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Analyse linéaire Prologue Gargantua (pp. 19 à 21 Belin/Gallimard)

Publié le 17/04/2024

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« Analyse linéaire Prologue Gargantua (pp.

19 à 21 Belin/Gallimard) Attention : réajustez le numéro des lignes en fonction du texte proposé (voir fiche ENT TX OE 2) et non de l’édition du livre (Lecture de l’extrait) (Présentation de l’œuvre générale) Deux ans près Pantagruel, paru en 1532, François Rabelais publie Gargantua, une parodie des romans de chevalerie.

Il est l’un des premiers auteurs à représenter, cachée derrière l’histoire de héros gigantesques, la réalité du monde qui l’entoure et à proposer une réflexion psychologique sur certains états de l’homme.

Gargantua est à ces égards considéré comme l’un des premiers romans modernes.

L’ouvrage rencontre un franc succès dès sa publication. Cela s’explique d’une part grâce à l’aspect grassement comique et d’autre part à la finesse de la réflexion et au message humaniste qui émaillent le récit.

Malgré la censure exigée par la Sorbonne, Rabelais rencontre de nombreux soutiens dont le poète de la Pléiade du Bellay et devient un auteur référent dont se réclameront une multitude d’écrivains, parmi les plus illustres : Montaigne (fin XVI), La Fontaine (XVII), Voltaire (XVIII), Balzac (XIX), Georges Brassens (chanteur du XX s). (Situation de l’extrait) L’extrait que je me propose d’étudier est le second texte liminaire, « le prologue de l’auteur ». Il est précédé du poème intitulé « aux lecteurs » dont le célèbre dernier vers « rire est le propre de l’homme » donne le ton du récit.

Le prologue, dont le but majeur est d’inciter à la lecture de l’ouvrage, poursuit cette intention, celle de divertir le lecteur, de le faire rire.

Mais l’auteur prévient que ce rire est loin d’être gratuit, il doit au contraire permettre à l’homme d’accéder à une réflexion joyeuse.

Ce prologue invite donc à aller au-delà des apparences. (Problématique et mouvements) Il s’agira de démontrer, à l’aide de 4 mouvements, en quoi ce prologue est paradoxal, mêlant superficialité et profondeur et invitant aussi bien au rire qu’à la réflexion: - 1er mouvt : L.

1 à 10 : « Buveurs… rigolade.

» : la frivolité des lecteurs - 2e mouvt : L.

10 à 21 : « Mais il ne faut pas… impromptu.

» : raisonnement sur les dangers des apparences - 3e mouvt : L.

22 à 34 : « Avez-vous jamais crocheté… L’Usage des parties du corps » : développement de la pensée par l’exemple du chien - 4e mouvt : L.

35 à 38 : « Sur ce modèle… moelle.

» : leçon finale (Je vais maintenant procéder à l’analyse linéaire de l’extrait) - 1er mouvement : L.

1 à 10 : « Buveurs… rigolade.

» : la frivolité des lecteurs (1) Buveurs très illustres, et vous vérolés (1) très précieux (car c'est à vous, et à nul autre, que sont dédiés mes écrits) (…) À quel propos, à votre avis, tend ce prélude et coup d'essai ? Parce que vous, mes bons disciples, et quelques autres fous qui n’ont rien à faire, en lisant les (5) joyeux titres de certains livres de notre invention, comme Gargantua, Pantagruel, Fessepinte, La dignité des braguettes, Des pois au lard avec un commentaire (2), etc., vous jugez trop facilement qu'ils ne traitent à l’intérieur que moqueries, folâtreries (3) et mensonges joyeux, puisque l'enseigne extérieure (c’est le titre) si on ne cherche pas plus loin, est communément reçue (10) à dérision et rigolade. - - - - L.

1 et 2 : le texte débute par une apostrophe directe à ses lecteurs, de la part de l’auteur omniprésent (emploi du déterminant possessif « mes » L.

2), placée sous le signe de la bonne humeur et de la provocation : les 1ères appellations « buveurs, vérolés » dénotent des lecteurs bons vivants avides de plaisirs, cela démontre d’emblée la complicité manifeste instaurée par l’auteur avec son lectorat (il le connaît bien et partage ses « activités » = compagnons de plaisirs).

