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C.E. 31 mai 1957, ROSAN GIRARD, Rec. 355, concl. Gazier

Publié le 01/10/2022

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girard

« ACTES ADMINISTRATIFS INEXISTENCE C.E.

31 mai 1957, ROSAN GIRARD, Rec.

355, concl.

Gazier (D.

1958.152, note P.W.

: A.

J.

1957.11.273, chr.

Fournier et Braibant) Cons.

que le document e9,registré sous le n° 26.188 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ne constitue pas une requête dirigée contre le décret du 2 mai 1953, mais seulement une demande tendant à ce qu'il fût statué d'urgence par ledit conseil sur le pourvoi que le sieur Rosan Girard devait former contre le décret sus-mentionné : Sur la requête du sieur Rosan Girard .: Cons.

qu'aux termes de l'article 44 de la loi du 5 avr.

1884, « lorsqu'un conseil municipal ne peut être constitué, une délégation spéciale en remplit les fonctions »; que le décret attaqué, qui a institué une··délégation spéciale dans la commune du Moule (Guadeloupe), a été pris en application de cet article : Cons.

qu'il ressort des pièces versées au dossier qu'un procès-verbal de recensement général des votes, qui mentionne la proclamation de l'élection de vingt-sept conseillers municipaux et qui, d'après ses indications, a été dressé le 26 avr.

1953 à 24 heures, a été établi par le président et les membres du 1er bureau, chargé des fonctions du bureau centralisateur, à la suite des opérations électorales auxquelles il avait été procédé ledit jour dans la commune du Moule pour le renouvelle­ ment du conseil municipal; que, si le ministre de l'intérieur soutient, dans ses observations sur le pourvoi, qu'aucune proclamation n'aurait .. été faite publiquement et que le procès-verbal susmentionné constitue­ rait un document purement _ fictif, aucune pièce versée au dossier n'apporte un commencement de preuve à l'appui de ces allégations, expressément démenties par le requérant qui avait présidé le bureau centralisateur; que ni la circonstance que des incidents s'étaient pro­ duits pendant le· scrutin, ni le fait qu'en raison de la saisie par la gendarmerie de l'urne du 2° bureau et de son transfert à la préfecture en vue de son dépouillement par le _conseil de préfecture, siégeant en bureau électoral en vertu d'un arrêté préfectoral du 26 avr.

1953, d'ailleurs rapporté le lendemain, le recensement général, opéré par le bureau centralisateur, n'avait porté que sur les résultats de trois bureaux sur quatre, ne sauraient faire regarder comme inexistante la proclamation faite par ledit bureau; que les vices qui entachaient cette proclamation étaient seulement de nature à justifier l'annulation des opérations électorales par le juge de l'élection, régulièrement saisi à cette fin par un déféré du préfet ·ou par une protestation d'un électeur; que, dès lors, le préfet de la Guadeloupe, en prétendant constater, par _ son arrêté n° 53-618 du 27 avr.

1953, l'inexistence des opérations électorales effectuées le jour précédent dans la ville du Moule est intervenu dans une matière réservée par la loi à la juridiction adminis- ·trative; qu'eu égard à la gravité de l'atteinte ainsi portée par l'autorité · administrative aux .attributions du juge de l'élection, ledit arrêté doit être regardé comme un acte nul et non avenu; que, par suite, bien qu'il n'ait pas été déféré au juge compétent en premier ressort pour en déclarer la nullité, il ne saurait faire obstacle aux effets de la proclamation faite par le bureau centralisateur; Cons.

que, si le conseil de préfecture, siégeant comme bureau électoral, a constaté, le 29 avr.

1953, qu'il n'y avait lieu à proclamation, il ressort de ce qui a été dit ci-dessus qu'en l'état de l'instruction la proclamation de l'élection de vingt-sept conseillers municipaux doit être regardée comme ayant été faite le 26 avr.

1953 par le bureau centralisateur; que cette proclamation, qui n'a pas été attaquée devant le conseil de préfecture est devenue définitive; Cons.

qu'il résulte de tout ce qui précède que les dispositions sus-reproduites de l'article 44 de la loi du 5 avr, 1884, ne pouvaient recevoir légalement application en l'espèce; que, dès lors, le sieur Rosan Girard est fondé à soutenir que le décret attaqué, instituant une délégation spéciale au Moule en exécution de cet article, est entaché d'excès de pouvoir;...

(Décret annulé). OBSERVATIONS I.

- Des élections municipales eurent lieu dans la commune du Moule (Guadeloupe) le 26 avr.

1953.

Des incidents se , produisirent pendant le scrutin et lors du dépouillement.

Le soir, la gendarmerie saisit l'une des quatre urnes et le préfet enjoignit au docteur Rosan Girard, député communiste, maire sortant et président du bureau centralisateur, de faire porter à la préfecture les procès-verbaux de recensement des trois autres bureaux de vote, afin que le conseil de préfecture, siégeant en bureau électoral, procédât au dépouillement de l'urne saisie et à l'établissement-du procès-verbal général.

