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NATURE

NATURE, n.f. (lat. natura « ce qui est donné par la naissance », « ce qui constitue un être », « ordre des choses »). Dans la multiplicité des sens donnés au mot « nature », multiplicité que déplore la réflexion philosophique parce qu'elle est une source de confusion et de malentendus, nous pouvons retenir les trois directions de pensée ci-dessus. ♦ 1° Ce qui est donné par la naissance. Le principe dirigeant le développement d'un être, ce qui est inné ou spontané en lui, ou dans une espèce, ses caractères propres, ce qui échappe à sa liberté et qu’il doit subir. La nature, ici, c'est ce qui fait qu'un grain germe et devient épi, qu'un embryon se développe et devient homme, ce qui fait que les différentes espèces existent. C’est aussi le caractère ou le tempérament d’un individu. ♦ 2° Ce qui constitue un être, son essence, ce qui permet de le définir, de le rattacher à une espèce. La nature humaine, ce sont les traits communs à tous les hommes : la pensée, la liberté, la conscience morale, la capacité d’amour désintéressé, le sens esthétique, qui s'ajoutent aux caractéristiques biologiques qui permettent de le définir comme animal. On a discuté la question de savoir si tous les traits que nous venons d'énumérer faisaient bien partie de la nature de l’homme, ou si, en celui-ci, il fallait distinguer entre une nature animale et biologique et tout ce qui concerne la vie de l’esprit qui relèverait de la liberté. Les existentialistes ont soutenu qu'il n’y avait pas de nature humaine et que tout ce qui, en nous, relève de la nature, est précisément ce qui n'est pas nous et que nous n'avons pas choisi. Marx a aussi contesté l'idée de nature humaine, l’homme étant le produit des conditions économiques et sociales dans lesquelles il s'est développé. L’idée de nature humaine n’est intelligible que si l’on reconnaît l'homme comme l'œuvre d’un Créateur qui lui a assigné une finalité. C’est la réalisation achevée de notre nature qui est laissée à notre liberté, chaque homme ayant à devenir ce qu’il est. Les rapports entre la nature et la culture se conçoivent d'une façon différente suivant le point de vue adopté. Pour les uns, la culture est ce par quoi l’homme s'affranchit de la nature et développe les initiatives de sa liberté. Pour les autres, il est dans la nature de l’homme de se donner une culture et l’homme n'est vraiment homme que par la culture qu'il se donne et par laquelle il arrive à la connaissance des natures ou essences et des finalités dans un monde ordonné. — La nature pure est un concept théologique qui désigne ce qui dans l'homme n'a pas été élevé par la grâce à l'état surnaturel. La nature déchue est la nature humaine altérée dans sa perfection par suite du péché. (V. « Péché originel ».) ♦ 3° Comme ordre des choses, la nature désigne l'ensemble de ce qui existe et qui ne résulte pas de l'initiative humaine : le ciel et la terre, les animaux et les plantes, le sol, la mer et les fleuves, etc. Cet ensemble est conçu comme un cosmos, c'est-à-dire un univers ordonné, régi par des lois. C'est en ce sens qu’on parle des lois de la nature. Certains personnalisent la Nature, écrivent son nom avec une majuscule et désignent par ce mot la force mystérieuse qui organise le cosmos et se manifeste dans la vie. On lui prête des buts, une intelligence. D'autres voient dans la nature ainsi entendue la création, l'œuvre de Dieu. — La philosophie de la nature, chez Aristote, est la physique. Elle met en lumière la finalité de tout être. La Philosophie de la Nature, chez Schelling et Hegel, s'oppose à la Philosophie de l'Esprit. — Les divers sens du mot « nature » recouvrent une intuition philosophique globale sur laquelle il convient de réfléchir.

NATURE, NATUREL

Le terme « nature » a des significations nombreuses, qui concernent soit la nature d’un être, soit la nature en général (comme ensemble des êtres).

♦ Nature d’un être - Initialement, c’est le principe dirigeant le développement d’un être - ce qu’indique déjà le grec phusis, où résonne l’idée d’une germination. La nature s’oppose dans ce cas, en tant que cause, à l’art ou à la technique. - Essence, ensemble des caractères qui définissent un être comme conforme à son espèce. C’est dans cette optique qu’on évoque l’existence d’une nature humaine comme présente dans tout homme ; cette notion est contestée aussi bien par l’ethnologie ou la psychologie que, plus philosophiquement, par le marxisme ou l’existentialisme. - Tout ce qui est inné ou spontané dans une espèce ; s’oppose alors à la culture (cf. l’homme de la nature de Rousseau) ou, dans le vocabulaire de la théologie, à la révélation et à la grâce. - Dans un sens plus particulier, désigne les caractères propres d’un individu, qui le distinguent des autres. Synonyme de caractère ou de tempérament.