Ces noms sont accompagnés d’adjectifs mélioratifs précédés de l’adverbe d’intensité « très » : l’élévation contenue dans ces adj.

« illustres, précieux » contredit la bassesse des noms, cette apostrophe initiale est par conséquent un appel à la dérision et une invitation à ne pas se prendre au sérieux.

Le registre burlesque (emploi de termes comiques, vulgaires, prosaïques pour caractériser des sujets, faits nobles – ici la lecture) ouvre ainsi le récit. L.

3 à 6 : rupture de ton et de thème : la question posée directement au lecteur « à votre avis » (3) fait maintenant appel à sa réflexion.

Le rire est désormais terminé, malgré la présence de son champ lexical (L.

5 à 10) : « joyeux, moqueries, folâtreries, mensonges, dérision, rigolade », d’ailleurs l’auteur prend à partie la nonchalance et la légèreté de ses « bons disciples » (L.

4) avec l’emploi de la négation (l.

4) « n’ont rien à faire » et l’accusation directe L.

6 : « vous jugez trop facilement », de même qu’il pratique l’autodérision en énumérant les supposés titres de son œuvre (seuls Gargantua et Pantagruel existent) ; ces titres relevant du burlesque sont inventés pour tourner en dérision tout ce qui est noble, respectable (propre du burlesque). L.

7 à 10 : apparaît à travers l’antithèse « intérieur (8) / extérieur (10) » le 1er message implicite invitant à aller au-delà des apparences.

Le ton de Rabelais gagne en sérieux et gravité avec la mise en garde explicitement énoncée par la proposition subordonnée circonstancielle d’hypothèse L.

9 : « si on ne cherche pas plus loin » et la condamnation de la facilité à travers les expressions verbale « vous jugez » (L.

7) et adverbiale « communément » (L.

10).

Ce 1er mouvement débutant légèrement se clôt sur un ton plus sérieux avec cet appel à la réflexion. 2e mouvement : L.

10 à 21 : « Mais il ne faut pas… impromptu.

» : raisonnement sur les dangers des apparences (10) Mais il ne faut pas juger si légèrement les œuvres des humains.

Car vousmêmes vous dites que l'habit ne fait pas le moine, et tel est vêtu d’habits monacaux qui au-dedans n'est rien moins que moine ; et tel est vêtu d'une cape à l’espagnole qui, dans son cœur, n’appartient nullement à l’Espagne.

C'est pourquoi il faut ouvrir le livre et soigneusement peser ce qui y est raconté.

Alors (15) vous connaîtrez que la drogue qu’il contient est de bien autre valeur que ne le promettait la boîte.

C'est-à-dire que les matières traitées ici ne sont pas si folâtres que le titre dessus le prétendait. Et en supposant le cas où vous trouveriez au sens littéral des sujets assez joyeux et correspondant bien au nom (4), toutefois il ne faut pas en rester là, (20) comme au chant des sirènes (5), mais il faut interpréter à plus haut sens ce que, peut-être, vous croyiez dit impromptu (6). - Ce 2e mouvt est la continuité de la fin du 1 er puisque Rabelais y développe son raisonnement esquissé dans le préambule : il s’articule en une démonstration structurée par l’emploi de nombreux connecteurs logiques : « mais (10) car (10) c’est pourquoi (13, 14) alors (14) en supposant le cas où (18) toutefois (19) mais (20) ». - - - - L.

10, 11 : la conjonction de coordination « mais » confirme la rupture avec « la rigolade » (dernier mot du 1er mouvt) et introduit un 1er argument à valeur injonctive (emploi du verbe impersonnel à la forme négative « il ne faut pas ») sur les dangers du jugement arbitraire. L.

11 : « Car vous-mêmes vous dites » : ce verbe de parole, introduit par le connecteur logique de cause, va illustrer l’argument précédemment cité.

L’auteur s’appuie alors sur l’expérience du lecteur « vous-mêmes », de même que l’emploi du verbe « vous dites », outre la confirmation de la proximité entre l’auteur et le lecteur, fait penser à une conversation entre eux - ce qui rappelle la méthode d’enseignement de Socrate fondée sur le dialogue avec ses « disciples », autre.... »

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