André Gide déclare à propos de la littérature: "On ne fait pas de bons romans avec de bons sentiments. " Ce jugement semble-t-il s'appliquer à la Princesse de Clèves?
Publié le 15/03/2024
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Millie
Mennecier
103
Dissertation
André Gide déclare à propos de la littérature: "On ne fait pas de bons romans avec de
bons sentiments.
" Ce jugement semble-t-il s'appliquer à la Princesse de Clèves?
“Le but suprême du romancier est de nous rendre sensible l'âme humaine, de nous
la faire connaître et aimer dans sa grandeur comme dans sa misère, dans ses victoires et
dans ses défaites.
Admiration et pitié, telle est la devise du roman.”.
C’est ce que Georges
Duhamel soutient dans Essai sur le roman.
En effet, le roman permet d’offrir un miroir au
lecteur.
Par ailleurs, André Gide affirme qu « on ne fait pas de bons romans avec de bons
sentiments ».
Cela voudrait dire que la qualité d’un roman serait déterminée par les
sentiments que les divers personnages pourraient ressentir.
Cependant, peut-on tout de
même réduire la qualité de la littérature à des sentiments uniquement? Effectivement, à
première vue, Mlle de Chartres apparaît comme étant une jeune fille vertueuse,
éduquée… Est -ce que signifierait qu’elle ne remplirait pas les critiques énoncées par
Gide? La réponse semble négative car il y a une face cachée présente dans le roman: la
Cour, espace hypocrite et malveillant.
C’est alors le style qui démarque le bon roman
avec le mauvais.
Nous allons donc commencer par définir le sujet et ses enjeux, puis nous verrons
comment l’auteure contraste personnages vertueux à personnages immoraux, pour enfin
finir sur ce qui définit un bon roman.
Nous allons donc commencer par définir les termes du sujet.
En effet, André Gide
déclare qu“on ne fait pas de bons romans avec de bons sentiments”.
Il s’agit dors et déjà
de comprendre ce que sont les bons sentiments, opposés au mauvais sentiments.
Les
sentiments dont Gide parle ici sont ceux des personnages, et non ceux de l’auteur.
De ce
fait, les romanciers peuvent nous partager une infinité de sentiments différents, tels que la
jalousie, la haine, la peur, la passion, l’enthousiasme, etc.
Certains sont considérés
comme étant vertueux tandis que d’autres défectueux.
Les bons sentiments se rapportent
à la vertu, l’honnêteté, le courage, la loyauté… tout ce qui est vu comme moral dans la
société.
Ces qualités peuvent être associées à La Princesse de Clèves, notamment lors de
sa première apparition.
Effectivement, elle est présentée comme étant un modèle de
perfection.
Sa mère,Madame de Chartres a tenu à ce qu’elle soit extrêmement bien
éduquée.
Le vocabulaire de l'éducation est répété tout au long du passage: “éducation”,
“travailla” et “cultiver”.
Cela renforce la détermination de Madame de Chartres voulant
faire de sa fille quelqu’un de vertueux et de lettré.
Dans le but de plaire aux hommes, il
faut “cultiver son esprit et sa beauté”, c'est-à- dire qu’il faut être brillante, prendre soin de
soi et faire attention à son apparence.
Apporter de la “vertu” est également primordial.
Voici donc un exemple de ‘bons sentiments’ dans La Princesse de Clèves.
Cependant, les
mauvais sentiments sont également présents, comme la jalousie, la haine, la tromperie,
etc.
En effet, après s'être mariée avec le Prince de Clèves, la Princesse de Clèves tombe
amoureuse du Duc de Nemours.
Tout le long du livre, elle lutte entre vertu et passion, le
devoir et l’amour.
Quand elle avoue enfin ses sentiments pour un autre homme à son
mari, celui-ci meurt de chagrin.
Cette fin tragique pour le Duc de Nemour confirme que
les mauvais sentiments sont bel et bien réels.
Après avoir analysé les termes du sujet, il
faut maintenant montrer en quoi les mauvais sentiments sont tout aussi importants que les
bons.
André Gide confirme qu’aucun roman ne peut être attrayant sans qu’il y ait de
mauvais sentiments.
Effectivement, que ce soit dans le roman, dans le théâtre, dans la
littérature d’idées… un antagoniste est essentiel dans le développement de l’histoire, ainsi
que dans celui du protagoniste.
Du grec ἀνταγωνιστής qui signifie l’ennemi, le vilain,
dans le théâtre grec antique, c’est un personnage, un groupe de personnages, ou une
institution, qui représente l'opposition du protagoniste.
Il permet au héros de progresser,
de se révéler, et de se prouver.
Cependant, dans La Princesse de Clèves, il n’y en a pas.
