Chapitre Introductif : La Double Specificite De LaSociologie Politique.

« Chapitre Introductif : La Double Specificite De La Sociologie Politique. Par rapport aux autres sciences sociales, la sociologie politique présente 2 particularités : une liée à son objet (l'étude des phénomènes politiques) et une autre liée à sa méthode (ladémarche sociologique). La première particularité distingue la sociologie politique du reste de la sociologie.

En effet, la sociologie s'intéresse à des phénomènes non-politiques (ex : la division des tâches ménagèresau sein du couple → la pratique est en décalage avec le discours tenu du point de vue domestique car les hommes et les femmes ne font pas la même chose : les hommes s'occupentdes problèmes de chauffage et des problèmes liés à leur voiture, et les femmes s'occupent majoritairement du linge et des sanitaires, et elles réalisent beaucoup plus de tâchesménagères que les hommes car toutes les tâches mixtes sont réalisées bien plus souvent par les femmes que par les hommes).

Il y a donc une répartition sexuée des tâches, qui est deplus inégalitaire. La sociologie politique étudie donc les phénomènes politiques.

Elle présente une spécificité d'objet qui la distingue du reste, à laquelle s'ajoute une particularité de méthode.

L'usage de ladémarche sociologique distingue la sociologie politique du reste de la science politique.

En effet, la science politique comprend des branches qui ne sont pas sociologiques (ex : le cas del'histoire des idées politiques).

La sociologie politique se trouve à l'intersection de la sociologie et de la science politique. I – La polysémie du mot « politique » La polysémie signifie la pluralité des sens du terme politique.

Certains de ces sens et emplois se recoupent au moins partiellement.

Il faut donc distinguer la politique et le politique. A/ La politique Au féminin, le mot « politique » a deux sens (acceptions) : – Une politique est ce que l'on appelle un « programme d'action », c'est-à-dire un ensemble de mesures destinées à résoudre un problème.

Pour désigner un tel ensemble, la littératurescientifique parle de « politique publique » (« policy »).

Les politiques publiques peuvent être envisagées dans deux perspectives différentes.

En premier lieu, elles peuvent être qualifiéesen fonction de l'identité de celui qui les propose ou les met en œuvre (c'est ainsi que l'on parle de politique socialiste ou de politique américaine par exemple). Les politiques publiques peuvent également être qualifiées en fonction de leur objet, du domaine auquel elles s'appliquent (on parlera ainsi de la politique environnementale, ou de lapolitique culturelle, ou fiscale, etc...). – La politique est aussi la compétition entre ceux qui souhaitent décider quelles politiques publiques sont mises en œuvre, donc la compétition entre ceux qui souhaitent gouverner («politics »).

Cette compétition peut prendre différentes formes : elle peut être violente (ex : assassinat) ou alors pacifique (ex : les campagnes électorales). Le problème de ces deux définitions est qu'elles ne suffisent pas à épuiser le sens du mot « politique ».

Qu'est-ce qui fait qu'un problème est politique ? A partir de quand un problèmedevient-il politique ? La difficulté théorique vient de ce qu'un problème n'est pas politique par nature, il le devient. → Exemple : le fait de porter un foulard ou non est d'abord un problème vestimentaire, mais dans le cas particulier du foulard islamique, le port du foulard à l'école (« hijab ») a été possiblependant plusieurs mois sans qu'il n'y ait aucune réaction politique (vers la fin des années 1980).

Ainsi, le port du foulard n'est pas en soi un problème politique, mais il l'est devenu. La question à se poser est donc de savoir pourquoi les gouvernants sont-ils amenés à se saisir de certains problèmes ? Cela revient à se demander à quoi servent les hommespolitiques, et donc qu'est-ce que le politique ? B/ Le politique La définition du politique est à relier aux conséquences de la dimension sociale de la vie humaine. 1) Des conflits inévitables Sauf exceptions très rares, les hommes vivent en société, dans des groupes.

D'après les archéologues, les hommes ont toujours vécu dans des communautés plus larges que leurfamille.

Les hommes ont donc une vie collective, or la collectivité implique la pluralité, et cette diversité est une source de tensions, de conflits.

Il n'est pas utile de dire comme le faisaitHobbes que l'Homme est fondamentalement mauvais, qu'il cherche seulement à assurer sa survie, et que pour cela il est prêt à dépouiller les autres, voire les tuer.

