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CAUSE

Publié le 06/12/2021

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CAUSE

Comme le faisait remarquer Aristote, on nomme cause tout ce qui répond à la question e pourquoi ? e ; en identifiant les types de réponses possibles à cette question, le Stagirite offre donc non seule­ment une classification des causes, mais aussi des divers modes d'explication. En un certain sens, la cause c'est ce dont la chose est faite (cause matérielle) ; en un autre sens, c'est la définition ou le modèle de la chose (cause formelle) ; c'est aussi ce dont vient le commencement de la chose (cause efficiente) ; et c'est encore la fin pour laquelle la chose est (cause finale). Cette classification fait clairement apparaître la liaison d'un certain langage causal avec une certaine conception du monde (ici la métaphysique substantialiste d'Aristote). On peut donc cerner la notion de causalité en analysant le langage qui l'exprime ; c'est pourquoi on peut formuler le problème philosophique de la causalité de la façon suivante : quels sont les éléments du langage causal que nous employons couramment, quelle conception de la réalité ce langage suppose-t-il, quelle est la valeur de cette conception, l'explication du réel peut-elle se satisfaire de ce langage, même élaboré ?


1.        La cause et l'effet

Notre langagejournalier est toujours centré autour d'une relation entre deux termes ; on dit que « A est la cause de B «, ou que « B est l'effet de A « ; une série causale est une suite de relations causales simples où l'effet dans la relation antérieure est la cause dans la relation suivante (A cause de B, cause de C, etc.). Une relation causale est toujours l'expression d'un rapport réel entre les êtres constituant le monde ; la proposition exprimant un rapport de causalité est donc toujours particulière. A un niveau plus élaboré, la notion de causalité donne pourtant lieu à des propositions universélles ; le principe de causalité est une proposition universelle : il affirme que quel que soit le phénomène consi­déré, il existe un phénomène qui peut être dit la cause du premier ; rien de ce qui est n'est sans cause (1).

On peut aussi constituer d'autres propositions universelles, en affirmant que le principe de causalité est valable pour des individus appartenant à certaines classes de phénomènes : tout homme est causé par un homme. L'introduction de propositions universelles de ce dernier type impose des hypo­thèses supplémentaires sur la structure du monde ; si je dis « tout printemps pluvieux est cause de mauvaises récoltes «, c'est en général pour justifier une prédiction du type « il a plu ce printemps, nos récoltes seront mauvaises « ; par conséquent, je postule que dans le cours du monde les séquences causales analogues se reproduisent indéfiniment, ou encore, selon l'expression de Hume, qu'il y a une connexion nécessaire entre certains phénomènes (2). C'est en vertu de connexions de ce type que l'action humaine peut changer le cours des phénomenes : en supprimant une cause, on supprime l'effet ; en introduisant une cause adéquate, on peut produire l'effet voulu. On peut convenir de nommer tout ce qui précède le langage classique de la causalité, son utilisation est quotidienne.

2.        Métaphysique et causalité

On peut se demander quels sont les êtres entre lesquels il y a relation causale. De façon générale, les classiques considèrent qu'il s'agit de substances. Sous l'influence du développement de la physique, on a tenté de réduire (à partir de Descartes) la relation causale à ce qu'Aristote nommait causalité efficiente ; dès lors, il s'agit d'expliciter une relation entre des corps situés dans l'espace et le temps. Ceci entraîne d'importantes difficultés ; d'abord affirmer que la causalité est une relation entre corps est ambigu lorsqu'on admet la permanence de ces corps : ce dont un corps est cause pour un autre corps par l'intermédiaire du choc, c'est seulement d'un état de mouvement ; ensuite, n'est-ce pas s'empêcher de concevoir une relation causale entre les êtres physiques et un être supraphysique nommé Dieu ? C'est pourtant en utilisant le principe de causalité que Leibniz parvient à démontrer l'existence de Dieu : si toute chose a


une cause, il faut supposer une cause première qui soit hors de la série des causes.

Puisque toute détermination du réel est réduite à la causa­lité, tout savoir suppose une forme quelconque du principe de causalité ; mais le rôle que joue ce principe entraîne-t-il qu'on doive considérer le monde comme une série causale avec un terme supérieur, à partir de quoi tous les êtres réels seraient en rapport de connexion necessaire ? Que penser alors de la liberté ? Pour la théorie de la connaissance, le problème fondamental est de savoir en quoi consiste la relation causale, d'où vient que nous la connaissons (à l'inverse, comment se fait-il que la relation causale que nous postulons soit valable pour le monde ? ), quel est le fondement du principe de causalité sous sa forme restreinte ou sous sa forme généralisée (régularité du cours du monde). Hume, en admettant que la causalité n'est qu'une relation acquise par habitude, détruit la métaphysique classique ; Kant en faisant de la causalité une catégorie de l'enten-demeni, en préserve l'universalité, mais entérine la réduction au monde sensible du domaine où se peut légitimement appliquer la relation causale.

Quelle que soit la solution philosophique choisie, les auteurs classiques ont en commun l'idée fondamentale que le discours ou la pensée qui est connaissance des choses cons­tituant le monde représente de façon univoque l'ordre de la causalité (3) : c'est parce qu'elle est savoir des causes que la science a puissance sur le monde, c'est parce qu'elle appartient à la fois à l'ordre de la réalité et à celui de la science que la cause est conçue comme raison d'être des phénomènes : mais la quotidienneté du langage classique de la causalité en justifie-t-elle l'universalité, c est-à-dire fonde-t-elle la valeur d'une conception de la science remontant à Aristote (4) ?