On pourrait considérer dans une certaine mesure que c’est en réalité Mademoiselle de
Chartres qui est son propre ennemi.
En effet, elle s’empêche toute seule de succomber à
ses passions, ce qui l'entraîne à la mort.
On va désormais voir comment Madame de
Lafayette met en scène des personnages vertueux et mauvais.
Il est maintenant primordial de s’attarder sur Mlle de Chartres, qui dès son
apparition, est un personnage modèle.
Elle correspond exactement à l’idéal féminin du
XVIIe siècle.
Son teint clair et ses cheveux blonds sont les traits physiques à rechercher
en ce moment, montrant la pureté de la princesse.
Au début, on ne savait rien du rôle de
cette jeune femme.
Elle a toutes les valeurs qu'une dame de la cour doit posséder: elle est
l'incarnation de la vertu, de la beauté et des pensées sensibles.
Il convient de noter qu'au
commencement de l'histoire, elle n'était décrite que comme très belle et humble, mais le
lecteur a ensuite appris qu'elle avait beaucoup de sincérité, un cœur noble et reflétait la
sagesse à la fin du roman.
Au début du roman, lorsqu'elle a comparu devant la cour, à
part l'histoire de sa mère, elle ne connaissait pas l'amour.
Après être restée à la cour
pendant quelques mois, elle s'est mariée avec un homme qu’elle n’aimait pas mais a
trouvé l'amour chez quelqu’un d’autre, le Duc de Nemour.
Cependant, il lui faut du temps
pour découvrir qu'elle est vraiment amoureuse.
C’est sa mère qui le découvre : “Mais
Mme de Chartres ne le voyait que trop, aussi bien que le penchant que sa fille avait pour
lui.
Cette connaissance lui donna une douleur sensible ; elle jugeait bien le péril où était
cette jeune personne, d’être aimée d’un homme fait comme M.
de Nemours pour qui elle
avait l’inclination”.
Malgré le fait qu’elle aime un autre homme que son mari, la
Princesse de Clèves est un réel modèle voulant lutter contre ses sentiments en demandant
conseil à sa mère.
Celle-ci lui dit : “Ayez de la force et du courage, ma fille, retirez- vous
de la cour, obligez votre mari de vous emmener ; ne craignez point de prendre des partis
trop rudes et trop difficiles”.
Malheureusement, Madame de Chartres meurt plus tard dans
l’histoire et la princesse perd donc son pilier.
Voulant respecter ses valeurs, elle tente
néanmoins de supprimer ses sentiments pour le Duc de Nemours, sans grand succès.
Il
faut noter qu’elle n’a que seize ans, et que cette héroïne a énormément souffert.
Lorsqu’elle avoue enfin ce qu’elle ressent pour le Duc de Nemours à son mari, elle fait
preuve d’un courage héroïque.
C’est un aveu exceptionnel, sincère : “Je vous demande
mille pardons, si j’ai des sentiments qui vous déplaisent, du moins je ne vous déplairai
jamais par mes actions.
Songez que pour faire ce que je fais, il faut avoir plus d’amitié et
plus d’estime pour un mari que l’on en a jamais eu ; conduisez-moi, ayez pitié de moi, et
aimez-moi encore, si vous pouvez”.
Cette révélation prouve que malgré tout, la princesse
se sent coupable, et qu’elle a choisi la voie de l’honnêteté, faisant encore une fois d’elle
un personnage exemplaire.
De plus, même après la mort de son mari, elle refuse l’amour
du Duc de Nemours.
À l'inverse, si la souffrance du duc de Nemours est réduite à une
disparition complète, l'austérité religieuse de la Princesse de Cleves est un exemple de
vertu.
Malgré la vertu de la princesse, cette France du XVIIe siècle était un véritable nid
d’hypocrites.
En effet, l'hypocrisie et le masque sont des concepts très importants dans les
œuvres de Mme Lafayette.
La cour est un monde cruel et impitoyable, où les intérêts
dominent, l'ambition, la vanité, et une fois.
C’est un axe où règnent l’apparence, la beauté
mais aussi la complexité, le double jeu et la dissimulation.
Elle est alors l’espace
anti-religieux par excellence.
La Princesse de Cleves tente tout au long du roman de s’en
extirper, sans succès.
Cela est soit due à cause de son mari, soit à cause de ses obligations
sociales.
La cour est donc un espace dangereux qui empêchent même les personnes les
plus vertueuses de s’en échapper.
Par ailleurs, Madame de Chartres prévient sa fille: “ si
vous jugez sur les apparences en ce lieu-cy, vous serez souvent trompée : ce qui paraît
n’est presque jamais la vérité”.
Les individus vivent constamment sous l'œil vigilant de la
société.
Ce poids est si grand que chacun doit briller à....
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