Charles Perrault - Riquet à la Houppe - Plaire et instruire - Dissertation
Publié le 02/04/2024
Extrait du document
«
Introduction:
C’est sous le règne de Louis XIV que entame une brillante carrière au
service de Colbert pour qui il sera homme de confiance.
Travailleur acharné, il surveillera les
travaux d’architecture de Versailles, il trouvera le temps d’écrire et de publier tout en entrant
à l’Académie française où il contribuera à la modernisation de la langue française.
Lorsqu’il
sera démis de ses fonctions à la mort de Colbert, il se consacrera à l’éducation de ses
quatre enfants ainsi qu’à l’écriture.
Cependant, jamais il ne reconnaîtra avoir écrit ces
contes, considérés comme un genre mineur à l’époque et « bons pour éduquer les filles”.
Mais à sa mort en 1703, c’est à lui, qu’ils seront attribués.
C’est à un public adulte des
salons, nostalgique des somptueuses fêtes passées de Versailles que Perrault destine ses
contes mais aussi aux jeunes enfants afin de les éduquer.
Car contrairement aux idées de
son temps, Perrault croit au développement de l’intelligence enfantine.
Comme La Fontaine,
il essaiera, en vrai pédagogue, de « plaire pour instruire ».
Nous allons maintenant étudier un conte de Charles Perrault qui se nomme « Riquet à la
Houppe”; ce conte est écrit en 1697 et est extrait de la deuxième partie de l’ouvrage des
Histoires ou contes du temps passé.
Il succède au conte de Cendrillon et précède “Le petit
Poucet” qui viendra clôturer les contes à moralités.
Afin de réfléchir sur la problématique suivante, qui est le thème de la métamorphose à
travers la beauté physique et l’esprit; Tout d’abord nous nous pencherons sur la réflexion
plaisante sur l'amour et les apparences avec, dans un premier temps, une étude de l'aspect
plaisant et merveilleux de ce récit, puis dans un second temps son aspect vraisemblable,
enfin nous étudierons la portée morale du texte.
“La beauté, reprit Riquet à la houppe, est un si grand avantage qu'il doit tenir lieu de tout le
reste; et quand on le possède, je ne vois pas qu'il y ait rien qui puisse nous affliger
beaucoup.
J'aimerais mieux, dit la Princesse, être aussi laide que vous et avoir de l'es-prit,
que d'avoir de la beauté comme j'en ai et être bête autant que je le suis.
Il n'y a rien,
Madame, qui marque davantage qu'on a de l'esprit, que de croire n'en pas avoir, et il est de
la nature de ce bien-là, que plus on en a, plus on croit en manquer.
- • Je ne sais pas cela,
dit la Princesse, mais je sais bien que je suis fort bête, et c'est de là que vient le chagrin qui
me tue.
Si ce n'est que cela, Madame, qui vous afflige, je puis aisément mettre fin à votre
douleur.
- Et comment ferez-vous ? dit la Princesse.
- J'ai le pou-voir, Madame, , dit Riquet à
la houppe, de donner de l'esprit autant qu'on en saurait avoir à la personne que je dois
aimer le plus, et comme vous êtes, Madame, cette personne, il ne tiendra qu'à vous que
vous n'ayez autant d'esprit qu'on en peut avoir, pourvu que vous vouliez bien m'épouser.
»
La Princesse demeura toute interdite, et ne répondit rien.
« Je vois, reprit Riquet à la
houppe, que cette proposition vous fait de la peine, et je ne m'en étonne pas; mais je vous
donne un an tout entier pour vous y résoudre.
» La Princesse avait si peu d'esprit, et en
même temps une si grande envie d'en avoir, qu'elle s'imagina que la fin de cette annee ne
viendrait jamais; de sorte qu'elle accepta la proposition qui lui était faite.
Elle n’eut pas plus
tôt promis a Riquet à la houppe qu'elle l'épouserait dans un an à pareil jour, qu'elle se sentit
tout autre qu'elle n'etait auparavant; elle se trouva une facilité incroyable à dire tout ce qui lui
plaisait, et à le dire d'une manière fine, aisée et naturelle.
Elle commença dès ce moment
une conversation galante et soutenue avec Riquet à la houppe, où elle brilla d'une telle force
que Riquet à la houppe crut lui avoir donné plus d'esprit qu'il ne s'en était réservé pour
lui-même.
Quand elle fut retournée au Palais, toute la Cour ne savait que penser d'un
changement si subit et si extraordinaire, car autant qu'on lui avait ouï dire d'impertinences
auparavant, autant lui entendait-on dire des choses bien sensées et infiniment spirituelles.
Toute la Cour en eut une joie qui ne se peut imaginer; il n'y eut que sa cadette qui n'en fut
pas bien aise, parce que n'ayant plus sur son aînée l'avantage de l'esprit, elle ne paraissait
plus auprès d'elle qu'une Guenon fort désagréable.
