Comprendre sous l'orage
Publié le 17/09/2022
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«
Françoise TSOUNGUI
Professeur de lettres
Comprendre
de
Seydou Badian
L e s
classiques africains
184, avenue de Verdun
92130 Issy les Moulineaux
N ° 857
DANS LA MÊME COLLECTION
S.-M.
Eno Belinga, Comprendre la littérature orale africaine.
J.
Cauvin, Comprendre la parole traditionnelle.
- J.
Cauvin, Comprendre les contes.
J.
Cauvin, Comprendre les proverbes.
P.
Ngandu Nkashama, Comprendre la littérature africaine écrite.
M.-F.
Minyono-Nkodo, Comprendre «Le vieux nègre et la médaille»
de Ferdinand Oyono.
M.-F.
Minyono-Nkodo, Comprendre «Les bouts de bois de Dieu» de
Sembène Ousmane.
Chr.
Conturie, Comprendre «Gouverneurs de la rosée» de Jacques
Roumain.
Ch.-G.
Mbock, Comprendre « Ville cruelle» d'Eza Boto.
B.
Mouralis, Comprendre l'œuvre de Mongo Beti.
J.
Getrey, Comprendre «L'aventure ambiguë» de Cheikh Hamidou
Kane.
L.
Kesteloot, Comprendre le «Cahier d'un retour au pays natal»
d'Aimé Césaire.
O.
Mumpini, Comprendre « Trois prétendants...
un mari» de G.
Oyono
Mbia.
J.-Cl.
Nicolas, Comprendre «Les soleils des Indépendances» d'Ahmadou Kourouma.
© Editions Saint-Paul 1985
ISBN 2.85049.313.9
INTRODUCTION
Est-il donc si difficile de comprendre Sous l'orage que cet
ouvrage ait été nécessaire? Certes, le roman est court, l'intrigue
simple.
Lorsqu'on l'étudie en classe, comme c'est souvent le cas,
avec de jeunes adolescents, il ne semble pas poser de gros problèmes d'interprétation.
Mais, à ne considérer que la linéarité de
l'action, la schématisation des personnages et le thème principal,
tellement rebattu par ailleurs, de l'opposition entre tradition et
modernisme, ne risque-t-on pas de méconnaître ce qui fait la
richesse du roman : un récit fortement structuré où espace et temps
sont traités en fonction d'un objectif précis, une organisation des
relations entre personnages qui supporte et souligne chacun des
éléments du conflit, une utilisation du discours qui marie habilement un genre propre à la littérature écrite en français et les divers
types de manifestation de la parole traditionnelle en Afrique, donc
des phénomènes oraux ?
Ce roman nous offre l'occasion, sur une trame simple et
attrayante pour les jeunes, d'initier ceux-ci à certaines techniques
d'analyse.
Nous voudrions fournir à tous ceux qui travaillent seuls
et sans documentation la possibilité d'aborder cette œuvre non
seulement comme une histoire agréable soulevant des idées intéressantes, mais aussi comme un sujet d'étude à approfondir de
façon méthodique.
Nous souhaitons que l'exemple ainsi fourni de l'analyse structurale d'un récit, inspirée de méthodes modernes telles que celles de
Greimas et de l'étude des notions d'espace et de temps en relation
avec l'intrigue, donne à nos lecteurs la possibilité de mettre ensuite
ces techniques en pratique dans des œuvres plus complexes.
Nous souhaitons aussi que la parole traditionnelle, qui apparaît ici sous diverses formes dans un contexte social vivant, les
incite à tourner leur réflexion vers ce mode d'expression et à en
apprécier le pouvoir.
Ainsi comprendront-ils mieux le message de
sagesse qu'elle véhicule et que Seydou Badian les invite à recueillir
afin d'en faire une synthèse lucide et réaliste avec ce qui, dans le
modernisme, peut améliorer les conditions de vie de l'homme.
1
Seydou Badian
Seydou Badian, né le 10 avril 1928 à Bamako (Mali), a bien
connu le passage du monde traditionnel au monde moderne.
Comme Tiéman-le-Soigneur, il a eu l'occasion de confronter ces
deux mondes dans leur milieu d'origine.
Après une enfance africaine, des études primaires et quelques
années d'études secondaires faites à Bamako, il s'expatrie et prépare le baccalauréat à Montpellier, en France.
