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La population mondiale continue d’augmenter, mais son rythme de croissance s’est nettement infléchi

La population mondiale continue d’augmenter, mais son rythme de croissance s’est nettement infléchi À l’aube de l’an 2000, l’humanité a franchi le cap, certes purement symbolique, des six milliards d’habitants et elle est six fois plus nombreuse que vers 1800. La croissance de la population semblait, dans les années 1960 et 1970, devoir être indéfinie. Le temps était alors au discours sur les limites de la planète. Mais les rythmes de croissance se sont depuis ralentis. Dans les pays en développement, la transition démographique a été plus précoce ou plus rapide que prévu. La Chine a mis en place une politique de population vigoureuse, prônant le modèle de l’enfant unique, dont les effets ont été sensibles sur la dynamique mondiale même. L’infléchissement de la courbe de croissance, qui semblait naguère si peu probable, s’est réalisé à tel point que parler d’une stabilisation de la population mondiale ne paraît plus déraisonnable. Supérieur à 2 % entre 1965 et 1970, le taux de croissance de la population mondiale est tombé à 1,3 % à la fin des années 1990. On dénombre alors 78 millions de nouveaux Terriens chaque année, contre 86 millions dans la période 1985-1990, au moment le plus fort de la vague. Cependant, malgré cette inflexion, la population continuera de croître encore longtemps. Les démographes des Nations unies, dans leur révision statistique de 2000, ont fait l’hypothèse moyenne d’une population mondiale un peu supérieure à 9 milliards en 2050. La population augmenterait alors encore de quelque 43 millions d’habitants chaque année. La transition démographique est générale Tous les pays du monde sont concernés par le phénomène de transition démographique, caractérisé par la baisse de la mortalité suivie de celle de la natalité. Les pays du Nord l’ont achevée. Un très grand nombre de pays en développement sont, en ce début de xxie siècle, en cours de transition et ont déjà des niveaux de fécondité réduits (on comptait en 2000 2,2 enfants en moyenne par femme au Brésil et 3,04 en Inde). Le continent africain, où la fécondité semblait devoir se maintenir à des niveaux très élevés, de l’ordre de cinq enfants par femme, est lui-même « entré en transition » dans les années 1990. La révision de 2000 des perspectives démographiques des Nations unies s’efforce par ailleurs d’intégrer les conséquences démographiques du sida, en prenant en compte les pays de plus de un million d’habitants où la prévalence de la séropositivité adulte est d’au moins 2 % et les grands pays qui regroupent une part importante des cas d’infection. Sur les 33 millions de personnes qui seraient séropositives en 1999, 88 % vivraient dans quarante-cinq pays seulement : trente-cinq pays d’Afrique subsaharienne, quatre d’Asie (Cambodge, Inde, Myanmar et Thaïlande) et six d’Amérique latine ou des Caraïbes (Bahamas, Brésil, Guyana, Haïti, Honduras, République dominicaine). L’ampleur des effets du sida est telle dans les pays d’Afrique les plus touchés que l’espérance de vie à la naissance serait inférieure de sept ans au niveau qui serait atteint sans cette infection (48 ans contre 55 ans). Dans certains pays, la perte, en durée de vie humaine, serait même de onze années. Les conséquences de l’infection seraient, dans le futur, plus importantes encore. L’effet sur la croissance démographique est majeur dans certains pays très touchés par l’épidémie comme le Botswana ou le Zimbabwé. Malgré l’importance du sida en Afrique, ce continent devrait voir la croissance de sa population rester encore forte au xxie siècle. Vers une « croissance zéro » ? Si on allonge l’horizon temporel, l’hypothèse d’une stabilisation de la population mondiale devient envisageable. Selon les perspectives à long terme des Nations unies réalisées sur la base de la révision de 1996, la population mondiale pourrait se stabiliser aux alentours de 11 milliards d’êtres humains vers 2200. Mais ce scénario n’est que l’un des sept qui reposent tous sur des hypothèses de fécondité différentes (la mortalitéétant supposée évoluer de la même façon dans tous les cas). L’éventail des situations possibles à très long terme est donc particulièrement large : la population mondiale pourrait compter entre 3,6 milliards d’habitants (fécondité à terme de 1,5 enfant en moyenne par femme) et 27 milliards (fécondité de 2,5). Si, du jour au lendemain, la fécondité mondiale chutait brutalement dans tous les pays pour se situer de manière immédiate au niveau du seuil de remplacement des générations, la population du monde se stabiliserait autour de 9,5 milliards d’habitants. Cela signifie que par le jeu de l’inertie, c’est-à-dire l’élan pris par la population dans sa croissance, la population mondiale s’accroîtrait encore de plus de 3 milliards d’habitants. Le scénario « moyen » n’est a priori pas plus probable qu’un autre mais il est le plus souhaitable aux yeux de la communauté internationale. Le programme d’action de la conférence du Caire de 1994 consacrée au thème « population et développement » a insisté sur la nécessité d’une stabilisation de la croissance démographique mondiale la plus rapide possible. Dans l’hypothèse où la population du monde évoluerait jusqu’à se stabiliser autour de 11 milliards d’habitants dans deux siècles, la répartition des êtres humains sur terre serait, à terme, bien différente de celle de la fin du deuxième millénaire. Moins de 6 % des habitants de la planète vivraient alors en Europe (contre 13 % aujourd’hui) et 4 % vivraient en Amérique du Nord (contre 5 % actuellement). Le poids relatif de l’Amérique du Sud serait à peu près le même qu’aujourd’hui, environ 8,5 %. La part de la population mondiale vivant en Chine se réduirait fortement (15 % contre 21 %) et celle de la population vivant en Inde diminuerait un peu au profit du reste de l’Asie. Quant à la part de la population mondiale vivant en Afrique, elle doublerait (26 % en 2150 contre 13 %). Cette stabilisation à l’horizon 2200 s’accompagnerait par ailleurs d’un vieillissement très intense de la population mondiale : les plus de soixante ans représenteraient plus du tiers des habitants de la planète dans cent cinquante ans et les plus de quatre-vingts ans près du dixième. De nouvelles incertitudes L’évolution démographique des trois dernières décennies du xxe siècle a transformé les craintes. À la peur d’une asphyxie de la Terre submergée sous le nombre de ses habitants, alimentée par la situation des pays en développement, a succédé pour certains celle d’une dépopulation à l’échelle planétaire. Cette nouvelle inquiétude se fonde sur une généralisation à la planète entière de l’évolution que connaissent les pays les plus développés. La plupart de ces derniers n’assurent plus le renouvellement des générations et certains, comme le Japon, l’Italie, l’Espagne ou l’Allemagne, ont une fécondité particulièrement basse (1,4 enfant en moyenne par femme, voire encore moins). L’introduction dans les études prospectives d’une hypothèse de basse fécondité (1,6 enfant par femme) fait suite aux critiques émises par certains pays développés qui jugent pour eux-mêmes peu vraisemblable le scénario de la stabilisation. Dans ce cas, la population mondiale diminuerait de plus de deux milliards d’ici à cent cinquante ans. La vraisemblance de chaque scénario peut être discutée à l’infini et les pronostics très assurés sont en réalité de nature profondément idéologiques. Si l’ensemble du monde connaît une transition démographique comparable à celle des pays d’Europe, la population de la planète ne pourra que décroître dans l’avenir. Rien ne permet certes de penser qu’on atteindra nécessairement à long terme un « équilibre » des populations, mais rien n’indique non plus que la plus grande partie du monde doive suivre inéluctablement le modèle des pays actuellement les plus développés.

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