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Brève histoire de l’intervention publique dans la ville constituée

Publié le 11/10/2022

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« HISTORIQUE Brève histoire de l’intervention publique dans la ville constituée Les outils, procédures, servitudes et réglementations diverses sont le fruit d'une longue évolution historique et d'une addition de préoccupations expliquant une relative complexité.

Retracer brièvement cet historique et replacer les outils dans leur contexte et leur économie d'origine permettent d'éclairer et de rendre plus lisibles les politiques qu'ils expriment. L'ambition d'intervenir sur l'évolution des quartiers existants de la ville constituée est relativement récente et sa légitimité n'apparaît dans les différents domaines intéressant les activités humaines, y compris commerciales et privées, qu'après la deuxième guerre mondiale.

Cependant, les interventions en matière de police et de circulation, les préoccupations d'embellissement, apparaissent de façon explicite au XVIIe siècle, se développent au XVIII e siècle avec la mise en place des premiers outils et connaissent un début de systématisation au XIXe siècle. Avant la Première Guerre mondiale Jusqu'à la première guerre mondiale, les interventions relèvent essentiellement des préoccupations de police (sécurité et hygiène publique), alors qu’apparaît au XIX e siècle la notion de monument à protéger : mesures de police et servitudes constituent l'essentiel du dispositif. Trois axes fondent ces premières réglementations, toujours applicables aujourd'hui, même si leurs formes ont évolué : La protection de la voirie et la sécurité publique Ces préoccupations sont à l'origine de trois types de réglementations : la domanialité publique, les alignements et les immeubles menaçant ruine. La protection de la voirie publique contre les empiétements privés est une préoccupation constante des rois de France, tout d’abord pour des raisons de droit, des raisons de sécurité et pour faciliter la circulation, puis pour des raisons d'embellissement.

Cette protection de la voirie, ainsi que l'apparition de la « grande » et de la « petite » voirie, d'où est issu notre régime du domaine public, débouchera, au terme d'une longue série d'ordonnances royales édictées, notamment, à partir de 1607, sur la généralisation de l'alignement. Les alignements individuels sont imposés aux riverains pour élargir les rues, faciliter la circulation mais aussi aux fins d’embellissement, ainsi que pour créer et protéger les voies royales qui se multiplient dans les villes au XVIIIe siècle.

Ces alignements individuels seront remplacés par le Plan général d'alignement, rendu obligatoire pour toutes les villes en 1807.

Ce plan général est un système contraignant touchant les droits de la propriété privée et qui fonde, à la fois, l'expropriation et la servitude de reculement ; les Plans d'alignement sont également des ancêtres des plans d'urbanisme intéressant les tissus bâtis. La législation relative aux immeubles menaçant ruine correspond au souci de garantir la sécurité publique et résulte de l'insuffisance du Code civil quant à la responsabilité des propriétaires du fait des choses : le danger que ces bâtiments font courir aux usagers de la voie publique justifie la prescription par le maire de travaux de démolition ou de réparation aux propriétaires, dans des conditions fort protectrices de leurs droits et sous un strict contrôle du juge ; la législation en la matière date de 1898. L'hygiène publique La ville des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles est une ville extrêmement sale, sans aucun système collectif de ramassage d'ordures ni d'égout ; dès la Révolution française, les conditions catastrophiques de l'habitat sont avancées comme étant une cause de mortalité sinon d’immoralité. L'industrialisation du début du XIXe siècle ne fait qu'accentuer la misère des ouvriers et artisans et Source : Nancy BOUCHE –novembre 2012 1 leurs conditions de logement seront dénoncées par des hommes de lettre et de science et, notamment, par les médecins "progressistes" : "c’est la maison qui tue".

Les épidémies de choléra de la première moitié du siècle, à Marseille et à Paris, ancrent l'idée que ce sont les maisons qui sont porteuses de la maladie et que la destruction de celles-là permettrait d'enrayer celle-ci : ce postulat "écologique" est encore soutenu à la fin du siècle pour éradiquer la tuberculose.

Les maisons et îlots insalubres devront donc être détruits et les ouvriers relogés dans des maisons à l'extérieur de la ville, perçue par beaucoup comme lieu de débauche et de dissolution de la famille : l'hygiénisme est à la naissance du logement social construit dans des quartiers séparés, non sans connotations de morale sociale. Sous l'influence de ce mouvement "progressiste", une première loi est votée le 13 avril 1850 permettant l'expropriation et la démolition des îlots et immeubles insalubres.