Il y fréquente
ensuite la faculté de médecine et devient docteur en médecine en
1955.
Comme Tiéman toujours, il est donc un «soigneur».
Rentré au Mali en 1956, il publie l'année suivante son roman
Sous l'orage qu'il avait en fait écrit pendant son séjour en
France.
Son itinéraire personnel correspond donc jusque-là d'assez
près à celui de son héros Tiéman, l'arbitre, dont on peut penser en
conséquence qu'il a fait son porte-parole.
Par sa bouche, il porte
un jugement sur l'Afrique contemporaine, celle des années précédant les indépendances, et il montre déjà le profond souci de maintenir la société africaine dans un équilibre renouvelé.
C'est ce souci qui va sans doute l'amener à assumer de hautes
charges dans le gouvernement de son pays: ministre de l'Economie
rurale en 1962, ministre du Plan de 1965 à 1966.
Durant cette période, il publie la Mort de Chaka 2 drame
dans lequel il met en évidence les divisions qui déchirent l'entourage du héros zoulou, Chaka étant l'image symbolique de l'union
panafricaine.
Cette œuvre est suivie d'un essai politique, les Dirigeants africains face à leurs peuples 3 dans lequel il se dégage totalement des
contingences littéraires de ses débuts pour aboutir à une analyse
minutieuse de la réalité socio-politique africaine.
Sous l'orage, Avignon, Presses universelles, 1957 ; 2 édition Paris, Présence
africaine, 1963.
La Mort de Chaka, Paris, Présence africaine, 1962.
Les Dirigeants africains face à leurs peuples, Paris, Maspero, 1964.
2
Le récit
LA S T R U C T U R E DU RÉCIT
Il est facile, dans ce roman à l'architecture très nette, de
retrouver le schéma habituel du récit.
Situation
initiale
Mésentente
chez Benfa
Evénement
perturbateur
Annonce du mariage
Kany-Famagan
Eloignement
Kany et Birama
au village
Deuxième
partie
Première
et deuxième
épreuves
Accueil,
initiation
aux traditions
(pp.
86-154)
Retour
Kany en ville,
solution provisoire
Troisième
épreuve
Remise en question
du mariage
Situation finale
Réconciliation
Première
partie
(pp.
13-85)
Troisième
partie
(pp.
155-183)
La situation initiale
Le départ du récit s'inscrit dans une situation initiale déjà installée depuis longtemps, la mésentente régnant dans la famille du
père Benfa, mais qui jusqu'alors était demeurée larvée.
L'événement perturbateur
Un événement va détruire le précédent équilibre, si précaire,
et propulser la mésentente et la division de la famille en plein jour.
Très habilement, Seydou Badian présente cet événement dans
le premier chapitre du roman, en maintenant le suspense durant
les premières pages.
Plusieurs éléments l'annoncent, dans un crescendo qui aboutit enfin à sa révélation :
- le réveil inhabituel du père Benfa après une nuit agitée par des
projets mystérieux (p.
13);
- l'évocation rapide, sans insistance aucune, du prochain mariage
de Kany avec Famagan (p.
21);
- enfin, la confirmation de cet événement, en lui attribuant cette
fois toute son importance et son caractère extraordinaire: «les
grands jours qu'on venait de lui annoncer» et qui devraient figurer «dans la mémoire du peuple» (pp.
31-32).
Ainsi révélé au lecteur, l'événement est ensuite répercuté
méthodiquement sur chacun des principaux acteurs du récit, par
un élargissement progressif du cercle des informés :
- Sibiri, le plus proche du père Benfa, est le premier averti (p.
31) ;
- il convoque les frères du père Benfa, afin que celui-ci leur
apprenne la nouvelle (pp.
33-39);
- maman Téné la devine, à travers cette réunion (p.
40);
- Sibiri transmet le message directement à ses propres frères
(pp.
50-57);
- maman Téné transmet à Kany la décision de son père (pp.
6977);
- Kany en avertit Samou (pp.
78-80);
- Samou en parle à maman Coumba (pp.
81-85).
Remarquons que la principale intéressée, Kany, est la dernière
de la famille à être informée.
Fait qui nous renseigne déjà sur les
relations interpersonnelles qui prévalent autour de Benfa.
L'éloignement
Kany et son frère Birama....
»
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