Le Roi se conduisait par ses avis, et
allait même quelquefois tenir le Conseil dans son Appartement.
Le bruit de ce changement
s'étant répandu, tous les jeunes Princes des Royaumes voisins firent leurs efforts pour s'en
faire aimer, et presque tous la demandèrent en Mariage; mais elle n'en trouvait point qui eût
assez d'esprit, et elle les écoutait tous sans s'engager à pas un d'eux.
Cependant il en vint un si puissant, si riche, si spirituel et si bien fait, qu'elle ne put
s'empêcher d'avoir de la bonne volonté pour lui.
Son père s'en étant aperçu lui dit qu'il la
faisait la maîtresse sur le choix d'un Époux, et qu'elle n'avait qu'à se déclarer.
Comme plus
on a d'esprit et plus on à de peine à prendre une ferme résolution sur cette affaire, elle
demanda, après avoir remercié son père, qu'il lui donnât du temps pour y penser.
Elle alla
par hasard se promener dans le même bois où elle avait trouvé Riquet à la houppe, pour
rêver plus commodément à ce qu'elle avait à faire.”
Chez Perrault, la fée, représentation lumineuse et aérienne, atténue en faisant jaillir l'espoir
l'angoisse soulevée par une naissance présentant un caractère navrant, physique ou moral.
Riquet, affreux physiquement, est doué d'une intelligence qu'il pourra communiquer à celle
qu'il aimera.
La princesse, stupide mais très belle, pourra donner la beauté à celui qu'elle
aimera.
Dans la suite du récit, l'apparition de Riquet relève du merveilleux parce qu'elle est
guidée par une influence supra-ter-restre.
Cette apparition se fait dans l'atmosphère
agréable et bucolique d'une promenade : « Un jour qu'elle s'était retirée dans un bois [...]elle
vit venir à elle [...]».
Le deuxième effet d'une intervention supra-naturelle est un aperçu du
monde souterrain avec, en une scène fort plaisante, la préparation du repas de noce.
Seules
les cuisines restent sous terre car « il en sortit une bande de vingt ou trente rôtisseurs qui
allèrent se camper dans une allée du bois autour d'une table fort longue et qui, tous, la
lardoire à la main et la queue de renard sur l'oreille, se mirent à travailler en cadence au son
d'une chanson harmonieuse ».
La seconde rencontre avec Riquet a lieu, comme la première, au cours d'une promenade et
c'est au cours de cette promenade que se fait la seconde métamorphose transformant le
monstre en prince charmant.
Ainsi présentés, le merveilleux se retrouve de manière considérable dans le récit :
Premièrement par l'interprétation d'un thème connu, l'esprit lié à l'amour,
le développement littéraire avec les portraits et le déroulement de l'action, ainsi que la
représentation figurée et vraisemblable de l'époque contemporaine.
De tout cela se dégage une morale.
Cette morale est soulignée par la présentation chez
Perrault de deux moralités conduisant de l'interprétation irrationnelle à l'interprétation
rationnelle du merveilleux.
Le thème est celui de l'« esprit » dont l'éveil est lié à celui de l'amour.
Pour Perrault, la beauté sans l'esprit et l'esprit sans la beauté sont le partage d'être
imparfaits, figurés par les deux sœurs dont l'une est belle mais sotte et l'autre est laide mais
intelligente.
Celle-ci disparaît, qualifiée cruellement de « guenon fort désagréable ».
Elle est
dès lors éclipsée par l'aînée, qui jusqu’à présent tenait sa supériorité grâce à son
intelligence.
À celle-ci l'esprit a été donné dès que, ayant promis d'épouser Riquet, l'amour a
jailli entre eux.
Avec la soudaineté d'un coup de baguette magique, elle « se trouva une
facilité incroyable à dire tout ce qui lui plaisait et à le dire d'une manière fine, aisée et
naturelle ».
Pour Perrault, en effet, l'esprit est la qualité qui, ajoutée à l'intelligence, permet
d'extérioriser agréablement une pensée : « Elle commença dès ce moment une
conversation galante et soutenue ».
Son esprit se développe.
Après avoir dit « des choses
bien sensées et infiniment spinituelles », elle va jusqu'à devenir compétente dans les
affaires du royaume.
Dans la deuxième entrevue avec Riquet, elle raisonne longuement avec lui sur les motifs de
son hésitation à accepter sa proposition.
Il parvient à la convaincre des grandes qualités
cachées sous sa laideur et, en un bref rappel du merveilleux, il lui révèle le don que la fée lui
a octroyé.
Le souhait qu'elle formule opère la seconde métamorphose, et grâce au
développement de l'esprit résultant de leur union le conte se termine dans la joie.
En un point de vue apparenté à celui de Perrault, pour rendre....
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