Le docteur Rosan Girard refusa de tenir compte de ces instructions; le bureau centralisateur proclama élue, à minuit, la liste communiste, sur la base des résultats qui étaient en sa possession. Au lieu de déférer ces résultats au conseil de préfecture selon la procédure habituelle, le préfet prit le 27 avr.

un arrêté constatant l'inexistence des opérations électorales.

Une déléga­ tion spéciale fut alors instituée par un décret du 2 mai 1953, pris en vertu de l'art.

44 de la loi du 5 avr.

1884; de nouvelles élections eurent lieu, le 5 juill.

suivant qui donnèrent la majorité aux listes non communistes.

Le docteur Rosan Girard et ses amis· attaquèrent à la fois les actes administratifs intervenus et les nouvelles opérations électorales.

Après avoir rejeté certains de leurs recours comme tardifs .ou portés devant une juridiction incompétente, le Conseil d'État leur donna satisfaction au fond par.deux arrêts d'assemblée du 31 mai 1957. Le Conseil d'Etat déclare : que l'arrêté du préfet constatant l'inexistence des opérations électorales du 26 avr.

1953, est lui-même inexistant; qu'ainsi, et bien qu'il n'ait pas été déféré en temps utile au juge compétent, il ne peut servir de base légale au décret qui a institué la délégation spéciale; que, d'autre part, la proclamation des résultats de ces élections par le bureau centralisateur est, elle, devenue définitive faute d'avoir été attaquée.

En conséquence ïl annule le décret insti­ tuant une délégation spéciale (décision Rosan Girard), et les élections du 5 juill.

1953 (décision CE 31 mai 1957, Lansier et Herem, Rec.

359). L'affaire n'était pas terminée pour autant.

Se refusant à tirer les conséquences de la chose jugée, le gouvernement, au lieu de faire procéder à l'installation du conseil municipal élu le 26 avr.

1953 et illégalement évincé de la mairie depuis quatre ans, prononça sa dissolution par décret du 4 juill.

1957 et institua une nouvelle délégation spéciale.

Ce décret fut annulé à son tour, sur un nouveau pourvoi du sieur Rosan Girard, par une décision du 9 nov.

1959 (Rec.

584; D.

1960.83, note M.

A.).

Entre temps, de nouvelles élections avaient eu lieu le 1er sept.• 1957 : la liste communiste avait emporté vingt sièges sur vingt-sept. Il.

- Sur le plan juridique, l'arrêt Rosan Girard est impor­ tant par l'application qu'il fait de la théorie de l'inexistence en _droit administratif.

Le Conseil d'État y qualifie, en effet, l'arrêté préfectoral du 27 avr.

1953 de « nul et non avenu», et cette expression signifie qu'il le considère comme inexistant. Cette inexistence juridique doit être distinguée de l'inexis­ tence matérielle.

Le juge administratif peut être amené à cons­ tater qu'un acte invoqué devant lui n'existe pas, au sens banal du terme, c'est-à-dire qu'il n'a, en fait, jamais été pris (C.

E. 26 janv.

1951, Galy, Rec.

46; S.

1951.3.52, concl.

Odent : acte dont aucune trace n'a pu être retrouvée dans les archives de l'administration; - 28 févr.

1947, Mégevand, Rec.

85; S.

1948.3.41, note Auby : prétendue délibération du conseil municipal qui n'était qu'une motion adoptée par un certain nombre de conseillers). Dans l'affaire Rosan Girard, le ministre avait soutenu qu'il n'y avait pas eu, en fait, de proclamation publique des résultats électoraux, et que le procès-verbal qui en faisait état était un document purement fictif : en l'absence de tout commencement de preuve apporté à l'appui de ces allégations démenties formellement par le président du bureau, le Conseil d'État les a écartées. Si la question de l'existence matérielle d'un acte ne pose que des problèmes pratiques de preuve, la notion d'inexistence juridique a fait l'objet, depuis Laferrière, de nombreuses études et controverses doctrinales.

Mais elle apparaît rarement dans la jurisprudence, et il est difficile de tirer du droit positif une théorie générale.

Les arrêts ne donnent que des indications fragmentaires sur son domaine et sur ses effets. a) Le domaine de la notion d'inexistence.

est incertain.

L'acte inexistant est toujours un acte entaché d'une illégalité particuliè­ rement grave et flagrante; mais il n'est pas possible, dans l'état ac,tuel de la jurisprudence, d'en donner une définition moins vague, qui énoncerait l'ensemble des conditions nécessaires et suffisantes applicables à toutes les hypothèses. L'on s'est demandé si la théorie de l'inexistence ne pouvait avoir le même champ d'application que celle de la voie de fait, qui a fait l'objet d'une jurisprudence abondante et précise (v. nos observ�tions sous T.

C..... »

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