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André Bonnard, De l'Iliade au Parthénon.

Publié le 02/07/2020

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« Tout spectacle tragique est le spectacle d'un conflit. Un «drama », disent les Grecs, une action. Un conflit coupé de chants d'angoisse, d'espoir ou de sagesse, parfois de triomphe, mais toujours, et jusque dans les chants lyriques, une action qui nous rend haletants, parce que nous y participons, nous spectateurs, suspendus entre la crainte et l'espoir, comme s'il s'agissait de notre propre sort : le heurt d'un homme de quatre coudées (de deux mètres), dit Aristophane, d'un héros contre un obstacle donné comme infranchissable et qui l'est, la lutte d'un champion, et qui paraît être le champion de l'homme, notre champion, contre une puissance envelopée de mystère — une puissance qui la plupart du temps, avec ou sans raison, écrase le lutteur. • Les hommes qui la soutiennent ne sont pas des «saints», quoiqu'ils mettent leur recours en un dieu juste. Ils commettent des fautes, la passion les égare. Ils sont emportés et violents. Mais ils ont tous quelques grandes vertus humaines. Tous, le courage; plusieurs, l'amour de leur pays, l'amour des hommes; beaucoup, l'amour de la justice et la volonté de la faire triompher. Tous encore, ils sont épris de grandeur. Ils ne sont pas des saints, ils ne sont pas des justes : ils sont des héros, c'est-à-dire des hommes qui, à la pointe de l'humanité, illustrent par leur lutte, illustrent en actes, l'incroyable pouvoir de l'homme de résister à l'adversité, de renverser le malheur en grandeur humaine et en joie — et cela, pour les autres hommes, et d'abord pour ceux de leur peuple. Quelque chose est en eux qui exalte en chacun des spectateurs auxquels s'adresse le poète, qui exalte encore en nous la fierté d'être homme, la volonté et l'espoir de l'être toujours davantage, en élargissant la brèche ouverte par ces hardis champions de notre espèce dans l'enclos de nos servitudes. «L'atmosphère tragique, écrit un critique, existe toujours dès que je m'identifie au personnage, dès que l'action de la pièce devient mon action, c'est-à-dire dès que je me sens engagé dans l'aventure qui se joue... Si je dis «je», c'est mon être entier, mon destin entier qui entre en jeu. » Contre quoi donc se bat le héros tragique? Il se bat contre divers obstacles auxquels les hommes se heurtent dans leur activité, les obstacles qui gênent le libre épanouissement de leur personne. Il se bat pour qu'une injustice ne soit pas, pour qu'une mort n'ait pas lieu, pour que le crime soit puni, pour que la loi d'un tribunal l'emporte sur le lynchage, oour que les ennemis vaincus nous inspirent fraternité, pour que le mystère des dieux ne soit plus mystère mais justice, à tout le moins pour que la liberté des dieux, si elle doit nous rester incompréhensible, n'offense pas la nôtre. Simplifions : le héros tragique se bat pour que le monde soit meilleur ou, s'il doit rester tel qu'il est, pour que les hommes aient plus de courage et de sérénité pour y vivre. Encore ceci : le héros tragique se bat dans le sentiment paradoxal que les obstacles qu'il rencontre dans son action sont à la fois infranchissables et nécessaires à franchir, du moins s'il veut rejoindre sa propre totalité, accomplir cette périlleuse vocation de grandeur qu'il porte en lui, cela sans offenser ce qui subsiste encore dans le monde divin de jalousie (némésis), sans commettre la faute de démesure (hybris). Le conflit tragique, c'est donc une lutte engagée contre le fatal, dont il s'agit, pour le héros qui l'engage, d'affirmer et de montrer en acte qu'il n'est pas fatal ou ne le restera pas toujours. L'obstacle à vaincre est mis sur sa route par une pui^nce inconnue sur laquelle il n'a pas de prise et que, dès lors, il appelle divine. Le nom le plus redoutable qu'il donne à cette puissance est celui du Destin. La lutte du héros tragique est dure. Si dure qu'elle soit et si condamné que paraisse l'effort du héros, il l'entreprend — et nous, public athénien, spectateur moderne, nous sommes avec lui. Il est très frappant que ce héros condamné par les dieux ne soit pas humainement condamné, j'entends par la foule des hommes qui assistent au spectacle. La grandeur ‘ du héros tragique est une grandeur frappée : le plus souvent il meurt. Mais il se passe ceci : cette mort, bien loin de nous désespérer, comme nous nous y attendions, au-delà de l'horreur qu'elle nous inspire, nous remplit de joie. Ainsi fait la mort d'Antigone, d'Alceste, d'Hippolyte et de bien d'autres. Et tout au long du conflit tragique, il s'est passé ceci : nous avons -participé à la lutte du héros avec un sentiment d'admiration et, je dirai, d'étroite fraternité. Cette participation, cette joie ne peuvent signifier qu'une chose — puisque enfin nous sommes des hommes — c'est qufi! la lutte du héros contient jusque dans sa mort-témoigne une promesse, la promesse que l'action du héros contribue à nous affranchir du destin. Sinon, le plaisir tragique, spectacle de notre malheur, resterait incompréhensible. André Bonnard, De l'Iliade au Parthénon. ...»



« 1 / 2 Tout spectacle tragique est le spectacle d'un conflit.

Un « drama � disent les Grecs, une action.

Un conflit coupé de chants d'angoisse, d'espoir ou de sagesse, parfois de triomphe, mais toujours, et jusque dans les chants lyriques, une action qui nous rend haletants, parce que nous y parti cipons, nous spectateurs, suspendus entre la crainte et l'espoir, comme s'il s'agissait de notre propre sort : le heurt d'un homme de quatre coudées (de deux mètres), dit Aristophane, d'un héros contre un obstacle donné comme infranchissable et qui l'est, la lutte d'un champion, et qui paraît être le champion de l'homme, notre champion, contre une puissance envelopée de mystère une puissance qui la plupart du temps, avec ou sans raison, écrase le lutteur.

· Les hommes qui la soutiennent ne sont pas des «saints», quoiqu'ils mettent leur recours en un dieu juste.

Ils commettent des fautes, la passion les égare.

Ils sont emportés et violents.

Mais ils ont tous quelques grandes vertus humaines.

Tous, le courage; plusieurs, l'amour de leur pays, l'amour des hommes; beaucoup, l'amour de la justice et la volonté de la faire triompher.

Tous encore, ils sent épris de grandeur.

Ils ne sont pas des saints, ils ne sent pas des justes : ils sont des héros, c'est-à-dire des hommes qui, à la pointe de l'humanité, illustrent par leur lutte, illustrent en actes, l'incroyable pouvoir de l'homme de résister à l'adversité, de renverser le malheur en grandeur humaine et en joie -et cela, pour les autres hommes, et d'abord pour ceux de leur peuple.

Quelque chose est en eux qui exalte en chacun des spectateurs auxquels s'adresse le poète, qui exalte encore en nous la fierté d'être homme, la volonté et l'espoir de l'être toujours davantage, en élargissant la brèche 2 / 2. »

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