♦ Nature en général Ensemble des choses (règne animal, minéral et végétal) considéré comme obéissant à des lois générales (Aristote l’oppose notamment au hasard). Ce sens général se spécialise ensuite : - Ensemble de ce que Dieu a créé ou, dans une perspective non chrétienne, de tout ce qui existe ; ensemble des êtres soumis à une causalité presque mécanique (par opposition à la liberté ou à l’esprit). - Le monde visible en tant qu’il s’oppose à ce qui est d’ordre affectif, spirituel ou intellectuel. - Par opposition au surnaturel, ce à quoi nous sommes habitués. - Dans la mesure où chaque être doit réaliser son essence, la nature peut également être considérée comme un principe normatif. Les « lois de la nature » seraient dans ce sens des lois universelles et non écrites dont les lois humaines ne constituent qu’une imitation ou particularisation. L’acte « contre nature » implique dès lors, classiquement, un certain degré de perversité (notamment sexuelle - même si ce type de réprobation n’a plus grand sens depuis la psychanalyse).

♦ Naturel s’emploie dans tous les sens du mot nature, et peut donc s’opposer à acquis, réfléchi, artificiel, humain, divin, révélé, surnaturel, monstrueux, anormal, etc. Le droit naturel est celui qui résulte de la seule nature de l’homme (par opposition au droit positif). La religion naturelle (expression utilisée tout particulièrement au XVIIIe siècle) dépend uniquement de la raison et ne s’appuie sur aucune révélation.

nature, l'univers physique. — A. Lalande a dénoncé avec raison le sens équivoque du mot, qui peut désigner : 1° l'ensemble des caractères qui définissent un être, une chose (la « nature animale, humaine ») ; 2° le monde matériel, en spécifiant si on le considère du point de vue scientifique comme univers physique (ensemble de relations ou de lois), ou du point de vue métaphysique comme totalité organique (la « nature naturante » chez Spinoza, comme énergie créatrice, présence de Dieu au monde, opposée à la « nature naturée », objet de la science humaine; la Nature au sens romantique — Novalis, Schelling —, comme médiatrice entre l'homme et la divinité; ou au sens vitaliste — Bergson —, comme « évolution créatrice » ; etc.) ; 3° ce qui ne provient pas de l'art ou de l'industrie de l'homme. Dans ce sens, on emploie plutôt le terme de « naturelle » : une « beauté naturelle » ; 4° l'ensemble des tendances, ou tempérament, qui constituent le naturel d'un individu, par opposition à ce que peuvent lui ajouter l'art, la civilisation ou sa volonté propre (caractère qu'on se donne à soi-même). — On doit distinguer les sciences de la nature (physique, chimie, etc.) et les philosophies de fa nature : ces dernières ne nous entretiennent pas, comme les sciences, des objets qui sont dans la nature; elles partent du sentiment originaire de l'homme de participer à la nature comme à une totalité qui nous englobe. Ce sentiment de la nature s'est exprimé, d'abord, dans l'histoire de la philosophie, dans lés théories présocratiques des Ioniens, qui considéraient la nature comme une force vitale : ce sentiment était celui de l'ordre du monde (les Anciens nommaient le monde cosmos : « ordre ») et, par là même, celui de la rationalité des choses (le cosmos était l'expression du logos); la méditation des Anciens sur la nature partait surtout de la contemplation du ciel étoilé. Avec la métaphysique d'Aristote, la philosophie de la nature est devenue un « vitalisme », rapportant tous les mouvements des objets dans le monde à une force intérieure, à une tendance qui les animeraient : si les corps tombent vers le sol, c'est, selon Aristote, qu'ils « désirent » ou « aspirent » à retrouver leur « lieu propre » (fictivement localisé au centre de la terre). Avec la Renaissance et le développement de la science moderne, la nature est devenue l'objet de la science physique : elle a désigné alors l'ensemble des objets du monde matériel (Descartes, Kant); pour Kant, la « nature » correspondait très exactement à l'univers de Newton. Dans ce contexte, la philosophie de la nature a été une recherche des principes rationnels (des « lois de l'esprit ») qui rendent possibles les lois les plus générales de la science physique. La métaphysique de la nature de Kant se présente comme une déduction des lois fondamentales de la physique newtonienne, à partir des « catégories » de l'esprit découvertes par la réflexion philosophique. — L'ontologie moderne a substitué à la notion de « nature » celle de l'« être » comme présence et lumière (Heidegger). En résumé, l'histoire des « philosophies de la nature » découvre une oscillation entre les théories vitalistes, qui portent sur l'être de la nature, et les théories rationalistes, qui portent sur la connaissance de la nature (théorie des sciences, épistémologie).

