Jorge Semprun
Né à Madrid en 1923, Jorge Semprun ne publie son premier roman écrit directement en français qu ’à l’âge de quarante ans : il y relate son exil d’Espagne en 1939, son entrée dans le maquis, sa déportation en 1943 dans un camp voisin de Weimar. Le grand voyage lui assure immédiatement une renommée internationale, le livre ayant été couronné en 1964 par le Prix Formentor. Semprun est devenu aussi un grand écrivain de cinéma, collaborant au scénario et dialogue des films d ’Alain Resnais La guerre est finie et Stavisky.
Précisément, s’il est un terme qui qualifie bien la démarche et l’écriture de Semprun, c’est bien celui de cinématographique. Le récit est découpé selon des fragments de temps qui recouvrent les différentes couches de la conscience, de la perception immédiate à la mémoire la plus profonde et subjective. A la précision du style narratif, Semprun associe la multiplicité des angles de prises de vue selon un montage toujours savamment agencé et dosé. Mais jamais il ne s’agit d’une froide construction : le récit épouse les méandres du souvenir — souvenirs d’amitié, de rencontres, de souffrances — si bien qu’il gagne une dimension, une vérité humaines marquées du sceau de l’authenticité. L’Histoire kaléidoscopique vue par Semprun convie le lecteur à reconstruire, à travers un dialogue avec le paysage mental du narrateur, la mémoire collective de notre temps.