« Partie de pêche » (in Sido, suivi de Les Vrilles de la vigne [1908]) Colette
Publié le 21/06/2023
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«
« Partie de pêche » (in Sido, suivi de Les Vrilles de la vigne [1908])
Colette
Problématique : À partir d’une description de la Baie de Somme, cet extrait présente la nature comme un grand tout animé, dans lequel les éléments et
les humains échangent leurs propriétés pour accomplir une symbiose.
Premier mouvement : Description de Marthe comme en symbiose avec l’océan
Procédés littéraires
Citations
Effets produits / interprétations
Énumération qui repose sur le CL de la nourriture : L’énumération, qui met en évidence des caractéristiques
« grasse, juteuse, acidulée »
gourmandes, présente la criste-marine comme une plante
généreuse et comestible, et confère au tableau une atmosphère
de grande sensualité.
Pourtant, çà et là, verdit la criste-marine, grasse,
juteuse, acidulée, chair vive et tendre de ces
dunes pâles comme la neige…
L’accumulation de couleurs rappelle l’esthétique picturale de
CL de la couleur : « marine » (nom de la plante), l’impressionnisme, et l’adverbe « ça et là », qui ponctue le
« verdit », « pâles comme la neige »
paysage de criste-marine, semble corroborer cette impression
picturale.
1
Comparaison : « dunes pâles comme la neige »
La comparaison fait saillir un effet de contraste entre la chaleur
des dunes – le sable étant associé à des environnements chauds
comme le désert ou la plage –, et la pâleur de la neige, laquelle
évoque plutôt le froid.
Ce contraste intensifie la brillance des
couleurs, et permet de s’imaginer une luminosité franche.
Antithèse : « poison » / « mon amie »
L’antithèse, formée par l’incise « mon amie », dont la valeur
méliorative témoigne d’une affection de la part de la narratrice
à l’égard de Marthe, et par la qualification de « poison », qui
met en évidence son côté toxique et mesquin, permet de
présumer une relation amicale complexe, marquée par une
ambivalence entre l’amour et la haine.
Métaphore : « poison de Marthe »
En plus de rehausser son côté malfaisant, l’association entre
Marthe et un poison contribue à l’incorporer à l’environnement
végétal qui l’environne – Marthe serait vénéneuse, comme une
plante, tandis que la criste-marine est plutôt décrite comme
étant comestible.
Ce procédé, qui opère une déshumanisation
de la femme, travaille à l’incorporer à son milieu naturel – celui
des plantes : la métaphore accomplit un travail de réification de
Marthe.
Quand cette poison de Marthe, mon amie, a
exaspéré tout le monde, quand on est tout près
– à cause de sa face de jeune furie, de sa voix de
potache – d’oublier qu’elle est une femme,
2
L’incise impromptue crée un hiatus dans la phrase et accentue
la déshumanisation du personnage, éloignant la subordonnée
relative « qu’elle est une femme » et, ce faisant, mettant
davantage à distance sa féminité.
Cette construction phrastique
Incise « – à cause de sa face de jeune furie, de sa voix inusitée participe ainsi de la déshumanisation de Marthe.
de potache – » qui éloigne le sujet du verbe
On peut également relever un effet de contraste entre l’adv.
« près » et l’éloignement obtenu par la syntaxe de la phrase.
La distance ainsi accrue rappelle l’oubli dont il est ici question,
en jouant sur l’éloignement non seulement spatial (ici, dans la
phrase) mais temporel (dont résulte, le plus souvent, l’oubli).
Lexique péjoratif : « poison » ;
« furie » ; « potache »
Les termes employés pour décrire Marthe disent non seulement
l’irritation qu’elle provoque chez ses proches, en rehaussant
son aspect toxique (poison) ou agressif (furie1), mais, encore
une fois, travaillent au processus de métamorphose que fait
subir le texte à Marthe.
En effet, si les furies sont des entités
« exaspéré » ; féminines, la comparaison de sa voix avec celle d’un potache –
d’un collégien ou d’un lycéen railleur – lui retire ses attributs
féminins.
Par ailleurs — la connotation péjorative du lexique, associée
à des attributs physiques (son visage, sa voix), dépeint Marthe
sous un jour peu flatteur.
1
Déf.
: Divinités infernales, au nombre de trois, qui étaient chargées d’exécuter la vengeance divine.
3
La proposition relative « d’oublier qu’elle est une femme », qui
occupe ici la fonction de COI, confirme ce processus de
Réification [transformation en chose] de Marthe, que déshumanisation auquel les procédés textuels relevés ci-dessus
met en évidence le COI « d’oublier qu’elle est une nous préparaient.
Les caractéristiques négatives de Marthe sont
femme »
telles, qu’elles minent l’humanité de la femme et tendent à la
métamorphoser en harpie vengeresse, en gamin railleur, voire
en plante vénéneuse.