Pour affirmer que lavie collective est une source de conflit, il n'est pas utile de dire que « l'Homme est un loup pour l'Homme ».

Il suffit pour cela de faire 3 observations : – En fonction de leur âge, de leur sexe, de leur profession, de leur orientation idéologique, les individus ont des intérêts, des attentes, des aspirations différentes. – Certains de ces intérêts et certaines de ces attentes ne sont pas d'emblée compatibles et peuvent parfois même radicalement s'opposer.

Il peut ainsi y avoir des tensions entre unemployeur et ses employés, ou entre ceux qui ont une croyance religieuse et ceux qui au contraire sont plutôt des tenants de la laïcité (ex : affaire des caricatures de Mahomet). – Ces tensions peuvent aller jusqu'à remettre en cause le fonctionnement du groupe si on les laisse aller jusqu'au déchaînement de la violence, si on les laisse s'aviver.

Il apparaît donccomme nécessaire d'apaiser, atténuer, les tensions qui existent dans une collectivité afin de maintenir la cohésion sociale. 2) Les deux dimensions du politique Le politique a essentiellement deux caractéristiques fondamentales, qui sont une fonction et une ressource. – La fonction du politique est de réguler les tensions inhérentes à la vie collective.

Le cœur de l'activité politique est de trouver des façons de continuer à vivre ensemble au-delà desdésaccords qui peuvent exister.

La politique dégage de l'unité à partir du multiple, et même à partir d'un multiple conflictuel. – La ressource du politique est le monopole de la violence légitime.

Seul le pouvoir politique a le droit d'être violent sans être sanctionnée en retour.

Ce monopole est nécessaire pourdeux raisons : premièrement, il garantit une pacification de la société (les formes privées de violence deviennent interdites), et deuxièmement, le monopole de la violence légitime garantitle respect des règles édictées, des solutions trouvées, en permettant de punir l'infraction, la transgression (oblige les individus à agir tel que c'est prévu par la loi). D'après Philippe Braud, le politique est « un champ social de contradictions d'intérêts (réels ou imaginaires, matériels ou symboliques), mais aussi de convergences et d'agrégationspartielles, régulé par un pouvoir disposant du monopole de la coercition légitime ». Le politique sert à trouver des accords entre les individus et les faire respecter, mais un accord trouvé ne met pas fin à la conflictualité pour deux raisons : – un conflit qui a été réglé par le politique peut regagner en vigueur et être à nouveau une source de tensions (par exemple en cas de changement des acteurs en présence → ex : depuisla fin des années 90, il y avait un certain consensus de fait sur le passage du travail en 35h, alors qu'aujourd'hui ce thème redevient conflictuel) – il n'y a pas qu'un conflit dans la société, il en a une multitude, et lorsqu'un conflit est temporairement réglé, il est tout de suite remplacé par un conflit sur un autre thème (ex : de fait, leconflit des retraites est à l'heure actuelle réglé, mais il a tout de suite été remplacé par d'autres tensions, tel que le problème des gardes à vue) Le politique sert donc à donner un minimum d'unité à la collectivité, mais celle-ci est toujours provisoire et partielle.

Cela implique que le politique est constamment nécessaire, on ne peutpas s'en passer. Ainsi, on peut répondre aux questions qui se sont posées. – Au sens strict, un pouvoir est politique lorsqu'il dispose du monopole de la formulation et de l'application du droit.

Au sens large, un pouvoir est politique lorsqu'il participe à la régulationsociale (c'est en ce sens que l'activité syndicale a une dimension politique). – Un problème est politique lorsqu'il ne peut être réglé que par le pouvoir politique (ainsi, à l'heure actuelle, le problème de la répartition des tâches au sein du couple n'est pas unproblème d'ordre politique). Néanmoins, ces réponses sont loin d'épuiser le sujet, elles suscitent d'autres questions.

Il y a ainsi deux grandes séries de questions à se poser : – qui décide, qui détient le pouvoir politique ? → cette question se décompose en plusieurs sous-questions : quelles sont les forces politiques en présence (les acteurs ) ? ces forces politiques sont-elles distinctes des autres groupesconstitutifs de la société (les hommes politiques constituent-ils un groupe à part) ? Comment accède-t-on au pouvoir ? Quelle est l'application des citoyens dans les décisions qui sontprises ? – comment s'exerce ce pouvoir ?. »