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Les expressions de la sensibilité : Pourquoi ne pleure-t-on plus… en public ?

Les expressions de la sensibilité : Pourquoi ne pleure-t-on plus… en public ?

Sources:
●      « La civilisation des mœurs » (1939) de Norbert Elias 
●      “ Histoire des larmes” (1986) de Anne Vincent-Buffault
 
Introduction

Il existe trois grands types de larmes chez l’homme :
●      Les larmes dites « basales », qui ont pour fonction de maintenir la lubrification de l’oeil.
●      Les larmes « réflexes » qui seront produites lorsqu’un corps étranger ou les émanations d’un oignon entrera en contact avec l’œil.
●      Les larmes émotionnelles ou psychiques, qui coulent lorsque l’on pleure de tristesse ou de rire.

Quand et pourquoi avez-vous pleuré pour la dernière fois ?
On pleure quand on est triste, heureux, quand on a mal, quand on est en colère, quand on a peur, etc. Les larmes rendent visible notre intériorité et notre sensibilité.
De nos jours, peu fréquent ou peu conforme aux usages de pleurer en public. Pleurer est réservé au domaine privé plutôt qu’au domaine public.
Cette pudeur n’a pas toujours été de mise. Par exemple, femmes et hommes, au M.A., pleuraient beaucoup y compris les rois, les guerriers, les papes, les moines, etc. qui gémissaient et sanglotaient à chaudes larmes.
Dans quelles sociétés, dans quels temps a-t-on pleuré ? Depuis quand les hommes ne pleurent-ils plus en public ? Pourquoi la sensibilité s’est-elle, à un certain moment retournée, en sensiblerie ? Quel est le sens et l'origine des larmes dans un système de valeurs et de comportements profondément, en Europe, marqué par le christianisme ?

1)    La valorisation des larmes dans le christianisme.

Le Nouveau Testament rapporte que Jésus lui-même a versé 3 fois des larmes, alors qu'il n'a jamais ri :
-       Jésus pleure à la mort de Lazare, son cher ami.
-       Jésus pleure en entrant dans la ville de Jérusalem cad en voyant les péchés de l’humanité.
-       Jésus pleure dans le jardin des Oliviers avant sa crucifixion

Marie-Madeleine, ancienne prostituée, confesse la totalité de ses péchés à Jésus en pleurant à chaudes larmes. À tel point qu’elle put lui nettoyer les pieds avec ses larmes - avant de les essuyer avec ses propres cheveux. Ses péchés lui ont été pardonnés. D’où l’expression « pleurer comme une Madeleine » ?
Selon le Discours sur la montagne, pleurer peut mener au bonheur céleste : « Bienheureux ceux qui pleurent, parce qu'ils seront consolés », dit le Christ. Les pleurs peuvent effacer la trace des péchés. Les larmes sont rédemptrices.
Tristesse, souffrance, larmes et Salut nouent, dès lors, des liens étroits => Dolorisme chrétien : La souffrance a une vertu moralisatrice. Elle oblige l'homme à grandir, à réfléchir sur sa condition. Elle l'engage à se rapprocher de son semblable et de Dieu ; lequel a fait de la souffrance une épreuve à surmonter.
Les martyrs des premiers temps chrétiens meurent pour Jésus comme Jésus est mort pour les hommes.

2)    Pleurer au moyen-âge.

Au M.A., rois, chevaliers pleurent volontiers sans que cela ne remette en cause leur autorité, leur honneur ou leur virilité. Pas d’interdit portant sur les pleurs des hommes.
Dans la « Chanson de Roland », on voit Charlemagne (premier empereur de France en l’an 800) pleurer la mort de ses barons et celle de son neveu Roland « le preux » (idéal chevaleresque et martyre chrétien) à Roncevaux. Dans le texte ci-dessous, les mots « pleurs », « pleurer », “larmes” apparaissent des 10aines de fois : https://fr.wikisource.org/wiki/La_Chanson_de_Roland/Joseph_B%C3%A9dier/La_Chanson_de_Roland/Traduction
Dans la « Chronique de Rigord », l’auteur (moine chroniqueur cad historien) évoque une scène où Philippe Auguste (1165 - 1223), encore jeune, égaré lors d'une chasse, invoque l'aide du ciel avec des pleurs et des gémissements.
Que les pleurs s'adressent à Dieu ou à un autre être humain, ils apparaissent comme un moyen de communication jugé plus sincère que la parole - qui peut cacher ou taire la vérité. Pleurer apparaît ici comme un moyen efficace d'émouvoir et de convaincre l'auditoire. Les larmes comme outil rhétorique.
Dans les toutes premières règles monastiques des interdictions de rire assorties à verser des larmes. Cf. « Le nom de la Rose » de Jean-Jacques Annaud (1986) : https://www.youtube.com/watch?v=Oi2dNA_KVek (à partir de 1h 49’ 8’’)
« Le moine, c'est celui qui pleure » disait un proverbe médiéval.
 Au M.A., les pleurs soulignent la dévotion sincère du croyant, témoignent de son repentir, de son humilité dans la prière, de son amour de Dieu. Pleurer nous rapprocherait de Dieu.