• connecteur logique « alors » ;
• adverbe « brusquement »
Ces termes signalent la soudaineté de l’événement, le rire de
Marthe surprend l’observatrice dans sa détestation pour lui
redonner, d’un coup, toute sa féminité – ici signalée par des
marqueurs puissants de féminité et de séduction : le rire, les
cheveux – roux qui plus est –, les bras dénudés (ce qu’indique
l’adj.
« clairs » employé pour les qualifier).
alors Marthe rit brusquement, rattache une
L’utilisation des mêmes termes, ou en assez grande proxémie,
mèche rousse envolée, en montrant des bras
entre la description de la criste-marine et celle des bras de
clairs, luisants, dans lesquels on voudrait Répétition des mêmes images employées pour Marthe cristallise l’assimilation entre Marthe et la plante des
mordre et qui craqueraient, frais, acidulés et décrire la « criste-marine »
bords de mer.
juteux sous la dent comme la criste-marine.
La juxtaposition d’une comparaison explicite entre les bras de
Marthe et la fraîcheur de la criste-marine, et de la métaphore
• comparaison des bras de Marthe avec la criste- comestible, a pour effet de contredire le portrait peu reluisant
marine ;
du début et d’accentuer la beauté, la jeunesse et la sensualité de
• métaphore comestible pour décrire la fraîcheur des la figure féminine.
Si elle était auparavant appariée à l’ordre du
végétal par son aspect toxique, empoisonné, Marthe vient à y
bras de Marthe
correspondre également parce qu’elle réjouit les plaisirs des
sens.
4
Effet de circularité, de symétrie entre le début et la
fin du paragraphe :
En se refermant sur les mêmes éléments qui ouvraient le texte,
le premier mouvement accomplit la pleine métamorphose de
• énumération des mêmes adjectifs ;
Marthe, qui non seulement appartient à l’ordre du végétal, mais
• mobilisation de la même palette de couleur entre s’incorpore au paysage, comme si elle en était l’émanation.
La
les bras « clairs, luisants » de Marthe et les dunes figure féminine apparaît ici comme en symbiose complète avec
« pâles comme la neige » ;
le paysage qui l’enserre.
• comparaison entre Marthe et la criste-marine
En somme,
Deuxième mouvement : Description de la Baie de Somme
Citations
La baie de Somme, humide encore, mire
sombrement un ciel égyptien framboise,
turquoise et cendre verte.
Procédés littéraires
Effets produits / interprétations
• adverbe « encore »
L’adverbe encore laisse entendre une temporalité suspendue,
entre deux marées (d’où l’humidité des dunes, qui présage du
passage récent des vagues et de leur retour prochain).
• verbe « mirer »
L’étendue d’eau est ici comparée implicitement, par le choix
du verbe, à un miroir.
Cette analogie met en valeur son aspect
limpide et stagnant, comme un miroir en lequel on pourrait
saisir son reflet.
5
Les couleurs variées qui composent le ciel matinal ne sont pas
simplement définies par leur palette, mais bien en lien avec des
choses – matière ou endroits – qui accentuent leur vivacité et
leur sensorialité (goût, toucher, chaleur…).
• énumération de couleurs qui, chacune, sont En outre, ces désignatifs par métonymie – désignant une entité
désignées par métonymie
conceptuelle au moyen d’un terme autre, qui s’y associe par
une relation de contiguïté – participent à l’esthétique picturale
de la description.
On peut ainsi en déduire que ce ciel auroral
réfléchi par la mer, riche en couleurs, évoque des nombreuses
sensations et invite au dépaysement.
Effet antithétique créant un contraste chromatique :
• baie sombre (« mire sombrement ») ;
• palette multicolore du ciel (« égyptien, framboise,
turquoise et cendre verte »)
• ponctuation : point d’interrogation suivi de points
de suspension ;
La mer est partie si loin qu’elle ne reviendra • vague questionnement, suivi d’une réponse
peut-être plus jamais ?… Si, elle reviendra,
traîtresse et furtive comme je la connais ici.
Tournure emphatique : « si loin qu’elle »
6
L’utilisation d’une palette de couleurs variées et qualifiées par
leur rareté (« turquoise »), leur intensité (« framboise ») et leur
exotisme (« égyptien ») suggère que l’environnement de la
baie de Somme est chargé de sensations multiples, que vient
renforcer le contraste entre le ciel et la baie — contraste qui
accentue l’intensité.
Le vague questionnement – qu’indique la coordination du ? et
des … – éveille un sentiment d’hésitation, une oscillation entre
le oui et le non, qui évoque le mouvement de flux et de reflux
qui est celui des vagues.
La formulation emphatique met en relief l’adverbe loin, ce qui
a pour effet de conférer un sentiment d’immensité.
Personnification de la....
»
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