Sont instituées les premières commissions municipales d'assainissement des logements pour repérer les immeubles et îlots insalubres et proposer aux conseils municipaux un plan d'action.

On rappellera qu'Haussmann est un hygiéniste et les grands travaux de modernisation de Paris qu'il entreprend ont aussi pour objectif d'équiper la ville des ouvrages indispensables à une gestion moderne (alimentation en eau potable, assainissement, éclairage public...). Faute d’application effective de la loi de 1850, la lutte contre l'habitat insalubre va être organisée, de façon fort moderne, par la grande loi de santé publique du 15 février 1902, base actuelle de notre code de la santé publique : institution du règlement sanitaire communal obligatoire, premières autorisations de bâtir, arrêtés d’insalubrité individuels, travaux d’office en cas de défaillance du propriétaire… Ces textes sont actualisés en 1935, qui marque le transfert de responsabilité à l’Etat, puis en1970 (loi Vivien).

La philosophie selon laquelle la destruction est le mode opératoire normal pour lutter contre l'habitat insalubre (avec relogement des habitants dans un logement social) sous-tend encore toute l'action publique.

Pourtant, dès 1829 Villermé avait déjà dénoncé cette idée selon laquelle c'étaient « les murs qui tuent », alors que, pour lui, c'était avant tout la misère. Relève également du mouvement hygiéniste l'obligation imposée aux propriétaires de maintenir en état de propreté les façades de leurs immeubles et de les ravaler tous les dix ans (décret de LouisNapoléon Bonaparte de 1852). La protection des Monuments et des Sites C'est aussi au XIXe siècle que la protection des Monuments, puis des Sites, apparaît comme une nécessité dans un monde qui voit se transformer si rapidement ses villes traditionnelles et disparaître les témoignages de son passé. Ludovic Vitet, premier inspecteur des Monuments historiques, commence en 1830 à parcourir la France pour recenser les édifices les plus remarquables et alerter les pouvoirs publics des dangers qui les menacent ; Mérimée lui succède en 1834 et la première commission des monuments historiques est constituée en 1837.

Les premières listes de monuments sont établies à partir de 1840. Viollet le Duc devient à partir de 1840 le conseiller favori de Mérimée et le principal architecte restaurateur des Monuments historiques, et le restera jusqu'en 1874. Il faut cependant attendre 1887 pour qu'une première législation institue un régime de protection des Monuments historiques, servitude qui, jusqu'en 1913 (date des textes actuels) ne sera pas imposée aux propriétaires sans leur consentement.

En 1906, naît la première protection des Sites selon un régime parallèle à celui des Monuments historiques, régime lui-même actualisé en 1930. La conservation des Monuments et des Sites pittoresques, d’abord objets ponctuels, est assurée par un strict contrôle des démolitions et un système d'autorisation de travaux après avis d'une commission, et c’est la première intervention limitant la liberté des propriétaires « d’abuser » de leur bien, dans un intérêt public – celui de garder les traces majeures de la mémoire d'une société en voie de bouleversement profond. Source : Nancy BOUCHE –novembre 2012 2 Après la Seconde Guerre mondiale A partir de cette époque, se mettent en place la quasi-totalité des outils existant aujourd'hui pour répondre à de nouvelles préoccupations. Cependant, cette mise en place ne se fait pas de façon linéaire mais elle est clairement marquée par deux grandes phases : avant 1975 et depuis 1975.

Par ailleurs, la décentralisation de l'urbanisme en 1983 ouvre une troisième période. Entre les deux guerres mondiales Durant cette période, dans ce domaine, règne un quasi-immobilisme. Les premiers plans d'urbanisme, liés à la Reconstruction, voient le jour en 1919 (plans d'aménagement, d'extension et d'embellissement – loi Cornudet – dont l'efficacité et l'opérationalité seront fort diverses dans les villes, au point d’être considérés comme des échecs). D'une manière générale, on intervient peu et on construit peu en France à cette époque.

Depuis 1916 et pour des raisons sociales afin de protéger les locataires, les loyers ont été bloqués par un moratoire qui se perpétuera jusqu'après la Seconde Guerre mondiale, et sera conforté en 1948.