3)    Le tarissement des larmes et la “civilisation des mœurs” à la Renaissance et au XVIIe.

Le tarissement des pleurs qui s'observe, lors des siècles suivants, dans la sphère religieuse et laïque, correspond certes à la nouvelle condamnation des manifestations ostentatoires de la piété, jugées dangereuses, mais aussi, à une plus large échelle, au processus de « civilisation des mœurs » analysé par Norbert Elias = mise en sourdine des expressions de la sensibilité, lente domestication des affects dès la Renaissance.

Résumé du livre : « La civilisation des mœurs » (1939) de Norbert Elias :

(↓↓↓ source : https://books.openedition.org/pur/24413?lang=fr ↓↓↓)

« À partir de la Renaissance, les « moeurs », c'est-à-dire les manières de se tenir à table, de se moucher, de déféquer, la sexualité..., évoluent très rapidement vers un refoulement de leur aspect « animal » ou « pulsionnel ». L'étude d'« ouvrages de civilité » - qui constituaient, à la Renaissance, des sortes de manuels de savoir-vivre à l'usage de la classe dominante - montre, par exemple, que le crachat, auparavant considéré comme une pratique saine, est désormais perçu comme inconvenant et dangereux car il favorise les contagions. Le rapport à la nourriture, lui, se fait plus distant avec l'invention de la fourchette, qui remplace les doigts. L’on ne devait pas émettre de grognement pendant que l’on mangeait, ni se moucher dans la nappe ou dans les doigts. Les serviettes et les mouchoirs apparaissent. Uriner et déféquer n’étaient pas encore des activités limitées de manière pointilleuse à des endroits spécifiques socialement désignés. Bien souvent, les « besoins » étaient satisfaits quand et où on les éprouvait. Ces activités animales ont été de plus en plus investies de sentiments de honte et de répugnance, jusqu’à ce qu’au bout du compte elles ne soient accomplies que dans des lieux strictement privés et que l’on ne puisse plus en parler sans embarras. Certaines parties du corps sont devenues de façon croissante des « parties privées » ou, comme la plupart des langues européennes l’expriment, des « parties honteuses » (« pudenda », dérivant du mot latin signifiant avoir honte). La nudité recule, et la sexualité acquiert une dimension taboue : on ne doit pas en parler devant des enfants. Cette évolution des pratiques s'accompagne d'une évolution de la sensibilité, comme le montrent les sentiments de honte ou de dégoût que nous éprouvons désormais face à des pratiques « non-civilisés » qui, au Moyen Âge, étaient banales. Ces réactions, vécues comme spontanées ou naturelles, sont en fait le produit de l'intériorisation de cette civilité moderne, elles sont une forme d'autocontrôle. Les adultes en sont venus à éprouver les interdits sociaux comme « naturels », provenant de leur propre moi intérieur plutôt que du royaume externe des « bonnes manières ». Au fur et à mesure que ces contraintes sociales ont pris la forme d’auto-restrictions plus ou moins totales et fonctionnant automatiquement, ce comportement attendu est devenu une « seconde nature ». L’intériorisation des émotions et l’autocontrôle de la violence dans la civilisation occidentale entre le XIIe siècle et le XIXe siècle, avec la période charnière que représente aux yeux d’Elias la Renaissance. La civilisation des moeurs analyse le processus séculaire de maîtrise des instincts, de domestication des pulsions humaines les plus profondes (Il emprunte ainsi beaucoup à Sigmund Freud et à la psychanalyse). »

( ↑↑↑ source : https://books.openedition.org/pur/24413?lang=fr ↑↑↑)

A partir du 17e siècle, Louis XIV institue la Cour. Maîtriser les affects. Culture de la maîtrise de soi à partir du modèle de Cour. La Bruyère : « on détourne son visage pour rire comme pour pleurer en la présence des grands et de tous ceux que l’on respecte. » (« Les Caractères »)
Apparition de la figure de l’« honnête homme » (ou « honnête femme ») : Personne cultivée et d’un commerce agréable. L’honnête homme correspond à l’idéal du XVIIe siècle. Il est de bonne naissance (et s’oppose donc au « vulgaire », au « roturier »). Conformément à cette noblesse, il fait preuve de noblesse dans ses sentiments. Il s’agit d’un idéal mondain et l’honnête homme se caractérise par la politesse, le goût, la réserve. Il ne dépasse la mesure en rien. Il fuit la passion et ses emportements.
Cette figure de l’« honnête homme » entraîne la disparition de celle guerrière du chevalier (réputé pour sa violence et sa rusticité).
Le processus de « curialisation » entraîne le rapprochement de l'aristocratie vers la Cour du roi => abandon de la violence physique comme mode d'action légitime. La conséquence de la mise en avant de la noblesse curiale mais aussi de son pendant, sa domestication (afin d’éviter toute révolte) fut la pacification des mœurs (interdiction du duel à partir de Louis XIII et Richelieu).
4)    Les larmes au XVIIIe siècle.
On ne peut distinguer 2 périodes dans le XVIIIe siècle:

a)     un début du XVIIIe rationnel =

RAPPEL : PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE DES LUMIERES
·       rationalisme / progrès : Distinction entre progrès moral et progrès scientifique/technique, entre sagesse et savoir. Au temps des Lumières, on est convaincu (racine de l’optimisme des Lumières) que le progrès des connaissances, le progrès de l’éducation du « genre humain » va générer un progrès moral de la civilisation. Plus on est savant, plus on est sage, plus on est heureux.
A la racine de cet optimisme, la foi dans le progrès (scientifique, technique, artistique, philosophique et politique). Étymologie grecque du mot « encyclopédie » = tous les savoirs.
·       Foi dans l'avenir => une critique de l'autorité et de la tradition. Critique du « monde ancien », d'un monde (féodal) qui va mourir en 1789. User de sa raison critique % « vérités » établies par les Anciens.
·       Déisme : https://fr.wikipedia.org/wiki/Culte_de_l%27%C3%8Atre_supr%C3%AAme
·       Démocratie / Contrat social/ Volonté générale : En démocratie, l'homme est à la fois « citoyen » (il vote les lois) et « sujet » (il obéit aux lois qu'il a voulues - non pas selon son « intérêt personnel » mais - en fonction de l’« intérêt général ». Pour Rousseau, la loi ne s'oppose pas à la liberté, elle en est la condition de possibilité. Sans loi, point de liberté.
·       Education : « Encyclopédie », « L’Emile » de Rousseau, musées, école républicaine, etc.

b)    une fin de siècle sentimentale (pré-romantique) = règne des âmes sensibles, telle l'ombre succédant aux Lumières.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, on pleure beaucoup. On recherche le bonheur dans l’exaltation de la sensibilité. Période du délice des sentiments. Authenticité et vérité du sentiment. On verse des torrents ou des ruisseaux de larmes, on arrose ou on mouille de larmes.
On n’a pas honte de pleurer mais ces larmes sont désormais laïques. A la différence du M.A., les pleurs se désacralisent.
Hommes et femmes pleurent indistinctement. On aime à raconter l’émotion provoquée par la lecture. Exemple : « Manon Lescaut » de l’abbé Prévost. A la fin du roman, Manon vient de mourir et le chevalier Des Grieux, son amant, s’apprête à se coucher sur son corps, il dit au lecteur : « Pardonnez, si j’achève en peu de mots un récit qui me tue. Je vous raconte un malheur qui n’eut jamais d’exemple. Toute ma vie est destinée à le pleurer. ». Les larmes prouvent la sincérité du sentiment non plus religieux mais amoureux.
« La nouvelle Héloïse » de Rousseau a fait beaucoup pleurer le lectorat. Un grand roman doit faire pleurer. Les lecteurs s'identifient à tel point aux personnages de la fiction ou à l'auteur lui-même, qu'il leur faut absolument écrire à Rousseau pour lui faire part de leur émotion et de leur enthousiasme. Loiseau de Mauléon, un jeune avocat, déclare dans une lettre à Rousseau :. « Que j'aime mêler aux larmes de vos vertueux personnages celles que fait couler en mes yeux le digne objet qui ne cesse d'occuper mon coeur. »

La revalorisation de la sensibilité chez Jean-Jacques Rousseau:

La morale prend la forme d'une entreprise de domination des passions par la conscience. Au XVIIIe siècle, on assiste à une revalorisation de la sensibilité dans le domaine moral. C'est particulièrement visible chez
Rousseau.
 
« Je parle de la pitié, disposition convenable à des êtres aussi faibles, et sujets à autant de maux que nous le sommes ; vertu d'autant plus universelle et d'autant plus utile à l'homme qu'elle précède en lui l'usage de toute réflexion, et si naturelle que les bêtes mêmes en donnent quelquefois des signes sensibles. (…) Tel est le pur mouvement de la nature, antérieur à toute réflexion : telle est la force de la pitié naturelle, que les moeurs les plus dépravées ont encore peine à détruire (...) Il est donc certain que la pitié est un sentiment naturel, qui, modérant dans chaque individu l'activité de l'amour de soi-même, concourt à la conservation mutuelle de toute l'espèce. C'est elle qui nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir : c'est elle qui, dans l'état de nature, tient lieu de lois, de moeurs et de vertu, avec cet avantage que nul n'est tenté de désobéir à sa douce voix. » - Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1755.
 