Nature

Du latin natura, « action de faire naître » (de nasci, « naître »).

- Suivi d’un complément de nom : ensemble des caractères qui définissent un être ou une chose (synonyme : essence). - Tout ce avec quoi naît un être (synonyme : inné), par opposition à ce qu’il acquiert par l’éducation ou l’expérience. - Employé seul (la nature) : ensemble organisé de tout ce qui existe ; le monde physique, en tant qu’il obéit à des lois. - Par opposition à l'art ou à la technique : le monde, tant qu’il n’a pas été transformé par l’homme. - État de nature : fiction théorique d’un état préliminaire à la réunion des hommes en société civile.

• Si l'on veut montrer qu’il existe une « nature humaine », il faut déterminer ce qui, chez l'homme, relève exclusivement de la nature - tâche extrêmement difficile, étant donné que nos conduites les plus « spontanées » (crier dans la douleur, par exemple) sont largement imprégnées de culture. • C'est dans l'accord avec la nature que réside, pour les stoïciens, la clef du bonheur. Il s'agit, pour l'homme, d'adhérer à l'ordre du monde et de consentir à son destin. • Pour Spinoza, la Nature est le tout de la réalité ; la Nature est Dieu même, et ses lois universelles ne sont pas autre chose que « les décrets éternels de Dieu ». • Dans l'état de nature tel que le décrit Rousseau, les hommes sont à la fois libres et égaux. Solitaires et pacifiques, ils ne se dirigent que d'après leurs sentiments (l'amour de soi et la pitié).

Nature 1 Notion d’ordre métaphysique et moral : principe premier animant la vie du monde. Ce principe est une règle de pensée pour beaucoup : cf. Épicurisme, Stoïcisme; mythe du bon sauvage. On l’oppose aux notions de Civilisation et de culture : Meun, Le Roman de la Rose (2e partie) ; Rabelais, Le Quart Livre; Montaigne, Essais; Molière, Les Précieuses ridicules, L’École des Femmes, Les Femmes savantes, Le Malade imaginaire; Rousseau, Discours, Émile ou De l’éducation; Diderot, Supplément au Voyage de Bougainville, Jacques le Fataliste; Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie; Hugo, Les Feuilles d’automne; Gide, Les Nourritures terrestres, L’Immoraliste; Lévi-Strauss, Tristes Tropiques; Tournier, Vendredi ou les Limbes du Pacifique. Le prestige de ce principe se retrouve lorsqu’on envisage la nature au sens 2. 2 Domaine constitué par le paysage terrestre et sa vie en dehors des interventions humaines. Le sentiment de la nature est le mouvement de sensibilité qui porte les hommes vers le domaine de la nature. a) Jusqu’au XVIIIe siècle, le sentiment de la nature n’occupe qu’une place modeste dans la littérature : Charles d’Orléans, Poésies; Ronsard, Odes. b) À partir de Rousseau, il est à la mode. - Rapport de la sensibilité et de la nature (cf. Rêverie, Mélancolie) : Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, Les Confessions, Les Rêveries du promeneur solitaire; Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie; Senancour, Oberman; Chateaubriand, Atala, René, Mémoires d’outre-tombe ; Lamartine, Méditations poétiques, Jocelyn; Balzac, Le Lys dans la vallée; Stendhal, La Chartreuse de Parme; Hugo, Les Feuilles d’automne, Les Contemplations; Leconte de Lisle, Poèmes barbares; Fromentin, Dominique; Vigny, Les Destinées; Verlaine, Poèmes saturniens, Romances sans paroles; Gide, Les Nourritures terrestres, L’Immoraliste ; Verhaeren, Toute la Flandre; Proust, /À la recherche du temps perdu; Colette, La Maison de Claudine, Sido, La Naissance du jour; Giono, Colline, Un de Baumugnes, Regain, Le Chant du monde, Le Hussard sur le toit. - Interrogation du langage de la nature : Nerval, Aurélia; Baudelaire, Les Fleurs du Mal (Correspondances) ; Hugo, Les Contemplations; Proust, À la recherche du temps perdu. - Dialogue de l’esprit et de la nature; Valéry, Album de vers anciens, Charmes; Supervielle, Gravitations; Camus, Noces. - Peinture de la vie rurale : cf. Terre. 3 Certains opposent vigoureusement l’art à la nature : Baudelaire, Curiosités esthétiques; Huysmans, À rebours. NATURE (n. f., étym. : latin natura [de nasci : naître] : organes de la génération) 1. — Principe, cause productrice et immanente du développement d’un être et de ses caractères. 2. — Par ext., la nature de quelque chose ; ~ l’essence. 3. — Ce qui, dans un être, est vital, inné, instinctif, spontané (opposée à acquis). 4. — L’ensemble des êtres ; tout ce qui existe (pour les chrétiens, ~ la création). 5. — L’ensemble des êtres considérés par opposition à l’homme et à ce qui lui est propre (opposée à culture). 6. — Ordre présidant à la constitution d’un ensemble d’êtres (le cosmos opposé au chaos) : «J’appellerai nature le résultat général actuel ou les résultats généraux successifs de la combinaison des éléments » (Diderot). 7. — Pour Kant, ordre purement mécanique (existence nécessaire sous une législation universelle) ; opposée à hasard. 8. — Nature humaine : ce qui serait commun à tous les hommes, indépendamment d’acquisitions arbitraires ; par ext., ce qui est à l’origine du développement humain (cf. état de nature) ; pour Rousseau, la nature humaine, c’est la perfectibilité. 9. — Nature naturante, opposée à naturée : pour Spinoza, Dieu en tant que substance infinie, par opposition aux modes finis (c.-à-d. à l’ensemble des êtres, cf. sens 4). 10. — Naturalisme : doctrine de ceux qui n’admettent d’autre norme ou d’autre réalité que la nature (sens 4) ; (esth.) doctrine d’après laquelle l’artiste a pour but de montrer les choses telles qu’elles sont. 11. —Naturisme : a) doctrine d’après laquelle la religion aurait son origine dans la personnification des forces de la nature (sens 4). b) Culte religieux de la nature, c) Doctrine prônant un mode de vie plus proche de la nature (vie en plein air, aliments « naturels », nudisme). 12. — Naturel : a) Qui concerne la nature ; qui est conforme à la nature, b) Droit, loi naturel : cf. ces mots.



