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Jean DELANNOY

Traîné dans la boue par les jeunes turcs des Cahiers du Cinéma dans les années cinquante (Truffant écrivit: «Je suis allé voir trois fois Chiens perdus sans collier pour bien savoir ce qu’il ne fallait pas faire»), Jean Delannoy est loin de mériter cette indignité. Tous ses films possèdent une qualité de découpage bien supérieure à la moyenne dans le cinéma français : mouvements de caméra précis et justes, rythme capable d’accélérations, contrepoint image-son. Deux exemples : pour l’évanouissement de Michèle Morgan dans Aux yeux du souvenir, une forte tension est créée par des plans subjectifs de ce qu elle voit (une maquette d’avion) accompagnés du bruit, en off, d’un avion réel; dans Le Baron de l'écluse, Gabin apprend au téléphone que le chèque qu’il attend n’est pas arrivé: un court travelling ascendant passe d’une légère contre-plongée à une légère plongée, suggérant la déception qu’il ressent. Cela dit, ses limites et ses manques sont incontestables: peu ou pas d’humour, un goût pour la belle image qui l’entraîne vers la froideur ou l’académisme, des difficultés à rendre sensible la vie intérieure, pas de vision personnelle des êtres et des choses. Très représentatif apparaît le célèbre Dieu a besoin des hommes: découpage parfait, mais le problème religieux reste traité de l’extérieur. On peut en dire autant de ces autres films ambitieux que sont L’Éternel Retour (bien que le mythe de Tristan et Yseult y reste captivant), La Symphonie pastorale, La Princesse de Clèves. Plus modestes mais tout aussi agréables sont Macao, l’enfer du jeu, où l’aventure est menée de façon prenante ; Le Garçon sauvage, histoire d’un enfant délaissé par sa mère prostituée, dont le finale, qui rassemble une action située en trois lieux différents, possède une vigueur dramatique exceptionnelle; ou encore Maigret tend un piège, intéressant pour la galerie de personnages qu’il propose. Sa carrière se signale par sa variété (acteur en 1927-1928, monteur de 1930 à 1937) et sa longévité: en 1987, il a réalisé une Bernadette qui ne ressemble pas à la Thérèse de Cavalier...

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