Pour Rousseau, c'est un sentiment naturel, la pitié, qui fonde la morale. La pitié désigne chez Rousseau ce que nous appelons aujourd'hui la compassion ou l'empathie, à savoir ce sentiment par lequel un individu est porté à ressentir la souffrance d'autrui et à vouloir y remédier. La morale n'est donc pas affaire de réflexion pour Rousseau, mais de sentiment. Rousseau va même plus loin en affirmant que c'est au contraire la réflexion qui nuit à la morale. En engendrant l'amour-propre (que Rousseau définit comme la tendance à se comparer aux autres et à s'aimer dans le regard que les autres portent sur nous, et qu'il oppose à l'amour de soi comme instinct naturel de conservation, de survie) et en fournissant des justifications pour ne plus venir en aide à ceux qu'on voit souffrir, la réflexion étouffe la pitié, qui nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir.
 
https://www.databac.fr/la-pitie-chez-rousseau-1
 
Il est possible d'inscrire l'éthique du « care » dans le prolongement de la pensée rousseauiste dans la mesure où elle met l'accent sur la sensibilité, la vulnérabilité des individus et dès lors l'importance d'aider ceux qui souffrent.

Plaisir des larmes = plaisir de l’échange (on mêle ses larmes à celles d’autrui), plaisir de s’éprouver vivant.
Pleurer en commun au spectacle permet de s'assurer mutuellement de sa capacité à vivre avec ses semblables. Les larmes créent du lien social. Pleurer en groupe, c’est éprouver ensemble l’humaine condition, c’est partager une même humanité.

5)    La méfiance vis-à-vis des larmes au XIXe siècle. De la sensibilité à la sensiblerie.

Si le début du XIXe est marqué par le Romantisme et son larmoiement (Lamartine, Musset, etc.), dans la seconde moitié du XIXe siècle, les larmes deviennent le signe de la fragilité, de sensiblerie. Dénonciation des larmes comme arme de manipulation, de séduction, de perfidie ( « verser des larmes de crocodile ». Exemple : les fausses larmes de Valmont, dans les « Liaisons dangereuses » (Choderlos de Laclos), pour séduire la vertueuse et naïve présidente de Tourvelle. Les larmes servent au libertin pour parvenir à ses fins.
Les impératifs bourgeois de la bonne tenue vont, au XIXe siècle, laisser de côté l'aspect démonstratif des pleurs et plus encore le mettre en cause.
Flaubert: « La vérité réclame des mâles plus velus que M. de Lamartine. » = mépris de Flaubert pour les poses larmoyantes du poète romantique. Flaubert se moque des larmes versées par Emma Bovary à la lecture des romans romantiques qu’elle lisait au couvent.
Les écrivains se moquent de la sentimentalité des femmes qui aiment à s'émouvoir sur les pires clichés, tout comme ils se méfient ou dénigrent leur capacité stratégique à verser des larmes au moment adéquat.
Les larmes se cachent dans la sphère privée, intime des appartements avec l’ordre bourgeois du XIXe qui se met en place. Impératifs bourgeois de la bonne tenue, de la décence et de la retenue.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la contrainte corporelle s’étend aux émotions. La décence, la morale font que les larmes deviennent de plus en plus rares. On dévalorise la fonction publique des larmes : le métier de « pleureuse » tombe en désuétude (https://fr.wikipedia.org/wiki/Pleureuse_(profession) ). Imposition d’une pudeur.
Les larmes offertes au public et mises en scène deviennent suspectes.

6) Le retour des larmes

Les femmes pleurent-elles plus que les hommes ? Les larmes d’émotion sont chargées de prolactine, hormone impliquée dans la production de lait maternel.
Pendant longtemps, on a pensé faussement que les femmes pleuraient plus souvent que les hommes à cause d’une production plus élevée de prolactine, théorie aujourd’hui désuète, car d’autres facteurs, culturels notamment, expliquent le fait que les femmes pleurent plus.


Conclusion: Pleurer est-il naturel ou culturel ?

·       Commentaire d’un texte de Merleau-Ponty (copie-modèle d’une explication de texte - Méthodologie): https://drive.google.com/file/d/197_NWQt4h4mBcjHR-I--ea1Ji-syXBpN/view?usp=sharing
·       Les rapports en nature et culture chez Merleau-Ponty (cours sur la nature) : https://drive.google.com/file/d/1qL94ctJEPVwRksjCI75b0jbkONcrl-8O/view?usp=sharing



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