NATURE

1. Sens connu : le milieu physique, le décor végétal (admirer les couleurs automnales de la nature). 2. L’ensemble de tout ce qui existe, qui obéit à un ordre et se trouve régi par des lois échappant à l’action humaine (les lois de la nature). En ce sens la nature est souvent personnifiée et représentée comme ayant une volonté (la Nature n 'a pas voulu que...). 3. Ensemble des propriétés définissant une chose ou un être. Synonyme d’essence (la nature d'un gouvernement). 4. Tout ce qui est inné . Opposé à acquis tel est le pur mouvement de la nature », écrit Rousseau à propos de la pitié, en laquelle il voit donc un mouvement naturel de l'homme vers son semblable). Les deux derniers sens (3 et 4) amènent à se demander s’il y a une nature humaine, une essence immuable de l’homme qui se manifesterait dans certains comportements permanents. 5. État de nature : état de l’homme quand on lui ôte (par hypothèse) tout ce que la société lui a donné.



NATURE, n. f. 1° Ensemble des êtres et des choses qui constituent l’univers (la création, pour les croyants). Le mot nature, dans ce sens, présuppose toujours que cet ensemble est plus ou moins organisé. D’autre part, c’est plus que le simple monde physique, puisqu’il comprend des êtres doués d’une réalité psychique. Comme synonyme d’univers total, le mot nature peut intégrer le phénomène humain : «L'homme n 'est qu 'un roseau, le plus faible de la nature...» (Pascal). Mais on peut l’employer aussi par opposition à la vie de l’être humain : la nature est alors l’environnement qui entoure l’homme, le monde physique qui obéit à des lois indépendantes de la volonté humaine. Tantôt, celui-ci peut paraître indifférent à l’homme dans sa réalité matérielle; tantôt il peut lui sembler complice et proche (et faire naître en lui le «sentiment» de la nature). 2° Ensemble des caractères propres, des propriétés fondamentales qui définissent une réalité (concrète ou abstraite) ou un être. Ce sens renvoie à celui du mot «essence» : ce qui fait qu’une chose est ce qu’elle est. On parlera aussi bien de la nature du feu, du roman, de l’amour, de la démocratie, du lion, de Dieu ou de l’homme. L’emploi du mot nature suppose, là encore, qu’on envisage l’être ou la chose dont on parle comme une réalité cohérente, organisée, dotée de caractères constants (sinon immuables), qui permettent de l’identifier comme telle. Le mot s’applique en particulier aux êtres humains. Soit dans un sens général : la nature humaine (morale ou physique), comme entité fondamentale (d’où la question, au-delà des données biologiques: qu’est-ce que l’homme?). Soit dans un sens singulier : la nature de tel ou tel individu (les traits constitutifs de sa personnalité physique et morale), qui peuvent entraîner des jugements définitifs («il a une nature foncièrement perverse») ou des recherches personnelles («au fond, ma nature, c'est de ...»). Voir le mot Inné. 3° Principe général, force mystérieuse qui ordonne et anime le monde, aussi bien dans sa réalité externe (l’univers) que dans sa dimension intérieure (psychique). Dans ce sens la nature est souvent personnifiée, et dotée d’un N majuscule. Ce sens global est fréquent dans la littérature classique, qui postule que le monde et l’homme sont créés par Dieu, ou qui nomme « Dieu » cette Nature qui régit l’univers physique et moral où vivent les créatures. Ce sens ne s’oppose pas aux deux précédents. Mais, d’une part, il les regroupe : c’est la même «nature» qui se manifeste dans les lois de la matière, qui produit les merveilles de la vie, qui ajuste les instincts des animaux, qui dote l’homme de désirs et de capacités