épouser Colette, et que l’amour nous destine, Lisette et moi, l’un à l’autre.

Mais Lisette, Blaise et Colette vont venir ici pour essayer leurs scènes ; ce sont les principaux acteurs.

J’ai voulu voir comment ils s’y prendront ; laissez-moi les écouter et les instruire, et retirez-vous.

Les voilà qui entrent. ÉRASTE.

Adieu ; fais-nous rire, on ne t’en demande pas davantage. Scène II – LISETTE, COLETTE, BLAISE, MERLIN 25 30 35 40 MERLIN.

Allons, mes enfants, je vous attendais ; montrez-moi un petit échantillon de votre savoir-faire, et tâchons de gagner notre argent le mieux que nous pourrons ; répétons. LISETTE.

Ce que j’aime de ta comédie, c’est que nous nous la donnerons à nous-même ; car je pense que nous allons tenir de jolis propos. MERLIN.

De très-jolis propos ; car, dans le plan de ma pièce, vous ne sortez point de votre caractère, vous autres.

Toi, tu joues une maligne soubrette à qui l’on n'en fait point accroire 3, et te voilà.

Blaise a l’air d’un nigaud pris sans vert4, et il en fait le rôle.

Une petite coquette de village et Colette, c’est la même chose.

Un joli homme et moi, c’est tout un.

Un joli homme est inconstant, une coquette n’est pas fidèle.

Colette trahit Blaise, je néglige ta flamme.

Blaise est un sot qui en pleure, tu es une diablesse qui t’en mets en fureur ; et voilà ma pièce.

Oh ! Je défie qu’on arrange mieux les choses. BLAISE.

Oui ; mais si ce que j’allons jouer allait être vrai ! Prenez garde, au moins ; il ne faut pas du tout de bon ; car j’aime Colette, dame ! MERLIN.

À merveille ! Blaise, je te demande ce ton de nigaud-là dans la pièce. LISETTE.

Écoutez, monsieur le joli homme, il a raison ; que ceci ne passe point la raillerie ; car je ne suis pas endurante, je vous en avertis. MERLIN.

Fort bien, Lisette ! Il y a un aigre-doux dans ce ton-là qu’il faut conserver. COLETTE.

Allez, allez, mademoiselle Lisette ; il n’y a rien à appriander pour vous ; car vous êtes plus jolie que moi ; monsieur Merlin le sait bien. MERLIN.

Courage, friponne ; vous y êtes, c’est dans ce goût-là qu’il faut jouer votre rôle.

Allons, commençons à répéter. LISETTE.

C’est à nous deux à commencer, je crois. MERLIN.

Oui, nous faisons la première scène ; asseyez-vous là, vous autres ; et nous, débutons.

Tu es au fait, Lisette.

(Colette et Blaise s’asseyent comme spectateurs d’une scène dont ils ne sont pas.) Tu arrives sur le théâtre, et tu me trouves rêveur et distrait.

Recule-toi un peu, pour me laisser prendre ma contenance. 1.

coup d'art : élément frappant par son habileté, son originalité artistique 2.

à l'impromptu : sans préparation, sans que la pièce soit entièrement rédigée.

Manière fréquente d'interpréter les.... »

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