Ce blocage des loyers aura pour conséquence d’entraîner une grave absence d'entretien et de modernisation des immeubles locatifs privés, d'amorcer un désintérêt profond des propriétaires privés vis-à-vis des « immeubles de rapport », aggravant une crise du logement latente depuis le début du siècle. Pourtant, les principales théories de l'urbanisme sont élaborées entre les deux guerres mondiales et leur mise en œuvre opérationnelle s'effectue après la seconde.

De façon très schématique, on citera, en premier lieu, le mouvement moderne, dans la filiation hygiéniste, dont les idées sont systématisées par les Congrès internationaux d’architecture moderne (CIAM) et formalisées par la charte d'Athènes en 1933 ; ce mouvement d’idées fondera, après la seconde guerre mondiale, à la fois le traitement des tissus bâtis anciens et la création des grands ensembles.

En second lieu, on rappellera la réunion, en 1931, également à Athènes et sous l'égide de la Société des Nations, d'une conférence sur la conservation artistique et historique des monuments, qui jette les bases d'une politique des abords, de l'environnement des Monuments historiques, de ce que l'on appelle aujourd'hui le « patrimoine urbain ».

Belges et Italiens seront, en particulier, les pionniers de cette approche nouvelle du patrimoine, concrétisée en France par la loi du 25 février 1943 relative à la protection des abords des Monuments historiques. De 1945 aux années 1975 La priorité est donnée à la reconstruction, puis à la construction neuve de masse pour répondre aux immenses besoins en logements nés à la fois des destructions de la guerre, de l'extrême vétusté du bâti existant et de l'afflux de populations nouvelles dans les villes.

A ces objectifs répondent les décrets de 1958, puis la loi d'orientation foncière de 1967.

L'intervention dans les quartiers anciens – qui souffrent toujours de leur image d'insalubrité, de vétusté, d'inadaptation aux modes de vie contemporains et dont les rues manquent de largeur et de lumière – se fait par le mode de la destruction après expropriation et relogement des habitants dans des logements aux nouvelles normes de la modernité, soit en périphérie, soit dans les quartiers anciens rénovés : ce sont les opérations de Rénovation urbaine, lancées en 1956, systématisées par les décrets de 1958 et bénéficiaires de subventions publiques jusqu'en 1975-1976.

Environ 300 opérations de Rénovation urbaine, concernant moins de 2000 hectares et ayant entraîné la démolition de 120 000 logements et la construction de 190 000 logements seront engagées.

Quantitativement, la Rénovation urbaine est un échec si l'on compare ces chiffres aux quelques 450 000 taudis recensés en 1954 et aux 6 millions de logements vétustes recensés en 1963. Les opérations de Rénovation urbaine font très vite l'objet d'une double contestation, socioéconomique et culturelle.

La première est fondée à la fois sur l'inefficacité du dispositif pour résorber la vétusté des logements et améliorer les conditions d'habitat de la population, sur le coût des opérations et sur le processus mis en œuvre – expropriation systématique – avec ses conséquences sociales, le relogement par déplacement des populations.

Cette contestation économique et sociale Source : Nancy BOUCHE –novembre 2012 3 donne lieu à une réflexion approfondie d'experts sur les conditions nécessaires à l'amélioration de l'habitat et à la lutte contre les taudis, qui débouchera sur la définition de normes minimales d'habitabilité puis sur la première loi sur l'amélioration de l'habitat en 1967, accompagnée de nouveaux financements des travaux. La seconde contestation émane du service des Monuments historiques, confronté aux opérations de destruction de tissus urbains et de reconstruction aux abords des Monuments historiques, dont il a à connaître; avec un certain retard, sur l'Italie par exemple, la France prend conscience de la valeur patrimoniale de ces quartiers anciens qui deviendront « historiques », et invente en 1962 un outil d'urbanisme spécifique pour les protéger, mais aussi pour permettre leur restauration et leur adaptation aux besoins de la vie contemporaine : le Secteur sauvegardé avec son Plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur.

Cette même « loi Malraux » créé un outil alternatif à la Rénovation urbaine – le Périmètre de restauration immobilière (PRI) – et prévoit que les travaux pourront être entrepris, soit comme.... »

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