3.   Lois descriptives et lois causales

Le langage classique de la causalité laisse subsister la question de savoir en quoi consiste la relation causale ; l'effort exemplaire de Hume pour réduire cette dernière à la conti­guïté spatio-temporelle résoud la question d'une façon jugée parfois peu satisfaisante : on n'explicite pas pourquoi quelque chose est cause de quelqu'autre chose, ni comment s'effectue cette relation. Il a pu paraître légitime d'attendre de la physique cette explication ; le problème est alors de savoir si le langage de la physique classique correspond au langage classique de la causalité.

Les énoncés établis par la physique sont le plus souvent des lois descriptives, prenant la forme de fonctions mathéma­tiques, exprimant des relations déterminées entre quantités variables, auxquelles on est capable de donner un sens physique (ce qui correspond à la cohérence des concepts utilisés et à la possibilité d'une mesure). Ainsi la loi de la chute des corps e= Kt exprime que les espaces parcourus


par un mobile en chute libre sont fonction du carré des temps ; si un corps tombe, il tombe selon cette loi, qui est pure description du mouvement. On dispose alors d'un instrument de prédiction, jouant un rôle analogue à celui des propositions universelles du langage causal ; mais l'analogie s'arrête là : une loi descriptive n'indique pas pourquoi il y a mouvement ni comment en produire. C'est pourquoi Comte pensait que l'esprit positif doit abandonner la recherche des causes au profit de celle des lois.

Le langage de la physique classique n'est cependant pas tota­lement étranger au langage causal ; supposons en effet l'univers constitué de points matériels, tout point défini par sa masse mi , ses coordonnées xi, yi , zi , sa vitesse vi au temps tx ; un état de l'univers est idéfini par la donnée des quantités correspondant à tous les points au temps tx. Il est clair que si on pouvait effectivement mesurer cet état à un instant quelconque, les lois de la physique nous permet­traient de connaître tout état futur, et qu'on pourrait prétendre que l'état tl est causé par l'état t-1. C'est effecti­vement en ces termes que le physicien Laplace (5) fait l'hypothèse du déterminisme universel, en laquelle il faut voir la tentative de remplacer le langage causal classique par un langage mathématique qui comme lui aurait la propriété de représenter « l'ordre et la connexion des choses «. Einstein dans Comment je vois le monde explicite parfai­tement cette tentative : il faut distinguer les lois intégrales qui décrivent le mouvement considéré comme une totalité (ex. : loi de la chute des corps) et les lois différentielles qui montrent « comment de l'état de mouvement d'un système découle un mouvement qui le suit dans le temps «. Ces lois sont des lois causales dont l'exemple privilégié est la loi du mouvement de Newton (force = masse x accélération) par laquelle on exprime comment un système peut varier sous l'influence d'une force extérieure pendant un intervalle de temps infinitésimal.

·               Les limites du langage causal

Le langage de la physique classique ne correspond pas entie rement au langage causal classique ; dans son aspect diffé­rentiel, il peut sembler conserver le caractère essentiel du langage causal qui est d'engendrer une représentation de l'ordre des choses permettant la prévision exacte. Sie suis capable de calculer la valeur d'une quantité physique, alors je suis sûr qu'il existe un élément de réalité physique corres­pondant à cette quantité. Lorsqu'en 1927, par ses célèbres relations d'incertitude, Heisenberg pose qu'on ne peut mesurer à la fois la position et la vitesse d'une particule en mouvement, sans commettre une erreur dont les relations précisent le minimum, il met fin à cette conviction : ce que je peux prévoir, ce n'est pas une valeur déterminée de la variable à mesurer, mais les bornes entre lesquelles elle sera comprise. Quand les prévisions ne peuvent que se faire en termes de probabilité, il devient absurde de supposer que le


langage de la science est un décalque de l'ordre des choses, c'est-à-dire des êtres dont on suppose qu'ils constituent la réalité, à moins de considérer que le langage probabiliste cache notre ignorance des relations causales réelles (Einstein, de Broglie). Les limites du langage causal auquel notre culture nous fait spontanément adhérer sont celles de notre ontologie : il n'a plus cours là où les lois empiriquement vérifiables qui déterminent les phénomènes cessent de

pouvoir être considérées comme exprimant les rapports entre des êtres subsistant dans le continuum spatio-temporel (6).

Toute science suppose un certain type de déterminisme, celui-ci n'est pas forcément de type causal (7), il peut s'exprimer dans les lois, c'est-à-dire dans des formules établis‑

sant que certaines quantités sont des fonctions mathéma­tiques de certaines autres (8), alors même que ces quantités

ne correspondent pas à des êtres subsistant dans le monde,

1. D'où la négation du hasard au sens de ce qui est sans cause.

2. D'où la négation du hasard au sens de ce qui n'est pas prévi­sible.

3. A cet égard, la position extrême de Spinoza est caractéris­tique : dans la proposition 7, du Livre II de l'Ethique, il affirme que l'ordre et la connexion des idées sont les mêmes que l'ordre et la connexion des choses '  quand dans la démonstration de la proposition 9, il se réfère à cette proposition, en la citant il remplace le mot « chose « par le mot « cause «.

4. Second Analytique, I, 2 : « Nous estimons posséder la science d'une chose ( ...) quand nous croyons que nous connaissons la cause par laquelle la chose est, que nous savons que cette cause est celle de la chose, et qu'en outre, il n'est pas possible que la chose soit autre qu'elle n'est. «

5. Essai philosophique sur le calcul des probabilités, 1814.

6. Voir objectivité.

7. Le déterminisme laplacien apparaît comme une fiction puisqu'il y a une loi physique (les relations d'Heisenberg) dont on produit, démont.re et vérifie la formule, selon laquelle il est impossible de mesurer l'état de l'univers.

 

8. On trouvera aux articles humaines (sciences), structure, des indications sur l'utilisation de déterminismes non quantitatifs.

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