propres à l’épanouissement de son humanité. D’autre part, cette Nature semble avoir tout organisé en vertu d’une finalité positive des choses, d’une harmonie programmée dès le départ. Il faut donc respecter la « nature», il faut suivre ses lois, il faut s’émerveiller de ses réalisations («La nature a bien fait les choses»). Le mot nature ne définit donc plus seulement ce qui est, mais ce qui doit être : il n’est plus seulement descriptif mais moral, ce qui conduit à des jugements négatifs sur ce qui est «contre nature» ou «dénaturé». Ces trois sens du mot «nature» n’épuisent pas la totalité des nuances que le terme implique. Pour compléter l’approche de ce qu’on appelle nature, on peut commenter quelques oppositions classiques : • Nature et Artifice. Au sens superficiel, on oppose ce qui est naturel, spontané, à ce qui est artificiel, factice, affecté (ce qui présuppose une positivité en soi de la nature). Mais dans un sens plus profond, l’artifice représente tout ce que l’homme fabrique, crée, obtient par transformation de la nature. De ce point de vue, l’essentiel de ce que produisent et vivent les hommes est «artificiel», ce qui relativise la notion de respect sacro-saint de la « nature». • Nature et Art. L’opposition précédente se manifeste notamment dans le domaine esthétique. L’art classique recommande souvent d’imiter la nature. Or, l’art, par définition, est création, fabrication, invention de formes. D’où des débats et des tendances contradictoires (l’idée d’un art qui doit reproduire la nature; l’idée d’un art qui doit compenser ou nier la nature; l’idée d’un art qui doit, au-delà des apparences réalistes, révéler la nature profonde et idéale des choses ou de l’homme). • Nature et Culture. Ce débat intègre et dépasse les deux oppositions précédentes. L’homme se définissant par ce qu’il est et ce qu’il fait (individuellement et socialement), est-il le produit de la nature ou de la culture (au sens n° 2 du mot)? Se définit-il par ce que la nature a fait de lui, ou par ce qu’il fait de sa nature? Nous avons donné un aperçu de cette question au mot Culture. Retenons simplement ici la grande prudence dont on doit faire preuve chaque fois qu’on emploie le mot «nature» : on croit souvent désigner une réalité naturelle alors qu’il s’agit d’une réalité culturelle ou historique. Le seul paysage de la campagne, qu’on appelle « nature», est en fait le produit du travail et de la culture (au sens propre) des hommes. • État de nature/État de civilisation. Cette opposition est chère à Rousseau, dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755). Par état de nature, Rousseau imagine un état théorique, qui n’a pas existé, qui serait l’état de l’homme naissant, directement issu de la nature et vivant au sein de la nature. Cette représentation fictive permet à Rousseau d’établir que l’inégalité sociale est en réalité beaucoup moins «naturelle» que «culturelle». Voir Art, Civilisation, Culture. NATURE MORTE. Expression qui désigne un tableau représentant des êtres inanimés ou des objets : fruits, fleurs, nourritures, gibier, ustensiles divers. La Raie, par exemple, nature morte de Chardin (fin XVIIIe siècle). NATURISME, n. m. (sens ancien) Cultes religieux qui adorent les forces de la nature; doctrine selon laquelle les religions actuelles proviennent de ces cultes, (sens actuel) Attitude prônant des médications naturelles, un mode de vie se rapprochant le plus possible (par l’hygiène, par le régime alimentaire) d’une existence naturelle. En particulier, par la pratique du nudisme. Ne pas confondre avec Naturalisme.

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